Pierma a écrit :
La plaisanterie provocante, façon Coluche ou plus encore Desproges, semblait interdite depuis une vingtaine d'années :"On ne peut plus rien dire ! "
Mais récemment, alors que les comiques se cantonnaient au registre de la vie quotidienne, est apparu un comique qui ne recule devant rien, avec pas mal de plaisanteries du style "buffet froid", c'est Gaspard Proust. Vraiment, j'apprécie de voir renaître du comique provoc, c'est un plaisir de l'entendre.
Après il faut être conscient qu'il y a toujours eu, et qu'il y aura toujours, une partie du public qui est étanche à ce second degré énorme et qui s'en scandalise. C'est dans la nature des choses.
Jérémy Ferrari, lors de son passage à la parenthèse inattendue a donné la clef de ce repli des humoristes. Coluche et Desproges pouvaient jouer le français moyen ou le néo-nazi. Dans le cas de Coluche, il y avait une très grosse dose d'autodérision et il incarnait le personnage. Alors, qu'il faut être quand même un peu en-dehors pour bien observer quelque chose. Pour Desproges, on n'avait aucun doute qu'il ne soit pas nazi ou raciste. Si on regarde bien, on a eu une montée du comique communautaire. Un gars de la banlieue peut se moquer de la banlieue. Quand il vanne les beaux quartiers, on parle d'attaque gratuite et méchante. Un gars des beaux quartiers, c'est juste l'inverse. Ne parlons pas des comiques pieds-noirs, juifs, beurs, noirs, féministes, ... Donc, tous ces comiques, se sont retrouvés cantonnés dans des cases et dès qu'ils en sortaient les communautés visées se sentaient attaquées.
Il a fallu l'émergence de nouveaux comiques qui tapent tout azimuts ou qui sont totalement décomplexés. Jérémy Ferrari explique qu'il est totalement décomplexé vis à vis du racisme ou de l'handicap. Il a laissé entendre qu'il travaille dans le milieu associatif comme bénévole et qu'il intervient avec des handicapés. Ce qu'il a indiqué, c'est qu'il fait rire une salle composée d'handicapés sur leurs propres malheurs, cela en étant valide. Parce qu'il n'est pas dans la compassion, mais aussi parce que ces gens comprennent qu'il ne les attaque pas et qu'il met en exergue leurs difficultés. Ce qui aide à leurs prises en compte par les valides qui ne sont pas choqués par ces vannes pleines d'humour noir. Jérémy Ferrari indique aussi que dans ces spectacles il voit venir des familles juives avec la kippa et des familles arabes avec le tchador. Les uns viennent pour entendre les vannes sur les musulmans, les autres pour entendre les vannes sur les juifs. Cela crée de l'ambiance entre les divers groupes. mais souvent cela initie un dialogue parce que chacun aime voir les travers des autres, mais il est amené à s'interroger sur ses propres travers. Pour corriger ses travers, il faut en avoir pris conscience. L'humour est souvent le premier pas vers cette prise de conscience. Un comique comme Jérémy Ferrari ou Gaspard Proust peuvent se permettre ce type d'humour parce qu'ils dénoncent des choses dont les gens ont plus ou moins conscience, parce qu'on comprend qu'ils ne sont pas dans la stigmatisation communautaire et parce qu'on comprend qu'il y a une certaine humanité en eux. Ils se rattachent à la veine de Coluche ou Desproges, ils appartiennent à tout le monde et à commencer à ceux dont ils moquent les travers.
L'exemple de Coluche est très éclairant. Quand on regarde ses sketches, il caricature souvent la France d'en bas, la France des bœufs. Or, c'est la France d'en haut qui le trouvait trop vulgaire. Il était populaire alors qu'il montrait au peuple ses travers. Aurait-il été aussi bien accueilli s'il s'était moqué des gens de la haute ? Il n'aurait pas eu autant de légitimité à le faire et on l'aurait laissé de coté.
Effectivement, on peut rire de tout. Mais pas avec n'importe qui et surtout pas n'importe comment. Il faut une certaine légitimité pour qu'une catégorie de gens acceptent qu'on se moque d'eux.