Concernant l'immortalité promise aux combattants, on peut citer la révolte mahdiste qui toucha le delta du Nil, à la fin avril 1799, alors que Bonaparte bataillait en Syrie. Se disant envoyé de Dieu, le Mahdi parvint à soulever l'ouest du Delta et à prendre la ville de Damanhour dans la nuit du 24 au 25 avril, face à une garnison de plus d'une centaine d'hommes qui fut anéantie.
Le 30 avril, du Caire, le général Dugua informait Bonaparte de l'insurrection et des miracles attribués au meneur du mouvement: "Un jongleur barbaresque est venu se donner pour général chez les Oulad-Ali, tribu arabe habitant pour le moment le Mariout. Il prétend avoir le secret de prendre de l'or partout où il met la main, d’amollir les balles et les boulets qu'on tire contre lui et contre les siens et de faire rester les bombes en l'air. Les premiers coups de fusils désabuseront vraisemblablement ses partisans de ces prétendus miracles."
La contre-attaque fut immédiate et la répression féroce. Le 19 juin, Bonaparte, de retour au Caire après son échec devant Acre, avertissait le Directoire de l'anéantissement de la révolte : « "Au commencement de floréal, une scène, la première de ce genre que nous ayons encore vue, mit en révolte la province de Bahireh. Un homme, venu du fond de l'Afrique, débarqué à Derneh, arrive, réunit des Arabes, et se dit l'ange el-Mohdy, annoncé dans le Coran par le prophète. Deux cents Maugrabins arrivent quelques jours après comme par hasard, et viennent se ranger sous ses ordres. L'ange el-Mohdy doit descendre du ciel; cet imposteur prétend être descendu du ciel au milieu du désert: lui qui est nu, prodigue l'or qu'il a l'art de tenir caché. Tous les jours, il trempe ses doigts dans une jatte de lait, se les passe sous les lèvres: c'est la seule nourriture qu'il prend. Il se porte sur Damanhour, surprend soixante hommes de la légion nautique, que l'on avait eu l'imprudence d'y laisser, au lieu de les placer dans la redoute de Rahmanieh, et les égorge. Encouragé par ce succès, il exalte l'imagination de ses disciples; il doit, en jetant un peu de poussière contre nos canons, empêcher la poudre de prendre, et faire tomber devant les vrais croyants les balles de nos fusils: un grand nombre d'hommes attestent cent miracles de cette nature qu'il fait tous les jours.
Le chef de brigade Lefebvre partit de Ramanieh avec quatre cents hommes, pour marcher contre l'ange; mais voyant à chaque instant le nombre des ennemis s'accroître, il sent l'impossibilité de pouvoir mettre à la raison une si grande quantité d'hommes fanatisés. Il se range en bataillon carré, et tue toute la journée ces insensés qui se précipitent sur nos canons, ne pouvant revenir de leur prestige. Ce n'est que la nuit que ces fanatiques, comptant leurs morts (il y en avait plus de mille) et leurs blessés, comprennent que Dieu ne fait plus de miracles.
Le [8 mai], le général Lanusse, qui s'est porté avec la plus grande activité partout où il y a eu des ennemis à combattre, arrive à Damanhour, passe quinze cents hommes au fil de l'épée; un monceau de cendres indique la place où fut Damanhour. L'ange el-Mohdy, blessé de plusieurs coups, sent lui-même son zèle se refroidir; il se cache dans le fond des déserts, environné encore de partisans; car, dans des têtes fanatisées, il n'y a point d'organes par où la raison puisse pénétrer. »
Le Mahdi ne fit plus parler longtemps de lui. Certains avancèrent cependant qu'il fut à la base de l'insurrection du Caire en 1800. A Sainte-Hélène, Napoléon dans ses dictées à Bertrand sur la campagne d'Orient reparla du Mahdi et de ses prétendus miracles:
« Un iman du désert de Derne, jouissant d’une grande réputation de sainteté parmi les Arabes de sa tribu s’imagina, ou voulut faire croire, qu’il était l’ange El-Mohdi. Cet homme avait toutes les qualités propres à exciter le fanatisme de la multitude ; il était éloquent, très versé dans l’étude du Coran, il passait tout son temps en prières ; il vivait, disait-il, sans manger. Tous les matins, au soleil levant, au moment où les fidèles remplissaient la mosquée, on lui portait en cérémonie une jatte de lait ; il y trempait ses doigts avec beaucoup de solennité, les passait sur ses lèvres ; c’était sa seule nourriture. […] Les fellahs accourraient de toutes les parties de la provinces dans la mosquée de Damanhour, où il prêchait et prouvait jusqu’à l’évidence sa mission divine : « Le prophète avait dit qu’il enverrait l’ange El-Mohdi au secours des fidèles, lorsque ceux-ci se trouveraient les circonstances les plus critiques. Or, l’Arabie n’avait jamais plus couru de dangers qu’aujourd’hui ; elle était en proie à une armée innombrables d’Occidentaux idolâtres. Ceux qui combattaient pour la défense de l’islamisme seraient invulnérables ; ni les boulets, ni les balles, ni les sabres, ni les lances, ne pouvaient rien contre eux. » [Suite aux plaintes de ses fidèles montrant ceux tombés lors des premiers combats], l’ange El-Mohdi étouffa ces murmures en s’appuyant de plusieurs versets du Coran ; aucun de ceux qui avaient eu en lui une foi vraie n’avaient été touchés ; ceux qui avaient été atteints étaient punis de leur manque de foi. Ainsi, son crédit se consolida. »
_________________ " Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)
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