On a parlé de limonade dans ce fil initié à partir des habitudes de Napoléon. J'en reviens à l'Empereur qui d'une certaine manière créait (au lieu d'en ajouter) de la limonade à partir de son vin :
« Quelquefois, dans la journée, il buvait un verre de vin de Champagne, mais jamais sans y joindre pour le moins autant d'eau : c'était une limonade »
(Ali, Souvenirs)
Une sobriété peut-être appliquée suite à une mémorable mauvaise soirée :
"Il ne m'est jamais arrivé de m'enivrer, sauf une fois dans ma vie. J'avais bu trois bouteilles de bourgogne qui m'ont complètement grisé. Ah, ce que j'ai été malade le lendemain ! Je suis resté deux jours comme mort !"
(O'Meara, note du 27 juillet 1816)
Pourtant le soir du 28 juillet 1800, Bonaparte fanfaronnait :
« Moi, je puis boire quatre bouteilles comme cela sans m'échauffer la tête. »
(Roederer, Journal)
L' « exploit » aurait sans doute faire sourire le général Bisson :
« Le général Bisson buvait de vingt à vingt-deux bouteilles de vin à chaque repas. Le général Saint-Hilaire qui connaissait ses habitudes l'invita un jour à dîner et, par une attention recherchée, il fit placer sur la table et sur deux rangs des bouteilles en bataille formant un peloton. Le bouchon de chaque bouteille de vin figurait un bonnet de grenadier. Les officiers et sous-officiers étaient à leur place dans la formation de ce bizarre peloton. Le général Bisson avala tout et il ne laissa pas seulement un serre-file. »
(Petiet, Souvenirs historiques, militaires et particuliers)
« Le général Bisson, qui commandait en 1806 une division du 6e corps commandé par le maréchal Ney, buvait à déjeuner douze bouteilles de vin et autant à son dîner… Comme le général d'Alton, alors colonel du 59e de ligne qui faisait partie de la division Bisson, m'invitait souvent à déjeuner et à dîner, je me suis souvent trouvé y dîner avec le général Bisson et je suis témoin qu'il buvait douze bouteilles à chaque repas ; tout le monde le savait. Le colonel d'Alton, devenu général de division, vint voir à Viefville M. et Mme de Lignières. Étant à dîner, Mme de Lignières dit au général d'Alton :
« Mon mari dit que le général Bisson buvait douze bouteilles de vin à son déjeuner et autant à son dîner.
-C'est vrai, répondit le général d'Alton, et un jour, j'engageai le général Bisson à dîner, je chargeai un domestique de mettre de côté les bouteilles de vin qu'avait bues le général Bisson. J'ai été les compter moi-même, il en avait bu trente-six.»
(Lignières, Souvenirs de la Grande Armée et de la Vieille Garde Impériale)
« Je donnais un dîner qui me rappelle l'un des trois grands buveurs que j'aie connus, Pichegru le général de division Bisson et mon convive Piet de Chambel, alors ordonnateur de la division militaire dont le quartier général était à Poitiers. Pichegru buvait sans bravade quinze à dix-huit bouteilles de vin ; les deux autres dépassaient ce nombre, et l'on m'a même soutenu que Bisson le doublait. »
(Thiébault, Mémoires)
« C’était un homme d’une stature colossale, et passait pour un grand buveur. Ce que je sais, c’est qu’un jour, invité chez lui, je constatais avec effroi qu’il avait absorbé, dans un dîner à cinq, une vingtaine de bouteilles de différents vins. »
(Bial, Mémoires ou souvenirs des guerres de la Révolution et de l'Empire)
En outre, quand on connaît l'anecdote rapportée par Stendhal dans « Mémoires d'un touriste » :
« Le général Bisson, étant colonel, allait à l'armée du Rhin avec son régiment. Passant devant le Clos-Vougeot, il fait faire halte, commande à gauche en bataille, et fait rendre les honneurs militaires. »
...assurément, Bisson aurait difficilement vu sans émotion Napoléon noyer son Gevrey-Chambertin avec de l'eau.
Mais sans doute, si on en croit son traitement particulier, lui aurait-il pardonné :
« Qui n'en a entendu parler comme du plus intrépide buveur de toute l'armée ! Un jour l'empereur, l'ayant rencontré à Berlin, lui dit:
« Eh bien, Bisson, bois-tu toujours bien ?
-Comme çà, Sire, çà ne passe plus les vingt-cinq bouteilles.»
C'était, en effet, un grand amendement chez lui, car il avait plus d'une fois atteint la quarantaine [il mourut à 44 ans], et, toujours sans se griser. Au surplus, ce n'était pas un vice chez le général Bisson, mais un besoin impérieux. L'empereur le savait, et comme il l'aimait beaucoup, il lui faisait une pension de douze mille francs sur sa cassette, et lui donnait en outre de fréquentes gratifications. »
(Constant, Mémoires)