Jusqu’au XVIIIème siècle, la connaissance scientifique et médicale en général, et celle du cycle menstruel des femmes en particulier, fut fortement empreint du traité d’HIPPOCRATE et des écrits d’ARISTOTE . Selon ce dernier, la place réservée à la Femme dans l’enfantement ne serait qu’extrêmement mineure, puisque la semence (sans âme) de la Femme, qu’il situe dans le sang menstruel, ne serait que le support nécessaire de la semence masculine.
De son côté, HIPPOCRATE constate l’existence, à côté du sperme, d’une semence féminine. Mais, il précise que cette dernière reste invisible au sein du corps de la femme, et que le sang menstruel n’est que « l’alimentation » du (futur) fœtus – expliquant l’arrêt de ces pertes durant la grossesse -.
Ces visions s’affronteront, et au cours du Moyen Age, la théorie de la double semence, soutenue par HIPPOCRATE (et répandu, de plus en plus, par les médecins arabes) , s’imposera .
Il existe donc une semence féminine, dont les vertus restent bien inférieures à celles du sperme, qui permet la génération, à l’aide également du sang menstruel.
Ainsi, ce sang impur – noir, en opposition au sang rouge des Chevaliers – reste source de tabous, de malédictions et d’interdits.
LE SANG IMPUR DES MENSTRUES
Cette malédiction explique l’origine des maisons de « menstruantes », dans lesquelles les Femmes réglées étaient mises à l’écart, et dans lesquelles on peut deviner l’origine des harems et autres gynécées .
Le moyen – âge est dirigé par le Christianisme, qui, pour s’expurger du péché de chair, n’autorise les relations sexuelles que pour procréer .Le raisonnement de l’époque pousse à voir dans chaque femme réglée, le mépris des règles de la Sainte Eglise, puisque le sang continue d’affluer. Cette « damnation » silencieuse accroît, si il en était besoin, le sentiment de malédiction, ressenti à la vu du sang menstruel.
Aussi, les prélats nous mettent en garde : un rapport sexuel avec une femme, pendant ses règles, donnera naissance à un enfant roux ou handicapé, alors que l’union à une femme ménopausée risque à quiconque s’y aventure, d’apporter la lèpre (les « humeurs » n’étant plus éliminées par les Règles).
Durant leurs règles, les femmes sont alors soumises à de nombreux interdits, tant cette malédiction est lourde. Dès l’Antiquité, Pline l’Ancien avait déjà pu constater qu’une « femme, qui a ses règles, fait aigrir le vin à son approche », puis tout au long des siècles on observera que ces mêmes règles corrompent la viande, font tourner le lait et les sauces, empêchent la fermentation panaire. Une femme réglée est également accusée de brûler la végétation, de stériliser les champs……Bref, bien des maux proviennent de ce sang noir, qui devrait servir à enfanter, plutôt que de tomber à terre .
LE SANG, SOURCE DE VIE.
Comme dans toute malédiction, le pire pouvait et devait servir au meilleur, d’autant plus que ce sang impur ne l’était que par la faiblesse des Femmes , mais qu’il demeurait essentiel pour donner la vie. Aussi, vit-on, ici et là, l’utilisation du sang menstruel à des fins bénéfiques. Ainsi, en Ecosse, on l’utilisait pour protéger le bétail du mauvais œil, alors qu’il protégeait les plantes des insectes ( Orléanais. XVI ème siècle) En Anjou et dans le Beaujolais, des femmes réglées circulaient, jupes retroussées, à travers champs pour protéger les récoltes des chenilles (bienfait déjà constaté par PLINE, dans son Histoire naturelle) , alors qu’ en Côte d’Ivoire, ce sang noir a le pouvoir de guérir des furoncles.
Enfin, que dire du sang, résultant de la défloration des vierges. Véritable rite de passage (comme l’est celui de l’état de fillette à celui de Femme) , les époques et les lieux (même au sein d’un même pays, comme le nôtre) ont apporté divers traitements à cette situation. Cette défloration pouvait être exigé lors du mariage (pratique, qui se généralisera à partir du XI ème siècle) , ou alors, elle était confiée à un parfait inconnu, qui encourait seul le danger de voir ce sang impur couler. Ou alors, plus capable d’endurer les épreuves , le chef (religieux, politique, ou les deux simultanées) pratiquait ce « droit de cuissage », se réservant ainsi toutes les vierges de ses « fidèles »…Mais, nous nous éloignons de notre sujet, et le traitement de ces jeunes femmes mériteraient, à lui seul , un plus long développement.
L’obscurantisme du Moyen – Âge tend à disparaître, et le XVII ème siècle nous apporte sont lot de connaissances nouvelles, notamment celles dues à Reynier de GRAAF (1641-1673) sur le sujet, qui nous intéresse. Dès lors, le processus s’accélère, les connaissances se précisent, et le sang impur devient un vecteur de la fécondité des femmes. Il passe alors de l’état de malédiction, à celui de de vecteur de la fertilité féminine, transportant un débat passionnel sur un plan purement scientifique.
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