Georges Vigarello :
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C’est parce que l’eau, par exemple, est perçue au XVIe et au XVIIe siècle, comme capable de s’infiltrer dans le corps, que le bain a, au même moment, un statut très spécifique : l’eau chaude, en particulier, est supposée fragiliser les organes, laissant les pores béants, aux airs malsains. […] Le bain et l’étuve sont dangereux parce qu’ils ouvrent le corps à l’air. Ils exercent une action quasi mécanique sur les pores, exposant ainsi, pour quelque temps, les organes aux quatre vents.[…] L’organisme baigné résiste moins au venin parce qu’il lui est plus offert. Il demeure comme perméable. L’air infect menace de s’engouffrer en lui de toutes parts.
Au XVIe siècle on ferme officiellement et systématiquement les étuves et les bains à chaque épidémie de peste.
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Cette crainte traverse encore l’ensemble du XVIIe siècle. La peste, renaissant selon les lieux et les périodes avec une fréquence quasi annuelle, engendre les mêmes interdits : échauffer les corps « serait ouvrir les portes au venin de l’air et le boire à pleines coupes ». Dans tous les cas une telle rencontre suggère une issue presque irrévocable.
[…] Toutes ces craintes, tous ces dispositifs conduisent à bien d’autres logiques que celles des précautions d’aujourd’hui. […] Lorsque les livres de santé évoquent, au XVIe siècle par exemple, certaines odeurs du corps, ils évoquent aussi la nécessité de les effacer. Mais frottements et parfums l’emportent dans ce cas sur tout lavage. Il faut frictionner la peau avec quelque linge parfumé. Essuyer vivement, tout en déposant du parfum, et non vraiment laver.
Pour tout savoir sur le sujet :
- Georges Vigarello,
Le Propre et le sale (l’hygiène du corps depuis le Moyen Age), Seuil, 1985
- Alain Corbin,
Le Miasme et la jonquille, Aubier Montaigne, 1982 (réédition Champs/Flammarion) pour les XVIIIe et XIXe siècles (chap. III notamment).