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 Sujet du message : Mythe de Cadmos
Message Publié : 26 Jan 2010 12:28 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 26 Jan 2010 12:14
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Bonjour à tous, je voudrais en connaître plus sur le mythe de Cadmos (ou Cadmus) et la fondation de Thèbes.
Pouvez vous me dire tout ce que vous en savez et si, pour une raison x ou y, ce mythe a été un jour ou l'autre réutilisé ou réinterprété.

Merci d'avance


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 Sujet du message : Re: Mythe de Cadmos
Message Publié : 26 Jan 2010 21:41 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Ouhlà, encore un sujet bien complexe...

Comme pour tous les mythes grecs, il faut je crois adopter une démarche non globale mais chronologique ; or justement, le personnage de Cadmos a énormément évolué, cas peut-être exceptionnel d'une antique divinité mycénienne (un lieu de culte lui aurait été consacré sur ce qui deviendra la Cadmée) déchue au rang de héros. On retrouve peut-être une trace de cette antique divinité dans ses descendants : son petit-fils le célèbre Dionysos, et sa fille Ino, alias Leucothoé, divinité mineure dès l'origine, du moins apparait-elle ainsi dans l'Odyssée. Or, si à l'époque classique puis hellénistique, Cadmos est réputé d'origine étrangère (Tyrien ou Egyptien, voire... Juif), cela ne semble pas être le cas dans les plus anciens cycles, mais il faut que je creuse l'affaire, à vérifier. Au fur et à mesure des siècles, le personnage s'est enrichi, au point de donner naissance à une espèce de Méditerranée cadméenne, entre les colonisations de ses frangins (en Thrace, en Phrygie, en Cilicie, en Phénicie, en Afrique du Nord...) et ses propres pérégrination en Egée (Théra, Rhodes, Samothrace, Thrace...), en Grèce continentale (Delphes, Béotie, Arcadie...) et plus loin encore, l'Illyrie et même l'Italie...
Si on ajoute pour les époques récentes les découvertes multiples qui lui sont attribués, au nom de son origine étrangère (l'écriture introduite en Grèce, la navigation etc. et même me semble-t-il le polythéisme lol ). Bref, un personnage multiforme.

Concernant plus spécifiquement le mythe de la fondation de Thèbes, assez ancien (le mythe est déjà fixé au Ve, je songe en particulier à Euripide et Hérodote), il a accumule des topoi littéraires classiques. Par exemple cette histoire de génisse qui préside à la fondation : on retrouve la même histoire, avec quelques variations parfois, dans tous le monde grec, mais aussi dans le monde italique (je songe aux colonisations osques, qui suivent à chaque fois un bœuf) ou phénicien (Carthage). Je suis incapable de proposer une interprétation, je constate simplement que la Méditerranée héroïque est parcourue en tout sens par des troupes de gugus qui suivent en rang et sans le brusquer le premier bovidé de passage. Il y aurait sûrement de belles études comparatives à faire sur ce thème, à supposé que cela n'a pas été fait.

Ensuite, cette histoire de dragon qu'il faut tuer pour s'emparer d'une terre... Là aussi, ultra classique (je songe à Delphes, aux Argonautes, plus tard au Bagrada des Romains...). Le symbolisme chtonien est très fort, renforcé encore par les autres aspects du mythe : les fils de la Terre, les Spartoi, se massacrent à peine né, sont rendus de fait à la terre, et plus tard, les descendants des rares survivants continuent à porter cette dette, et formeront des victimes humaines désignés dans les mythes des Sept contre Thèbes. De plus, Cadmos lui-même finira sa vie sous la forme... d'un serpent, tout comme son épouse Harmonie. La boucle est bouclée. Là aussi, le thème serait à mon avis à approfondir.

Enfin il y a le parallèle exacte avec Jason et les Argonautes, qui eux aussi doivent tuer un dragon, semer ses dents puis combattre (par ruse) les géants armés issus de ces curieuses semailles. L'identité des deux mythes est tellement évidente que plusieurs mythographes les ont unis, déduisant que le brave Aiétès a hérité on ne sait trop pourquoi ni comment de la moitié des dents du serpent tué par Cadmos. Une étude comparative des deux mythes permettrait peut-être d'éclairer l'un par l'autre. Néanmoins, le cas colche n'implique pas de fondation coloniale ni conquête, son sens réside donc ailleurs.

Navré pour l'aspect très décousu de mon intervention, mais ce n'est que quelques pistes lancées à froid. Le thème m'intéresse, mais je dois auparavant me plonger plus attentivement dans les sources, j'y reviendrai donc courant de semaine ou ce week-end, ce qui ne doit pas te dispenser de creuser de ton côté. ;)


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 Sujet du message : Re: Mythe de Cadmos
Message Publié : 30 Jan 2010 19:43 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Eh bé, navré Flora, je ne tiendrais pas parole tout de suite... Je n'ai toujours pas fini mon recensement, et je me retrouve déjà avec 109 pages uniquement composées de sources se portant exclusivement sur Cadmos (donc sans la nombreuse familia qui gravite autour du personnage). J'aurai fini demain, mais les recoupements seront beaucoup plus long que prévu, je ne m'attendais pas à ce qu'il soit aussi populaire.

Pour patienter, quelques "explications" rationnelles du récit de fondation offertes par les Anciens. Elle ne méritent pas grands commentaires, mais prouvent que la tentation naïve de prendre un récit au pied de la lettre et de lui ôter tout sens symbolique ne date pas d'hier. Ca me fait penser à ceux qui veulent voir les Cyclopes dans des éléphants nains, cherchent désespérément l'incident exacte qui à inspiré le Déluge, voient dans les plaies d'Egypte un récit historique des malheurs du Pharaon et veulent prouver que "c'est vrai"... Bref, un bon vieux réflexe qui ne date pas d'hier, et qui prouve une fois de plus la fatuité de la démarche.
Comme chaque fois qu'ils s'essaient à cet exercice, cela ne ressemble à rien, mais au moins c'est amusant.

Le premier: Diodore, XIX.53 (Ier av.), discret :
Après le déluge de Deucalion, Cadmos fonda la ville qui, d'après lui, porta le nom de Cadmée. Cette ville fut d'abord habitée par un peuple que quelques historiens appellent Spartos, parce qu'il se composait d'hommes accourus de tous côtés.


Un peu plus imaginatif : Conon = Photius, 186 Récits de Conon, 37 (Ier av.) :
Les Béotiens tombèrent sur ces aventuriers d'abord avec assez de succès ; mais les Phéniciens, à force de ruses, d'embuscades et de stratagèmes, et plus encore par la terreur que leurs armes inspiraient à des peuples qui n'en avaient jamais vu de pareilles, furent bientôt victorieux, en sorte que Cadmos se rendit enfin maître de tout le pays. Il périt un grand nombre de Béotiens ; ceux qui échappèrent s'étant retirés chez eux, Cadmos fit entrer ses troupes dans Thèbes, ensuite il épousa Harmonie, qui était fille d’Arès et d’Aphrodite , et il ne trouva plus d'obstacle à sa domination. Les Béotiens avaient été tellement étonnés de voir des hommes armés d'un casque et d'un bouclier, sortir tout-à-coup d'une embuscade et les poursuivre, qu'ils demeurèrent persuadés que Cadmos et ses compagnons étaient sortis de terre tout armés. C'est pourquoi ils leur donnèrent le nom de Spartes, comme qui dirait semés en terre, et produits du sein de la terre même.

Mais le plus farfelu, champion incontesté des délires à prétention rationnelle, Palaiphatos, Histoires extraordinaires, 3 (fin IVe av.?):
Une vieille histoire raconte que Cadmos tua un serpent ; il en arracha les dents et les sema dans la terre ; par la suite des hommes armés naquirent. Mais si cela était vrai, personne ne sèmerait autre chose que des dents de serpent ; et si des hommes armés ne naissaient pas en une autre terre, au moins pour un temps on aurait dû continuer à semer les dents dans la terre où ils étaient nés. La vérité est celle-ci.
D'origine phénicienne, Cadmos arriva à Thèbes pour en disputer le royaume à son frère Phénix. A cette époque, Dracon, fils d'Arès, régnait sur Thèbes. Il possédait de nombreux autres biens dignes d'un roi, et même des défenses d'éléphant. Après l'avoir tué, Cadmos devint roi. Mais les amis de Dracon lui firent la guerre, et ils s'unirent pour lutter contre Cadmos. Les amis de Dracon, donc, après une défaite, s'emparèrent des richesses de Cadmos, et des défenses d'éléphant, qui se trouvaient dans le sanctuaire ; puis ils se réfugièrent dans leurs terres. Ils se dispersèrent ici et là, les uns en Attique, les autres dans le Péloponnèse, en Phocide et en Locride. De là, ils faisaient la guerre aux Thébains. C'étaient des adversaires difficiles à vaincre, car ils parlaient tous la même langue et connaissaient la région.
Comme ils s'étaient enfuis en volant les défenses d'éléphant, les gens disaient : "Cadmos est responsable de nos malheurs, en tuant Dracon. A cause de ces défenses, de nombreux hommes valeureux sont venus, et ils nous font la guerre."
Le mythe s'est formé à partir de ce fait réellement arrivé.


Je confirme en attendant les grandes variations quant à l'épopée de Cadmos, qui passe d'une espèce de génie/divinité chthonienne (lié de près aux Cabires de Samothrace, à Hermès, à Dionysos) à celui de héros étranger civilisateur. Hasard, la rupture semble se placer au début du Ve, autrement dit, en parallèle avec l'invasion perse. Je doute que ce soit un hasard. Le personnage s'enrichit de siècles en siècles, phagocytant d'autres héros, et il atteint son apogée dans Nonnos de Panopolis (fin IV-début Ve ap.), dont il est le héros principale des premiers chants des Dionysiaques : non seulement, il est le sauveur de l'humanité, mais en plus, le voilà responsable de la défaite de Typhon et donc sauveur de tout le Panthéon divin et de Zeus lui-même. Voui m'dame, rien qu'ça ! lol


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 Sujet du message : Re: Mythe de Cadmos
Message Publié : 02 Fév 2010 11:38 
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Hérodote
Hérodote

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Et bien!!
Merci beaucoup pour toutes ces recherches et ce temps passé sur le sujet. :P
J'avais déjà, de mon coté, étudié pas mal le personnage mais face à la complexité du mythe et à ses diverses interprétations, un avis extérieur n'est pas de trop.

J'avais en effet lu que le personnage était lié à Hermès, Dionysos bien sur, qui est parfois désigné comme son petit-fils, ou même la tout aussi complexe déesse Cybèle... Vous parlez également des Cabires de Samothrace, je n'ai pas fait le lien direct avec Cadmos, pouvez-vous m'éclairer?


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 Sujet du message : Re: Mythe de Cadmos
Message Publié : 02 Fév 2010 15:53 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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Bah, c'est un plaisir, j'apprécie ce genre de recherche thématique, et les mythologies sont particulièrement délicates d'interprétation, ce qui les rends d'autant plus intéressantes. De plus, dans le cas de Cadmos, son exemple croise plusieurs thèmes qui m'intéressent (l'instrumentalisation politique des mythes par exemple, ici je pense à la fois par Thèbes elle-même en 480/479, et surtout popularisé à Athènes, par Phérécyde, Euripide et Hérodote en particulier, avec d'autres sous-entendus évidemment).
Je n’ai toujours pas achevé ma recension… 130e page en cours… Il me reste encore des scholies à voir (Euripide, Eschyle, Homère et Aristophane) et j’aurai fait le tour de ce dont je dispose ; mais certaines sources ne me sont pas accessibles (en particulier, Tzetzès, commentaires sur l'Alexandra de Lycophron; ou bien Antonius Liberalis, le mythographe). Ensuite, restera à reprendre tout ça à tête froide et commencer les regroupements thématiques. J'aimerai bien me pencher aussi sur le cas d'Ino/Leucothoé à l'occasion...

Flora a écrit :
J'avais déjà, de mon coté, étudié pas mal le personnage mais face à la complexité du mythe et à ses diverses interprétations, un avis extérieur n'est pas de trop.

Cette étude se fait dans quel cadre ? Un mémoire ? Il y aurait largement de matière...
De ton côté, quel est ton avis ? N'ayant pas accès aux données archéologiques, peu au fait de l'épigraphie, et lisant de moins en moins les contemporains, je serais curieux de confronter mes déductions avec l'état actuel des recherches sur le sujet. De plus, cela permettrait de lancer un débat, plus intéressant qu'un froid compte-rendu.

Flora a écrit :
Vous parlez également des Cabires de Samothrace, je n'ai pas fait le lien direct avec Cadmos, pouvez-vous m'éclairer?

J’ai retrouvé quelques allusions dispersées, et malheureusement souvent tardives, pour la simple raison qu’il s’agissait de cultes à mystères dont les initiés étaient tenus au silence (Pausanias IX.25.5 : Je prie les curieux de vouloir bien m'excuser, si je ne leur dis pas ce que c'est que les Cabires, et tout ce qu'on fait en leur honneur et en l'honneur de la Mère des dieux). Les langues se dénouent seulement lorsque le culte a disparu, via des traditions érudites (scolies et lexiques), qui malheureusement n’indique que rarement leurs sources. Néanmoins, je suis convaincu qu’une partie remonte à des traditions locales très ancienne, j’y reviens. De toute façon, quand il est question d’un rapprochement d’Hermès avec Cadmos, c’est uniquement dans le cadre des rites cabiriques, où le génie Cadmos est assimilé à Hermès, mais sans doute en tant que « conducteur des morts », puisqu’associé à Déméter, Perséphone et Hadès. Dans ce cas, Hermès est nommé/surnommé Cadmos/Cadmis/Cadmilos/Cismilos. Mais uniquement dans ce cadre très précis.

Premier texte, indirect mais le plus ancien conservé, Denys d’Halicarnasse, Antiquités romaines, II.22.2 (Ier av) :
2. Toutes les fonctions qui sont assurées dans les cérémonies grecques par des jeunes filles qu'ils appellent canéphores et l'arrhéphores sont exécutées chez les Romains par les tutulatae : elles portent sur leurs têtes le même genre de couronnes que celles qui ornent les statues d’Artémis d’Ephèse chez les Grecs. Et toutes les fonctions qui étaient assurées par les Tyrrhéniens et plus tôt par les Pélasges par ceux qu’on appelle les cadmiloi dans les mystères des Courètes et dans ceux des Grands Dieux, étaient assurées de la même manière par les assistants des prêtres qui s'appellent maintenant camilli chez les Romains.
Sans aborder le parallèle supposé par Denys entre les traditions romaines et pélasgiques, hors propos ici. Quand il est question ici des Tyrrhéniens (et des Pélasges), ce n’est pas ceux d’Italie, mais ceux de l’Egée, centrés sur Lemnos, mais qui sont attesté aussi sur quelques îles ainsi qu’en Chalcidique. C’est une référence à l’ancienneté, à l’archaïsme du rite. Courètes et Grands Dieux sont des allusions claires aux mystères, même si Samothrace n’est pas directement mentionné. Les cadmiloi sont donc des assistants des prêtres, en référence évidente à Hermès Cadmilos.
Second texte, tardif, Nonnos, Dionysiaques, IV (fin IVe-début Ve ap.) :
Ah ! je sais d'où nous vient cet habitant de l'Olympe ; et comme jadis le Titan Atlas fit d'Électre une sœur de Maïa, voici un Hermès sans ailes qui vient s'offrir pour époux à sa cousine Harmonie : et ce n'est pas sans raison qu'on l'invoque sous le nom de Cadmilos, puisqu'il n'a fait que changer sa forme céleste en gardant le nom de Cadmos.
Nonnos est d’un emploi difficile vu les grandes libertés qu’il prend avec le mythe, qu’il a entièrement recomposé. Néanmoins, l’allusion ici est clair, et confirme cet épithète d’Hermès employé à Samothrace. La scène se place à Samothrace même, lorsque Electre offre Harmonie comme épouse à Cadmos ; après quelques difficulté, la belle tombe sous le charme du héros grâce à un coup de pouce de la môman, Aphrodite ; mais le mariage se fera bien plus tard, à Thèbes ; Nonnos combine maladroitement deux traditions, le mariage ayant lieu selon les versions majoritaires soit à Samothrace (Ephore, Mnaséas, Diodore), soit à Thèbes. Nonnos incorpore l’étape de Samothrace, mais dissocie artificiellement l’obtention de la main d’Harmonie du mariage, séparés par la navigation jusqu’à Delphes, la poursuite de la vache, la lutte contre le Dragon, les Spartes, la fondation de Thèbes. Ouf. Alors seulement ils ont le droit de se marier… en l’absence d’Electre et de tous ses proches…
Un lexique médiéval (milieu du XIIe), mais héritier d’une longue tradition : Etymologicum Magnum, s.v. Kadmos :
Cadmos : c’est le nom donné à Hermès chez les Tyrrhéniens. Il s’écrit aussi avec un i.
Les Tyrrhéniens sont les mêmes que chez Denys. Cet archaïsme semble montrer que cette notice s’inspire d’un auteur ancien. On retrouve encore une fois Hermès associé à Cadmos avec l’épithète Cadmos/Cadmis, variante du Cadmilos des deux autres.
Enfin, lui aussi du XIIe, mais que je n’ai pas pu consulter (une allusion dans une note m’a donné la citation) : Tzetzès, ad Lycophron :
Cadmilis est le nom d’Hermès en Béotie.
Bien que largement postérieur, la remarque ne doit pas être rejeté je pense, étant donné la grande faveur du culte cabirique en Béotie (voir le livre IX de Pausanias), ils sont honoré partout, en particulier via le binôme Déméter/Coré, mais aussi par de nombreux sanctuaires aux Cabires en général.

Je rajoute Dionysodoros = Scholie à Apollonios de Rhodes, Argonautiques, I.917 :
C'est au culte des Cabires qu'on s'initie à Samothrace, comme le dit Mnaséas. Ils sont quatre et se nomment Axiéros, qui est Déméter, Axiocersa qui est Perséphoné, Axiocersos qui est Hadès. Un quatrième qui leur est adjoint, Cismilos, est Hermès, à ce que raconte Dionysodore.
Je n’ai pas trouvé d’autre mention de l’épithète Cismilos, qui est peut-être une corruption de Cadmilos. Dionysodoros est lui-même Béotien…

Cette assimilation Cadmos/Hermès dans le cadre des mystères cabirique est encore encouragé par la volonté d’intégration de Samothrace au mythe du héros (via la quête d’Harmonie et son mariage sus-mentionné), mais aussi par plusieurs liens troublant en Béotie même. Par exemple, où la tradition place la maison du héros Cadmos ? Pausanias, Périégèse, IX.16.5 : Le temple de Déméter Thesmophore était jadis, à ce qu'on prétend, la maison de Cadmos et de ses descendants. Et la même Déméter est adorée dans le plus grand sanctuaire de Béotie, à Lébadia, où se trouve l’oracle de Trophonios, sous le nom… d’Europe ! (Pausanias IX.39).

En parlant de son caractère chthonien, il est autre chose qui me surprend : Cadmos non seulement a peu d'exploits à son actif (juste tuer le serpent), mais en plus il le fait avec une facilité déconcertante et d'une manière inattendu. Il n'est pas du tout un héros guerrier, se battant avec lance et épée, comme un hoplite grec, ni un héros cavalier à la thrace. Rien de tel.
Il doit lutter contre le Dragon ? Il prend une pierre, la jette, et hop, fini, le monstre est mort.
Il doit lutter contre les Spartes ? Il prend une pierre, la jette, et hop, fini, ils s'étripent tout seuls et lui se contente du rôle de spectateur passif.
Je ne sais pas trop comment l'interpréter, mais le fait qu'il n'utilise qu'une simple pierre à chaque me semble significatif. De quoi pas contre, je ne sais pas...


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 Sujet du message : Re: Mythe de Cadmos
Message Publié : 03 Fév 2010 0:15 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
Message(s) : 2289
Nondidjou, sur l'assimilation avec Hermès, j'ai loupé les deux meilleures citations....

Tiré de l'Alexandra de Lycophron, IIIe avant :
Lycophron, Alexandra, 156-163 :
Celui-ci, rendu à la vie, après s'être dérobé au redoutable amour de Poséidon qui voulait l'enlever, fut envoyé par Érechthée dans les plaines de Létrina , pour broyer les pierres de la vaste lice de Molpis qui sacrifia sa vie à Zeus Ombrios, et pour tuer l'assassin de ses gendres par une ruse coupable et meurtrière que prépara le fils de Cadmilos .

Le héros est Pélops, ressuscité par les dieux. "le fils de Cadmilos" est Myrtilos, fils d'Hermès et de Myrto, qui était le cocher d'Oinomaos ("l'assassin de ses gendre") qui sabota le char de son maitre et assura la victoire à Pélops à Olympie ("la vaste lice de Molpis"). L'assimilation de Cadmilos à Hermès ne fait aucun doute.

Encore mieux, Lycophron, Alexandra, 219-223 :
Plut au Ciel que Cadmos, dans l’île d’Issa, ne t’eut pas engendré, Prylis, toi le guide de son ennemis, quatrième rejeton du malheureux Atlas, fléau de ta famille, toi qui, devin, révéla aux Grecs les meilleurs stratagèmes !
Prylis est le fils d'Hermès, troyen, qui reçut de son père ses dons de prophétie. Il révéla aux Grecs par quels moyens prendre la ville.
Cette fois-ci, Hermès est carrément nommé Cadmos (cf. Etymologicum Magnum). Là non plus, l'assimilation ne fait aucun doute. Par contre, Lycophron l'emploi comme un quelconque épithète, comme synonyme pur et simple d'Hermès, non en relation avec le culte spécifique des Cabires. Licence poétique ?

Je trouverai peut-être d'autres allusions au cour de ma relecture.


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