La bible est à la fois inspirée et différente des autres traditions. Le fondement des textes mythiques est la métaphysique universelle, qui est, si vous voulez la logique (au sens mathématique du terme) qui permet de concevoir la cause universelle. Je dis concevoir et non percevoir, car on ne peut pas "voir" l'Etre suprême dans sa totalité. Mais il se laisse parfaitement concevoir par la logique. C'est pourquoi, les anciens pouvaient sans problème parvenir à cette connaissance. Aussi, c'est de façon tout à fait artificielle, qu'Aristote fait la séparation entre la physique (connaissance du visible) et la métaphysique (connaissance de l'invisible).
Le livre de la Genèse, dans ses premiers chapitres introduit le Non-Etre dans les notions de Tohu et Bohu, qui est la situation exacte de l'Infini, c'est-à-dire l'ensemble infini de toutes les possibilités, vues dans un état pur, potentiel et non "acté". Comme dans cet ensemble, chaque possibilité s'annule rigoureusement avec la possibilité qui lui est contraire, cet Infini métaphysique est donc un pur Néant (Non-Etre), un pur Zéro. Il est à la fois Infini et Néant !
L'existence provient d'une dyssymétrie de fait entre l'infini qui contient le zéro (on a Infini = Néant), alors qu'on ne peut pas écrire le contraire, car Néant ne peut être égal à l'infini. Il s'agit de la seule égalité non symétrique, qui est une caractéristique ontologique non résorbable du principe suprême. L'état de zéro ou de Néant ne pouvant être égal à l'Infini, il va alors "tendre" vers l'infini, par une sorte de dynamique de l'affirmation de lui-même, une sorte de recherche des possibilités positives à manifester, à existencier. Il est comme "déçu" d'être un Zéro. C'est ce qu'exprime le terme Tohu qui en hébreu provient d'une racine qui signifie "déception". Ce zéro, qui est pur néant, va "se prendre pour quelque chose". Il devient l'Etre Suprême UN.
Le terme Bohu est littéralement l'abîme sans fin de toutes les possibilités potentielles de l'Infini et il est vu comme une sorte de chaos, car ces possibilités n'y sont qu'en puissance et non en acte. Au fur et à mesure que l'Etre va les existencier, elles passeront de la puissance à l'acte, sous réserve que cet Etre invente d'abord une Conscience, une sorte d'Ecran de cinéma, qui permettra de les observer. Cet Ecran est Adam, l'image d'Elohim, c'est-à-dire l'écran qui manifestera les possibilités actées. Enfin, il faut à l'Ecran une sorte de complément logique, une machinerie procédant d'une volonté (une aptitude) à former l'image (pellicule). Cette aptitude sera Eve, la partie sensible et matricielle d'Adam, qui exprime aussi sa volonté et dont l'aptitude est de générer les formes en les "voulant", l'énergie pour le faire étant celle de l'Esprit (le Souffle) qui prend la forme d'IHWH dans le texte (le projecteur = source de la lumière).
Je sais fort bien que cela va déranger ou choquer certaines convictions. C'est pourquoi les auteurs des textes ont volontairement voilé cette métaphysique dans des mythes, dont certains vont même jusqu'à diviniser Adam, Eve, la lumière, le Logos (logique), etc ... Le reste est une question de langage, de conscience et de choix. Certains s'intéresseront à la pellicule, d'autres regarderont l'image, d'autres enfin voueront un culte au projecteur, d'autres enfin se perdront à la recherche de l'obscurité et y verront la réalité (la salle = l'immensité passive). Mais la véritable image est celle de l'Ecran, qui seul nous permet de voir ce qui a été conçu par le réalisateur (Elohim).
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