Une étude absolument passionnante (lecture en cours, car je ne l'ai pas finie) de Clarisse Herrenschmidt : Les trois écritures, publié à la nrf.
(pour ceux qui voudraient avoir un aperçu plus rapide, mais tout aussi passionnant, elle a écrit une synthèse des premiers chapitres dans l'Orient ancien et nous, ouvrage collectif auquel ont également participé Bottéro et Vernant)
Clarisse Herrenschmidt étudie le fonctionnement des langues dans leur écriture, à idéogrammes, pictogrammes, alphabet consonnantique, syllabique, alphabet à voyelles, etc... elle en étudie le fonctionnement et les enjeux culturels qui en découlent ou qui sont à l'origine de la conception de l'écriture.
C'est très dense, pas facile à cause de la densité (et de l'aspect souvent technique), mais vraiment passionnant.
On y apprend entre autre pourquoi le "H aspiré" a disparu de la graphie grecque au moment du rétablissement de la démocratie à Athènes, après le régime des Trente (403 av JC); on y comprend toutes le implications de la polysémie de sens à l'oeuvre dans le texte hébraïque de la Bible, à cause d'une écriture essentiellement consonnantique (encore que la Bible massorétique ait accompli une première "vocalisation")
Elle y étudie aussi le rapport de l'homme au monde extérieur, selon qu'il est sujet émetteur de son (comme avec l'alphabet à consonnes et voyelles), donc créateur des mots et des choses; ou selon qu'il est récepteur de sons préexistants (comme ce serait davantage le cas dans les écritures à idéogrammes, ou syllabiques).
Les questions abordées sont à la fois d'ordre philosophique, historique, anthropologique, littéraire, sociologique, preuve que la rencontre de plusieurs disciplines peut ouvrir des horizons vraiment enrichissants, à condition de procéder avec honnêteté et méthode, et c'est le cas ici.
L'étude se consacre aussi à l'écriture informatique, mais je ne suis pas encore arrivée là dans ma lecture, je ne peux donc rien en dire !
_________________ Ne parlez jamais sèchement à un Numide.
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