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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 29 Avr 2008 16:00 
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Grégoire de Tours
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Dédé a écrit :
Citer :
L'agité du bocal

que le Canard Enchaîné a détourné en "agité du bocage" à propos d'un certain personnage vendéen lol


Tiens ! Je connaissais mieux le détournement de l'expression que l'expression elle-même

Quant à Céline, c'est une affaire de sensibilité, parce que sans méconnaître son apport à la langue française littéraire, je n'ai jamais accroché au fond et la forme... eh bien bof. Disons qu'intellectuellement je peux comprendre et apprécier le discours et sa mise en écriture (fond et forme étant très étroitement imbriqués), mais un peu comme on regarde un objet bizarroïde et vraiment étranger à notre imaginaire qui ne réveille rien en nous. Sauf un rejet viscéral quand il s'agit de ses pamphlets, mais c'est cela aussi Céline.
Il fait partie de notre patrimoine littéraire.
Mais je ne suis pas sûre qu'il soit vraiment un inventeur : la littérature médiévale et celle de Rabelais sont d'une inventivité à mon avis supérieure en matière de langue. Et pour Rabelais, son humanisme m'est plus proche que le désespé Céline. Affaire de goût :wink:

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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 29 Avr 2008 16:06 
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Philippe de Commines
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Et Rabelais jouait aux quilles (et y a "fait" jouer Gargantua), comme moi, (jeu "paillard" s'il en est, puisque interdit un temps par l'Eglise et le Roi) ce qui n'est pas le cas (à ma connaissance) de Louis Ferdinand.

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"La vie des hommes qui vont droit devant eux, renaitraient-ils dix fois en dix mondes meilleurs, serait toujours semblable à la première. Il n'y a qu'une façon d'aller droit devant soi." (Pierre Mac Orlan)


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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 29 Avr 2008 17:54 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Huyustus a écrit :
Dédé a écrit :
Je suis peut-être borné et intolérant, mais ce que j'ai lu au sujet de ce personnage, et le seul texte ci-dessus, ne me donne même pas envie de continuer à en discuter.


C'est dommage, c'est probablement un des plus grands écrivains de l'histoire de France.

Vous savez, si on doit dédaigner par principe les oeuvres de tous les artistes qui étaient par ailleurs d'affreux personnages, il ne va plus rester grand chose...


Je dois avouer que sans cautionner l'attitude de Dédé vis à vis de cet écrivain (dont je n'aime ni le style ni la vie), je la comprends tout à fait.

Mais c'est vrai que moi, je suis un indécrottable admirateur de la langue "classique" (Green, Gracq, Mauriac, Camus).

Après, entre Céline et Sartre, je préfère n'avoir pas à choisir, tant je les trouve tous les deux, dans des styles fort différents, pareillement imbuvables!

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"Les bijoux du tanuki se balancent
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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 29 Avr 2008 17:58 
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Marc Bloch
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Dédé, cher compatriote, vous connaissant un peu, cela m'étonnerait que vous n'appréciez pas le style truculent de Céline qui est une exception dans la littérature française du XX° siècle. Je n'ai jamais lu ses saloperies anti-sémites que même sa veuve a refusé de publier. Comment peut-on arriver à éructer d'une telle façon ? Enfin, bref, chacun son goût comme disait l'autre.

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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 29 Avr 2008 17:59 
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Philippe de Commines
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Inscription : 05 Jan 2008 16:29
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Alfred Teckel a écrit :
Huyustus a écrit :
Dédé a écrit :
Je suis peut-être borné et intolérant, mais ce que j'ai lu au sujet de ce personnage, et le seul texte ci-dessus, ne me donne même pas envie de continuer à en discuter.


C'est dommage, c'est probablement un des plus grands écrivains de l'histoire de France.

Vous savez, si on doit dédaigner par principe les oeuvres de tous les artistes qui étaient par ailleurs d'affreux personnages, il ne va plus rester grand chose...


Je dois avouer que sans cautionner l'attitude de Dédé vis à vis de cet écrivain (dont je n'aime ni le style ni la vie), je la comprends tout à fait.

Mais c'est vrai que moi, je suis un indécrottable admirateur de la langue "classique" (Green, Gracq, Mauriac, Camus).

Après, entre Céline et Sartre, je préfère n'avoir pas à choisir, tant je les trouve tous les deux, dans des styles fort différents, pareillement imbuvables!


Oui enfin, mettre Sartre et Céline sur le même plan, littérairement parlant, c'est un peu vexant pour Céline. Que reste-t'il aujourd'hui de la littérature de Sartre ? A peu près autant que ce qui reste de la philosophie de Céline, probablement :wink:

Enfin, on ne va pas discuter des goûts et des couleurs. Et admirer l'oeuvre de Céline n'empêche d'apprécier tout autant celle de Ronsard !

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Les facultés de conceptualisation de l'empereur Constantin paraissent avoir été très limitées ; malgré de longues séances, les évêques ne semblent pas avoir réussi à lui faire bien comprendre la différence qui séparait l'orthodoxie de l'arianisme. (Y. Le Bohec)

Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)


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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 29 Avr 2008 18:05 
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Fustel de Coulanges
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Huyustus a écrit :
Oui enfin, mettre Sartre et Céline sur le même plan, littérairement parlant, c'est un peu vexant pour Céline. Que reste-t'il aujourd'hui de la littérature de Sartre ? A peu près autant que ce qui reste de la philosophie de Céline, probablement :wink:


8-| Vous exagérez! Sartre le dramaturge est toujours joué régulièrement, et ses écrits font toujours les beaux jours des cours de lettres (demandez donc aux jeunes qui en ont bavé à un moment ou l'autre de leur cursus sur Les Mots ou La Nausée...

Citer :
Enfin, on ne va pas discuter des goûts et des couleurs. Et admirer l'oeuvre de Céline n'empêche d'apprécier tout autant celle de Ronsard !

Ils sont fleuris tous les deux, pas dans le même registre cependant! lol

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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 29 Avr 2008 18:10 
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Plutarque
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Dédé a écrit :
Et Rabelais jouait aux quilles (et y a "fait" jouer Gargantua), comme moi, (jeu "paillard" s'il en est, puisque interdit un temps par l'Eglise et le Roi) ce qui n'est pas le cas (à ma connaissance) de Louis Ferdinand.


Le jeune Louis-Ferdinand avait aussi ses jeux, avant de devenir un sale fasciste, et le jeune Bardamu, balloté par la misère, aussi - pas vraiment passage Choiseul, mais en pension en Angleterre, ou bien dans le capharnaüm de quelque inventeur excentrique et révolutionnaire (cf. Mort à Crédit).
Mais votre choix, ou plutôt votre non-choix vous honore.
Car dès lors qu'on entre dans les considérations intellectuelles et éthiques sur le sujet, impossible d'en ressortir. De circonlocutions en justifications, il y aura toujours quelqu'un pour défendre l'auteur malgré l'homme, ou anathémiser le premier au nom du second.
Sachez tout de même que, très loin d'un snobisme de bon aloi, manière flaubertienne ou proustienne, la revendication de "célinisme" a d'abord été tout ce qu'il y a de plus difficile à soutenir au regard du canon littéraire et de l'académisme. C'est beaucoup, beaucoup moins vrai aujourd'hui, évidemment. La puissance d'assimilation du subversif par notre culture et ses institutions, le temps aussi n'y sont pas pour peu de choses.
Il n'y a pas d'impératif à lire Céline, et heureusement, mais sachez encore (!) que précisément, loin des lapi-lazuli polis comme il se doit ou de l'auguste prose façon Gide, joyaux consacrés, l'écriture célinienne est tout ce qu'il y a de plus caillouteux, bourbeux, tourbeux... Une manière de transfiguration du laid, en quelque sorte, comme ce "pavé gluant [où] de petites pluies d'aurore venaient reluire en bleu" (Voyage).
Allez, j'arrête.

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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 29 Avr 2008 19:14 
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Eginhard
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Dédé a écrit :
ça, c'est la meilleure ! Le fond n'aurait donc pas d'importance, seule la forme compterait pour l'appréciation d'une oeuvre?
Tiens, moi, inculte, qui n'ai jamais eu même l'idée de commencer à lire du Céline, vous me donnez envie de rester "inculte".

Le fond a une importance majeure, mais justement, dans Voyage au bout de la nuit, il n'y a absolument pas un mot, pas une allusion, qui renvoie à de l'antisémitisme ni même à des opinions d'extrême-droite. C'est le paradoxe de Céline : comment un type aussi abject, avec des opinions extrémistes et violentes, a pu écrire des livres d'une grande qualité littéraire et où absolument aucune de ces opinions injustifiables ne transparaisse. Lisez le livre sans savoir qui en est l'auteur, je vous parie que vous ne devinerez pas que celui-ci finira collabo et antisémite.
En plus, quels sont les thèmes traités dans le Voyage? C'est avant tout un bouquin très critique envers la folie meurtrière de la guerre et l'aliénation du monde industriel. Antimilitarisme, critique du capitalisme, culture et langage populaires, des choses qui devraient vous plaire Dédé, en en jugeant d'après vos interventions sur ce forum (je ne prétends pas du tout vous connaître, c'est simplement mon impression). D'autant plus que le style du Voyage n'est pas du tout le flot d'injures du pamphlet cité ci-dessus que moi aussi, je trouve peu ragoûtant.

En somme, je vous le conseille très vivement, Dédé, et tous les autres. Ce n'est pas du snobisme de ma part, je m'y connais pas des masses en littérature. J'ai lu le Voyage parce que j'y étais obligé dans le cadre de mes études, ne pensant pas moi non plus que je pourrais aimer, et j'ai trouvé ça époustouflant. Ce n'est pas qu'il faut l'avoir lu pour briller dans les soirées mondaines, c'est juste un bouquin qui vous prend aux tripes, vraiment très beau et qui ne contient absolument rien des déchets que pourra écrire Céline par la suite.


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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 29 Avr 2008 19:26 
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Philippe de Commines
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Mais c'est qu'ils vont réussir à me le "vendre" lol lol
Bon, allez, je vais peut-être essayer un jour, après tout.

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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 29 Avr 2008 19:43 
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Philippe de Commines
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Helios a écrit :
En plus, quels sont les thèmes traités dans le Voyage? C'est avant tout un bouquin très critique envers la folie meurtrière de la guerre et l'aliénation du monde industriel. Antimilitarisme, critique du capitalisme, culture et langage populaires, des choses qui devraient vous plaire Dédé, en en jugeant d'après vos interventions sur ce forum (je ne prétends pas du tout vous connaître, c'est simplement mon impression).


Dois-je ajouter, pour finir de convaincre Dédé, que la charge anti-coloniale est également un des thèmes forts du Voyage... :wink:

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Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)


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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 29 Avr 2008 20:44 
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Plutarque
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Helios a écrit :
Le fond a une importance majeure, mais justement, dans Voyage au bout de la nuit, il n'y a absolument pas un mot, pas une allusion, qui renvoie à de l'antisémitisme ni même à des opinions d'extrême-droite.


Il y a bien eu une phrase, qui en a fait tiquer certains dès la sortie du livre, en 1932 (parmi ceux-là, je crois me rappeler qu'il y a eu d'abord Nizan, qui le premier a flairé ce que tant de misérabilisme et de hargne comportait comme ambiguïté et comme risque politiques), ou plutôt une référence, celle au

Citer :
grand désespoir de la musique négro-judéo-saxonne

ce qui est, à propos du jazz, une manière d'essentialisation curieuse et, dans le contexte politique de l'époque, une topique bien connue.
La dénonciation du colonialisme est aussi manifeste dans le Voyage, mais l'image projetée du "nègre" a parfois quelque chose de gênant (mais peut-être que je sur-interprète, en regard de sa production ultérieure).
Il faut dire enfin que le Voyage occupe une position tout à fait particulière dans l'oeuvre célinienne, et qu'il reste de facture assez traditionnelle (mais d'un souffle qu'Helios a raison de vanter).

Concernant A l'agité du bocal dont il était question initialement, effectivement, cela peut paraître "peu ragoûtant", et bien sûr ça n'a rien à voir avec la joyeuse scatologie rabelaisienne qui a été déjà citée, ou l'importance ontologique et véritablement puissante accordée à la merde par Artaud par exemple mais Céline, précisément, c'est aussi ça (un oeil jeté sur les pamphlets, dans lesquels il est au sommet de sa verve, comme on le dit souvent, suffit à s'en convaincre...).

Si l'expérience vous tente, Dédé, il y a aussi un court récit, roman beaucoup plus ample dont il ne nous reste que le début, où Céline transfigure ses souvenirs de caserne. Récit épique, et véritable document ethnologique (!) trop peu connu : Casse-pipe.
Un extrait :

Citer :
- Pourquoi donc tu t'es engagé ? T'as jamais été cocher ? Tailleur des fois de son état ? Voleur, mon petit homme ? Acrobate par hasard ? T'es pas palefrenier non plus ? Parfumeur au bout du compte ? Charbonnier alors ? Rémouleur ?
- Non, monsieur.
Ils se désopilaient les autres de la façon que je me trouvais cul devant les questions. Ils s'en tortillaient dans leur paille, ils s'en convulsaient de rigolade.
- Alors qu'est-ce que tu viens foutre au 17è cavalerie lourde ? Hein ? Tu sais pas toi-même. Merveilleux ! Y a plus rien à manger chez toi ? Le four a chu ?
Je voyais qu'il fallait rien répondre.
- Allez ! au commandement, oust ! Décarre ! Suivez la musique ! Perds pas le brigadier ! Et la brouette, hein, Meheu ! De la brouette, je veux plus le voir ici ! Tu m'entends ? quatre escadrons, quatre ! Et puis un cinquième pour ta gueule ! On les gâte ici les beaux mômes ! Tu sais combien ça fait de rondins, dis, quatre escadrons, ta poire ? et puis encore un cinquième ? Tout ça pour la croque à Zonzon ! T'es pas fini, mon dévorant, d'en régaler des brouettes, pardon ! T'en reprendras ! trois ans ! Cinq ans ! T'auras jamais tout fini ! Comme ça de brioches pour ta claque ! Ah, pardon ! Salut ! ma tronche, tu vas jouir ! C'est de l'instruction, ça, mon Russe ! C'est de la théorie pratique du cavalier gras ! de la crotte ! Ah ! Fixe ! Pour combien que t'en as pris ? Tu me dis pas ? Pour combien t'en as signé ? Dis voir ? C'est écrit ?
- Trois ans.
- C'est pas assez, tiens, ma vache ! Sors ! Débine ! Je veux plus le voir ! Secouez-moi ça, Le Meheu. Il empoisonne absolument. Quelle heure il est, brigadier ? Minuit 10 ? Minuit 12 ?
Il sort son oignon, un morceau.
- Quel jour on est ? C'est pas le 22 ? Non, hein ? Le 25 ? Faudrait savoir, mes empaffés ! Non ! On est le 24, que je vous annonce. Ca vous surprend ? N'est-ce pas, les taupes ?


Casse-pipe, Gallimard, pp. 17-18

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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 02 Mai 2008 17:34 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 22 Avr 2008 15:31
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Tout à fait d'accord avec Hélios et les précisions apportées par Plus oultre : moi aussi les jugements sur les "nègres" m'ont frappé; certes tout le monde en prend pour son grade (les blancs des colonies sont vraiment affreux), mais on sent quand même un racisme latent dans quelques passages, que l'époque ne suffit pas à "excuser"...
Mais bon, la lecture du Voyage reste pour moi le souvenir de lecture le plus marquant, c'était la première fois que la littérature me donnait une telle claque...je me rappelle notamment d'un après-midi où après avoir lu une bonne centaine de pages, je ne me sentais vraiment pas bien : fasciné et écœuré en même temps...en tout cas c'est une écriture magnifique.

Dédé a écrit :
Et je me demande si, en fait, il n'y a pas une relation entre le personnage et sa réputation de grand écrivain. C'est à dire si un personnage moins "affreux" ayant écrit exactement les mêmes mots serait considéré comme "un grand écrivain". Bref, si ce genre de qualificatif ne relève pas (pardon) un peu d'une sorte de snobisme.

Je ne crois pas, étant donné qu'à l'époque où le livre est sorti (puis pour Mort à crédit même si des admirateurs du Voyage ne suivent pas Céline dans ce second livre) les lecteurs et critiques ont vite vu qu'ils avaient à faire à quelque chose de nouveau et de radical (même si les prix littéraires ne font pas tout, il gagne le Renaudot et loupe de peu - 2 voix - le Goncourt), avant même que Céline ne prenne les positions politiques que l'on sait : en 1932, il n'était "que" médecin , les thèmes du Voyage le faisaient plutôt passer pour un homme de gauche et son premier pamphlet antisémite, Bagatelles pour un massacre, sort en 37 (en 1936 - comme Gide - il avait publié un pamphlet anticommuniste, Mea culpa, de retour d'un voyage d'URSS).
Et puis, encore une fois, le meilleur moyen de se faire une idée de ses qualités littéraires est de lire ses romans ;)
Je comprends que le personnage dégoûte: je le trouve moi-même antipathique et ses propos politiques me révulsent. Mais, selon moi, il a un vrai talent littéraire et stylistique qui font que l'on peut vraiment adorer le Voyage (il est vrai que le texte donné plus haut est particulièrement violent et ordurier) tout en n'ayant aucune sympathie - mais vraiment aucune! - pour l'homme et ses idées. Même si les deux domaines ne sont pas étanches, c'est ce qui distingue à un moment donné l'esthétique de la politique...


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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 02 Mai 2008 19:47 
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Grégoire de Tours
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Je ne suis pas sûre du tout que chez Céline (ni chez aucun artiste) on puisse distinguer esthétique et politique, quand bien même le discours ne serait pas explicitement engagé politiquement. On peut même refuser tout engagement et rester dans l'esthétique "pure", ce sera encore une position politique.
Le texte cité au début du fil est pathétique parce qu'il donne à voir un homme à terre, humilié par d'autres qui n'ont effectivement pas son talent littéraire (pour ma part, Sartre a une écriture élégante, mais c'est tout, et si on met de côté les injures, Céline le juge très bien lorsqu'il parle de copie d'élève); seulement, il est du côté des vaincus. Enfin, à cause de son pamphlet antisémite, il a été rangé du côté des vaincus, il a fait de la prison et a failli être fusillé. Dans la réponse à Sartre, il n'y a qu'un cri de rage, obsessionnel, scandé par des phrases hachées, interrompues (l'usage répété des "..."), et les seuls images qui lui viennent à la bouche, ce sont des images d'un corps qui déverse ses humeurs par tous les orifices possible; et il n'y a pas d'autre contenu que des injures, avec ce sentiment tenance qu'il aurait pu écrire la même chose de n'importe qui ou n'importe quoi. Dans l'histoire, je ne trouve pas que ce soit Céline qui soit le plus indécent, je pense que c'est Sartre qui le provoque gratuitement et le journaliste qui l'exhibe comme on exhibe une monstruosité d'un autre temps, qui a été belle à un moment dans sa démesure, et qui n'est plus qu'un petit paquet d'injures.
Mais il y a déjà ces cris-là dans le Voyage, seulement, ils sont comme les vocalises de la Reine de la Nuit chez Mozart : inscrits dans un discours esthétique, dans une invention littéraire. Céline est un véritable écrivain subversif, anti-conformiste, et si je puis dire, il a le courage d'écrire avec ses tripes. Mais Hugo et Balzac aussi écrivaient avec leurs tripes, et Michelet, et je suis plus sensible à leur discours construit qu'aux hurlements de Céline. Histoire de sensibilité !

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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 02 Mai 2008 20:09 
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Philippe de Commines
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Citer :
(l'usage répété des "...")

Et oui : ;)
Claude Nougaro a écrit :
Les points fermés, les points vitaux
Les points sur les i, les cardinaux
Les terminus, point à la ligne
Les points de suspension de Céline
Les poings du boxeur dans son coin
Et puis l'arbitre qui compte les points
Les points de ton corps où j'appuie
Quand ça t'fait mal ou quand tu jouis

J'en finis plus
D'compter les points
Point point point


Et dans le film Marius et Jeannette, dialogue entre l'intellectuel et le "beauf" :
Citer :
"Cet homme là, il n'a plus assez de musique dans son cœur pour faire danser sa vie...
- C'est beau, ça
- C'est de Céline !
- Céline, ma belle sœur ?"


Non, décidément, j'en resterai là.
Cette histoire de distinction esthétique-politique me fait penser à San Antonio (cité plus haut par quelqu'un) : C'est rigolo, c'est truculent. Et puis, réfléchis un peu, ami : dans tous les San A, sans exception, il y a des scènes de torture, en général pratiquées par Béru pour faire parler le suspect; ça m'avait échappé au lycée, quand je lisais ça. Maintenant, ça me laisse un certain malaise.

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 Sujet du message : Re: L'agité du bocal
Message Publié : 03 Mai 2008 17:35 
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Grégoire de Tours
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Dédé a écrit :
Cette histoire de distinction esthétique-politique me fait penser à San Antonio (cité plus haut par quelqu'un) : C'est rigolo, c'est truculent. Et puis, réfléchis un peu, ami : dans tous les San A, sans exception, il y a des scènes de torture, en général pratiquées par Béru pour faire parler le suspect; ça m'avait échappé au lycée, quand je lisais ça. Maintenant, ça me laisse un certain malaise.


Sans parler de l'image des femmes ... ... ... ... :rool:

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