Citer :
A quel moment tout a basculé dans l'enseignement de l'orthographe aux enfants? Pourquoi fait-on aujourd'hui si peu de dictées alors que je trouve que cet exercice est l'un des meilleurs.
Quand, en 1964-1965, on m'a confié une classe de Troisième (48 élèves, sans demi-groupes...) en français, je leur faisais faire une dictée et une "rédaction" par semaine. Ma correction consistait à souligner toutes les fautes et à indiquer en regard dans les marges de toutes les copies la référence du § du livre de grammaire correspondant à la règle bafouée ; la correction des élèves consistait à recopier la règle en question en remplaçant l'exemple du livre par leur propre texte amendé. La note finale de l'opération (révélée uniquement après remise de la copie initiale ET de la correction) portait à la fois sur la dictée (ou la rédaction) ET sur la correction, selon le barème suivant :
1 - MAJUSCULES (en trop ou absentes) = 1 point.
2 - PONCTUATION (omise ou erronée) = 1 point.
3 - Fautes d'ACCENTS a) simples ("après" au lieu de "après") = 1 point ; b) graves (change la nature du mot) : "il à bien fait" / "du travail a faire", "matin" / "mâtin", "tache" / "tâche" = 4 points.
4 - DUPLICATION DE CONSONNES (2 consonnes au lieu d'une ou 1 consonne au lieu de deux) = 2 points.
5 - Fautes d'ACCORD entre : a) l'article et le nom (genre & nombre) ; b) le nom et l'adjectif (genre & nombre) ; c) le sujet et le verbe (nombre) ; d) le participe passé et le sujet ou le complément (genre & nombre) = 4 points.
CAS PARTICULIERS :
Pour les noms propres, s'en référer au correcteur.
Pour les mots omis, ajoutés, ou pour un mot mis pour un autre = 4 points.
Si l'orthographe défectueuse affecte la phonétique = 4 points.
En cas de doute justifié (lettre mal formée ou rature), interpréter à la défaveur de l'auteur de la copie.
A la fin de l'année scolaire, TOUS les élèves connaissaient l'ensemble de leur grammaire et étaient capables de corriger eux-mêmes leurs textes imposés (dictées) ou personnels (rédactions) sans hésitation... (Au BEPC, un 5/20 à la dictée était éliminatoire pour l'ensemble des autres disciplines...). Outre ces "exercices", les élèves avaient un programme de lectures avec comptes-rendus écrits (contrôlés et notés), plus des exposés (préparation accompagnée par le professeur) avec fiches d'appréciation tenues par chaque élève (colonne des points positifs, colonne des points négatifs), etc.
Personne ne s'ennuyait ; une courbe (affichée en classe) des résultats hebdomadaires du groupe permettait d'évaluer les progrès collectifs obtenus au fil de l'année...
Les échos qui me parviennent encore de la part de ces anciens élèves (devenus parents... voire grands-parents!) me prouvent qu'ils n'ont jamais regretté les efforts consentis alors.
Mon intervention n'a donc pas grand chose de passéiste ou de nostalgique : les semences plantées ont germé et proliféré à la satisfaction des intéressés.
Pour répondre (enfin!) à la question initiale :
"A quel moment tout a basculé...?", je répondrais : à partir du moment où, ne croyant plus à l'importance de l'enjeu, cédant à la facilité, à la crainte de traumatiser les élèves par des notes peu flatteuses, les enseignants ont eu la naïveté de penser que le "tout ludique" pouvait faire l'impasse sur l'effort, que les choses se font toutes seules... On a mis l'accent sur "l'expression" y compris en l'absence de toute "impression" antérieure (or, il est difficile d' "exprimer" ce qui n'a pas été préalablement "imprimé"...).
Qui veut la fin prend les moyens mais, quand on renonce à la fin on se dispense sans peine des moyens éventuels auxquels on aurait dû avoir recours...