Je ne suis pas un linguiste et un grand locuteur occitan mais je peux essayer de répondre à quelques interrogations (une langue ou des langues? patois local/occitan? d'où vient l'occitan?)
Alors, langue d'oc ou langues d'oc? C'est un vaste débat: certains penchent pour la première dénomination mettant en avant une certaine intercompréhension des six dialectes (qui apparaissent sur la carte: limousin, auvergnat, vivaro-alpin, languedocien, gascon et provençal) avec notamment un grand nombre d'éléments communs en terme de phonétique, de morphologie ou encore de lexique. D'autres préfèrent parler de famille linguistique avec plusieurs langues appelées dans la version des précédents dialectes. Quoiqu'il en soit, il convient de remarquer que définir ce que sont une langue, un groupe linguistique, un dialecte ou encore un groupe dialectal n'est pas chose aisée.
Pour ma part, il existe bien une langue, avec des dialectes. Cette langue est directement héritière du latin (comme l'Italien, le Français, l''Espagnol", ...), une majorité de son vocabulaire en est d'ailleurs héritière (environ les 3/4). Sa naissance se perd dans le haut Moyen Age -au VII° et VIII° siècles surtout- et elle est en place au XI° siècle (premières mentions littéraires). On remarquera d'ailleurs qu'il existait alors une véritable koinè occitane mais que les dialectes étaient déjà de mise dans la vie du quotidien. Un habitant du Velay par exemple n'avait aucun mal à se porter en justice au Parlement de Toulouse où les juges le comprenaient. On a encore aujourd'hui du mal à comprendre comment l'occitan (terme inusité pendant très longtemps) a pu se normaliser et se fédérer. Très souvent, une langue commune n’apparaît pas spontanément. Elle suppose une unification linguistique selon des critères plus ou moins arbitraires, critères souvent consécutifs à une unification politique et administrative (ex : le dialecte de langue d'oïl parlé par le roi des Francs est devenu le Français de référence, le dialecte toscan est devenu la norme pour l’Italien). Or, cela n'a pas été le cas pour l'occitan. On s'interroge donc sur les conditions de sa formation et on convoque de nombreuses raisons, sans pour autant connaître la part et l'intensité de chacune: développement du commerce et de mouvements de population entre régions occitanes, isolement relatif de celles-ci vis-à-vis d'autres régions (relief, "montée de l'océan végétal" (Massimo Montanari) au VI° siècle, ...), rôle plus ou moins connu et plus ou moins actifs des "Barbares" (Wisigoths, Francs, ...), etc... Je m'apesentirai simplement sur les Francs car ils ont sans doute jouer en rôle également au niveau des accents. Selon certains auteurs, la partition linguistique entre oc et oïl (qui correspond à la manière de dire « oui » au Sud et au Nord [les termes venant du latin hoc et hoc ille, « ceci »]) proviendrait donc de ceux-ci qui adoptèrent vers 500, en raison de sa supériorité, la langue des vaincus, mais la parlèrent avec des habitudes germaniques.
Comment reconnaître alors de l'Occitan? Jules Ronjat, un grand linguiste ayant vécu à cheval sur les XIX° et XX° siècles, a défini 19 critères (syntaxiques, phonétiques, ...). Il l'a comparé avec les langues voisines et s'il ne trouve que 7 différences avec l'"Espagnol", 8 avec l'"Italien", il en trouve 12 avec le Franco-provençal et 16 avec le Français! (on revient ici sur le fait que les naissances de l'Occitan et du Français sont bien distinctes!). Je ne vais pas me lancer dans leur énumération mais simplement en énoncer quelques unes pour tenter de répondre dans un premier temps à Alain.g et la curiosité de la situation qu'il a vécue (un patois local à côté de l'Occitan?!). Je ne citerai que trois critères discriminants: - absence ou rareté de voyelles fermées. Demander à quelqu'un de dire "rose" et vous verrez à l'intonation du "o" s'il est occitanophone ou non, même quand il parle en Français. - non-utilisation du pronom personnel sujet (ex : canti/o/a, je chante ; cantas, tu chantes), l’expression de la personne étant donc indiquée par la seule désinence. - démonstratifs en aqu- provenant du préfixe accu- (aquela femna cette femme, aquesta nueit cette nuit, vole aquo je veux ça) Evidemment, comme je le disai plus haut, il existe aussi des variations selon les diaclectes, je ne prendrai qu'un exemple pour ne pas alourdir le sujet. Je prendrai la différence majeure qu'il existe entre les dialectes nord-occitan et sud-occitan: au nord, le "c" devant "a" est palatalisé, c'est à dire prononcés [ts] ou [tch] (cabra se dit alors [tsabro] chèvre, camin [tsami] chemin) alors qu'au sud le "c" reste prononcé [k].
Je terminerai enfin en essayant de comprendre la susdite remarque d'Alain.g. Au-delà de ce qui a déjà été écrit plus haut, j'aimerai savoir si vous avez retenu quelques unes de ces pharses que vous qualifiez pour certaines d'"Occitan" et pour d'autres de "patois"). Je suis vraiment intrigué... En attendant, deux éléments me viennent à l'esprit pour expliquer (peut-être) une sensation de variation. Le premier est la situation géographique du lieu de votre témoignage. Si j'ai suivi votre propos, vous avez assisté à ceci dans le Cantal. Or, le Cantal est partagé entre deux dialectes: le languedocien (en gros le sud ouest, au sud d'Aurillac) et l'auvergnat, le reste; également, le Cantal est voisin d'un troisième dialecte: le limousin. Vous comprendrez que le changement de dialecte ne se fait pas de manière abrupte et qu'il existe sans doute des zones de transition et d'influence réciproque. Deuxième élément, le mode de transmission de la langue: l'Occitan a survécu jusqu'à aujourd'hui en étant transmis oralement de génération en génération. Ce mode de transmission, en l'absence de structure d'enseignement et de codification, a maintenu la langue dans un état "naturel", ce qui a tendu à accroître la diversité originelle.
En conclusion, si la diversité de l'Occitan est réelle, il ne s'agit pas moins d'une seule et même langue; le vocabulaire est très majoritairement commun, la grammaire est très homogène; c'est dans la prononciation que l'on trouve l'essentiel des différences.
Voilà, j'espère avoir apporté quelques modestes lumières tout au long de mes propos à certaines de vos interrogations. Si vous voulez des précisions ou plus d'informations sur tel ou tel point, n'hésitez pas, j'essaierai d'y répondre (mais sans aucune garantie).
_________________ "On ne peut pas gouverner un pays qui offre 246 variétés de fromage". "Un pays capable de donner au monde 360 fromages ne peut pas mourir".
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