Cher Yves-Marie, merci d'avoir lancé cette discussion, vous nous rappelez le bon usage de la langue, chose qui malheureusement se perd, moi-même je suis loin d'être irréprochable à cet égard et j'en souffre.
Cependant, puisque nous en sommes à rectifier des usages critiquables, je me permets de vous faire observer que "versus" est un anglicisme latin, comme i.e. (id est, pour c'est-à-dire), qu'il serait préférable d'éviter en français (écrivons "contre"). Mais en tant que professeur d'anglais (à la retraite), on peut dans votre cas attribuer cela à une "déformation professionnelle" tout à fait excusable.
D'autre part, s'il fallait répondre à tout ce qui me choque et me déplaît, sur ce site et ailleurs, j'y passerais ma vie et cela ne me rendrait pas plus heureux. Donc j'ai l'habitude de laisser dire, 9 fois sur 10 au moins. Seulement, les interventions de madame "victoire-de-paris" me caressent dans le mauvais sens du poil, je tiens à le dire. Cette personne affiche, sincèrement je pense, des idées généreuses: refuser les "attachements qui entravent", l'"objectalisation" (je préfère "chosification") de l'autre... soit.
Mais évoquer comme elle le fait "la condition de la femme dans le monde musulman", cela me choque et me blesse profondément. Que viennent faire les musulmans ici ? Etait-il nécessaire d'en parler ? La "condition de la femme dans le monde musulman" est un débat très vaste qui, justement, a déjà trouvé place ailleurs qu'ici. En le rappelant de la sorte, elle accrédite en quelque sorte l'idée que les conclusions de ce débat sont bien connues et font l'unanimité: les musulmans oppriment leur femme, à part une petite minorité de gens "éclairés" et persécutés, point barre.
Or, "victoire-de-paris", qui se croit très sincèrement animée d'un idéal tolérant et non-violent, ne se rend-elle pas compte qu'elle impose ainsi (ou contribue à imposer) une vision univoque du monde musulman qui ne fait pas du tout l'unanimité ? Il y a beaucoup de gens, dont je suis, qui pensent que globalement, la femme occidentale n'a rien a envier à son homologue musulmane, si même cette dernière ne jouit pas "là-bas" de beaucoup plus de respect et de considération qu'"ici", au moins dans certains milieux.
Quoi qu'il en soit de cette question, sur laquelle je ne prétends pas détenir la vérité, "victoire-de-paris" (nom assez martial, vous ne trouvez pas ?), obéit me semble-t-il à une sorte d'automatisme très dangereux, incompatible avec les idéaux qu'elle défend, et avec les exigences de l'esprit critique. Il est question d'intolérance, de maris qui oppriment leur femme ? On pense "musulmans", c'est naturel, cela ne fait même plus question!!!
Eh! bien, j'en conviens, cela me révolte. D'autant plus qu'en tant que partisan affiché de certaines conceptions qu'on peut qualifier de "réactionnaires", je trouve sa conception du respect de l'autre assez curieuse et même contradictoire.
Que signifie, par exemple, cette allusion à « l’interdiction à « son » homme d’apprécier une autre femme » ? « Apprécier » une autre femme, soit… mais jusqu’où ? Jusqu’à coucher avec ? Beaucoup de gens aujourd’hui, l’entendent ainsi. Tromper sa femme, son mari, c’est « normal », c'est bien. D’ailleurs bannissez ces rapports de possession que je ne saurais voir. Eh ! bien, non, je refuse. Qu’au nom de la liberté (laquelle ?) on sape les fondements de la confiance dans le couple, je ne l’accepte pas. Traditionnellement, le mariage signifie que l’on se donne l’un à l’autre « en Dieu » (qui n’est pas un des noms du hasard, madame Victoire). Se donner à cet, ou à cette autre, cela signifie bien que l’on renonce à se donner à tous les « autres autres » (si vous me permettez), sinon cela n’a plus aucun sens. Et de fait, dans la société moderne, le mariage n’a plus aucun sens ; mais alors, abolissons-le une bonne fois pour toutes, au lieu d’exiger absurdement de chaque partenaire qu’il accepte absolument tout de l’autre, dans un généreux esprit de non-possession, qui n’est en fait, à mes yeux, que de l’égoïsme avisé (je passe tout à l’autre pour qu’il me passe tout, comme c'est facile).
Cependant, tout ceci n’a plus grand-chose à voir avec la vraie liberté, d’essence métaphysique, dont la société moderne ignore absolument tout.
Et sachez que si ma femme me demande de renoncer à une partie de pêche pour aller voir mes beaux-parents, qui d’ailleurs sont charmants (visite aux beaux-parents=effroyable corvée, belle-mère=affreuse chipie qui veut tout contrôler. Libérez-vous donc de ces stéréotypes, avant de réformer la langue française !), je le ferai bien volontiers, pour faire plaisir à celle qui partage mes joies et mes soucis et qui est la mère de mes enfants. Ce faisant, je n’ai pas le sentiment qu’on attente de manière intolérable à ma liberté, laquelle ne consiste pas pour moi à pouvoir aller à la pêche quand je veux, dût le monde s’écrouler. D’autant plus que j’ai horreur de la pêche. Qui est bien typiquement une activité d’homme, pourtant, n’est-ce pas chère madame libérée de tout préjugé sexiste ?
Ne m’en veuillez pas, chère Victoire, si je m’emporte un peu sur la fin de cette tirade. Je veux juste vous amener à vous remettre en question, à réfléchir davantage au sens des mots que vous utilisez. Car il se peut malgré vous, que vos messages véhiculent une violence, un déni de l’autre, un manque de charité, un attachement au moi, dont vous n’avez même pas idée, et que la magie de mots tout-puissants comme « liberté », « tolérance », etc. pourrait bien vous dissimuler à vous-mêmes.
Bon. Je suppose que ce message va provoquer une levée de boucliers, que je vais encore devoir répondre afin de dissiper une kyrielle de malentendus. Dur, dur, d’être réactionnaire, dans une société où la plus grande sinon la seule preuve d’intelligence et d’ouverture d’esprit, est de rompre frénétiquement avec toute idée, toute valeur, toute institution, tout vestige du passé…
|