Les grecs et les romains savaient crypter des textes de diverses manières et pour divers usages. Voici une étude sur la question :
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/fe/07/CRYPT/Intro.htmlDont voici l'introduction :
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Introduction générale du mémoire
"Le secret est l’âme de toute entreprise." (Napoléon Ier)
Communiquer ou partager une information a de tout temps joué un rôle fondamental dans les relations humaines. Or, dans le domaine public comme dans le domaine privé, toute communication a pour corollaire la possibilité qu’une tierce personne puisse en découvrir le contenu. Pour pallier à cette éventualité, les Anciens se sont intéressés aux modes de transmission capables de garantir la confidentialité de leurs messages. En effet, le besoin de communiquer sans révéler le contenu de la missive à un intermédiaire indésirable correspond à une nécessité originelle de la communication. Les Grecs et les Romains ont eux aussi réfléchi sur la manière de correspondre sans révéler le message, sans éveiller les soupçons de potentiels observateurs. Depuis l’invention de l’écriture, les signaux et les langages secrets s’appliquent par conséquent à brouiller les cartes dans la communication orale et dans les échanges épistolaires.
L’objectif de ce mémoire est double. Le premier objectif se répartit en deux étapes successives : d’une part, faire découvrir le monde des communications secrètes dans l’Antiquité, d’autre part, montrer son importance à travers une large période qui englobe le monde grec et le monde romain. Cette vaste perspective gréco-romaine qui part des ouvrages d’Homère au VIIIe siècle av. J.-C. pour terminer aux définitions de l’Etymologicon Magnum au XIIe siècle est la conséquence directe du fait que les deux civilisations ont fréquemment employé des méthodes similaires. De plus, chacune d’elles a mis au point des techniques particulières qui ne pouvaient pas être passées sous silence dans le cadre de cette recherche. Le second objectif consiste à démontrer que la civilisation antique a résolument une place dans le monde actuel puisque nous verrons que les Grecs et les Romains ont profondément marqué ces disciplines cryptographique, stéganographique et signalétique en jetant les fondements des divers procédés qui se maintiennent aujourd’hui sous des formes plus complexes. Pour concrétiser cet objectif, chaque chapitre s’ouvrira sur les échos modernes des techniques antiques.
Pourquoi cet intérêt pour la transmission des messages secrets dans l’Antiquité ? Il provient du fait que nous nous sommes souvent interrogée sur la manière dont les Anciens se jouaient de l’espace et des territoires ennemis pour mener à bien une des réalités omniprésentes durant l’Antiquité : la guerre. Nous avons appris durant nos quatre années d’étude les grands faits historiques qui ont rythmé la vie des Grecs et celle des Romains. Cependant, une ombre a toujours plané au-dessus de ces événements : quels procédés les Anciens utilisaient-ils pour transmettre leurs intentions et leurs instructions à l’insu des ennemis au travers de telles distances ? La transmission des messages est encore aujourd’hui une face méconnue de l’Antiquité alors que ses répercussions ont souvent été déterminantes pour l’histoire du monde antique. En effet, l’information et la communication ont toujours été des ingrédients essentiels à la victoire. Au mois de novembre 1999, la lecture d’un article de F. Gruhier, dans Le Nouvel Observateur (n° 1828, novembre 1999, p. 122-123) sur les messages secrets nous a fait découvrir cette réalité encore méconnue de l’Antiquité. Néanmoins, cette découverte n’était que la confirmation de ce que nous avions entr’aperçu avec la lecture du livre V de la Guerre des Gaules de Jules César en première candidature dans le cadre du cours de langue latine. Jules César y décrit l’envoi d’une missive dissimulée autour d’un javelot. L’histoire antique est de la même façon ponctuée de camouflages et de langages secrets qui ont influencé le déroulement des combats
Nous avons la volonté de présenter un sujet généralement mal connu ou ignoré du monde antique en proposant un aperçu des différentes techniques en usage chez les Grecs et chez les Romains. Le corps du mémoire se divise en trois parties distinctes correspondant aux diverses possibilités offertes aux populations antiques pour transmettre des informations en garantissant le secret de leur contenu : la cryptographie, la stéganographie et la signalisation. Chacune de ces disciplines qui furent largement utilisées dans l’Antiquité a le même objectif : la transmission d’un message. Chacune de ces catégories, grâce à ses méthodes particulières, va permettre de protéger toute missive des regards indiscrets
Une première approche consistait à transformer l’écriture pour rendre le message inintelligible. La volonté du secret et de la transformation des caractères graphiques se cristallisent dans la science appliquée appelée la cryptographie. En effet, la cryptographie recouvre l’ensemble des méthodes mises en œuvre pour dissimuler le sens d’un message. Tout observateur peut voir la lettre mais seul le destinataire sait en saisir la véritable teneur. La science de la cryptologie, à laquelle appartient la cryptographie, a son vocabulaire propre. Afin d’éliminer les confusions préjudiciables à la compréhension de ce mémoire, la connaissance de son vocabulaire technique est nécessaire. À cet effet, les termes seront définis au fur et à mesure de l’exposé et un glossaire, situé en fin de mémoire, reprendra d’une manière concise les principaux procédés.
Une autre approche importante pour assurer le secret d’une missive consiste à dissimuler l’existence du message ou à modifier son support physique. Il s’agit de la stéganographie. Cette fois-ci, l’observateur ne voit pas qu’un message est véhiculé : la lettre disparaît. Seuls l’émetteur et le destinataire vont porter intérêt à un objet ou à un papier apparemment sans importance qui contiendra un message secret.
Pour terminer, ce mémoire nous emmènera dans une sphère quelque peu différente mais combien présente dans l’Antiquité : la signalisation. La vie des Anciens était ponctuée de divers signes qui permettaient de faire transiter une information. Ces signes étaient visibles par tous puisque les Anciens ne les faisaient pas secrètement. Néanmoins, ce chapitre à sa place dans ce mémoire car les messages véhiculés de cette façon n’étaient pas compréhensibles par tout un chacun mais seuls les initiés pouvaient en saisir la signification.
La lecture de ce mémoire montrera que de nombreux auteurs anciens ont traité de ce sujet, soit en y consacrant un chapitre (Énée le Tacticien [Pol., XXXI], Aulu-Gelle [XVII, IX], Frontin [Strat., III, XIII]), soit en insérant un procédé cryptographique, stéganographique ou signalétique dans la narration d’un fait historique ou anecdotique. Cependant, les lecteurs semblent glisser à travers les mots sans prendre la peine de s’arrêter sur ces pratiques ingénieuses. S’il existe quelques articles qui traitent des langages secrets dans l’Antiquité, ils sont partiels et restent peu nombreux. Aucun de ces articles n’a entrepris de traiter de ce sujet dans son ensemble. Certains auteurs contemporains qui retracent l’histoire des codes secrets mentionnent les récits antiques mais d’une façon assez vague en ne citant pas leurs références. Mon travail consiste donc, dans les trois domaines précités, à approfondir à partir des sources antiques les techniques utilisées et leurs répercussions sur les événements. Il s’agit donc d’un travail de recherche personnel, les sources s’étant peu à peu dévoilées après une longue année exclusivement centrée sur la recherche à travers les récits des Anciens. Le présent mémoire n’est pas exhaustif : il faudrait lire l’ensemble de la littérature gréco-romaine pour répertorier la totalité des techniques en usage. Néanmoins, ce travail offre une vue globale des principales méthodes utilisées durant l’Antiquité pour transmettre une information entourée de l’aura du secret.
Trois ouvrages contemporains nous ont permis de nous familiariser avec le monde des langages secrets et de pénétrer peu à peu dans cette discipline quelque peu ésotérique. Nous conseillons la lecture de ces livres à toute personne qui désirerait approfondir le sujet. Nous ne pouvons que recommander l’Histoire des codes secrets. De l’Égypte des Pharaons à l’ordinateur quantique de Simon Singh (Paris, JCLattès, 1999, 432 p.) qui en plus de nous avoir fait découvrir ce sujet, nous a aidée tout au long de l’écriture de ce mémoire à comprendre les différentes techniques de chiffrement. Par sa clarté et par ses exemples abondants, il nous a permis de percer de nombreux secrets. Nous devons également beaucoup à l’ouvrage de David Kahn intitulé La guerre des codes secrets. Des hiéroglyphes à l'ordinateur (Paris, InterEditions, 1980, XXIII-405 p.) pour sa perspective historique qui nous a permis de comprendre l’importance de l’apport antique dans ce domaine et qui nous a aidée à nous approprier les mystères des écritures secrètes de l’Antiquité jusqu’à nos jours. Le troisième livre que nous conseillons est écrit par Fred B. Wrixon : Langages secrets. Codes, chiffres et autres cryptosystèmes. Des hiéroglyphes à Internet (Cologne, Könemann, 2000, 672 p.). Par ses nombreux exemples, par ses dessins et par sa classification, cet ouvrage nous a guidée dans la catégorisation des procédés anciens sur la base des catégories modernes.
Enfin, en ce qui concerne les sources anciennes, plusieurs éditions de textes ont été nécessaires. Néanmoins, lorsque l’occasion le permettait, la Collection des Universités de France a toujours été privilégiée. Les traductions, quant à elles, sont soit personnelles, soit inspirées des traductions françaises.