OGOTEMMELI a écrit :
Pourriez-vous illustrer cette régularité avec une série lexicale? Le suffixe -t marque aussi le masculin, tout comme le péjoratif : qu'est-ce qui fonde à le retenir dans un cas, plutôt que dans les autres?
En toute rigueur, la caractéristique de suffixe -t dans les langues considérées n'est pas qu'il marque le féminin, comme en égyptien ancien, mais qu'il marque aussi bien le masculin que le féminin ou le péjoratif ; ce qui est très différent en égyptien ancien.
Tout d'abord, une citation de
The American Heritage Dictionary of the English Language (2000) :
« Proto-Semitic Language and Culture »
Citer :
Semitic nouns exhibit two grammatical genders, masculine and feminine. Masculine nouns have no special marker, whereas the majority of feminine nouns have an ending after the masculine stem, usually either -at or -t, as illustrated by the pairs *ba‘l-, “owner, lord” (as in BAAL and HANNIBAL) versus *ba‘lat-, “owner, lady” (see b‘l), and *bn-, “son” (as in BENJAMIN) versus *bint- (from *bnt-), “daughter” (as in BAT MITZVAH; see bn). A few feminine nouns have no such marker, however, such as *’imm-, “mother,” and *‘ayn-, “eye” (see ‘yn).
http://www.bartleby.com/61/10.htmlSi on prend d'abord le cas de l'akkadien :
Masc. / Fém. : roi / reine
Nominatif sing : šarrum / šarratum
Nominatif plur. : šarrū / šarrātum
Nominatif duel : šarrān / šarratān
Génitif sing. : šarrim / šarratim
Génitif plur. : šarrī~šarrē / šarrātim
Génitif duel : šarrīn / šarratīn
Accusatif sing. : šarram / šarratam
Accusatif plur. : šarrī~šarrē / šarrātim
Accusatif duel : šarrīn / šarratīn
On voit bien qu'en akkadien le suffixe -at servant à former le féminin apparaît régulièrement dans tout le paradigme de la déclinaison.
Voir le tableau comparatif suivant des déclinaisons en hébreu, ougaritique et akkadien (faisons abstraction de la présence de l'égyptien dans ce tableau) :
http://www.oldtestamentstudies.net/hebrew/comparenounends.asp?item=21&variant=0On voit bien la présence régulière dans ces 3 langues d'un -t servant à former le féminin.
Un bon exemple attesté dans beaucoup de langues :
frère / soeur
akkadien : aḫu / aḫātu
ougaritique : ʔaḫ / aḫt
phénicien : ʔḥ / ʔḥt
hébreu : ʔāḥ / ʔāḥōt
arabe : ʔaḫ- / ʔuḫt-
aramaïque : ʔaḥā (ʔāḥā) / ʔăḥātā
éthiopien : ʔǝḫǝw, ʔǝḫʷ / ʔǝḫǝt
tigre: ḥu / ḥǝt
argobba: äḥ / ǝhǝd
harari: ǝḥ / ǝḥit
soqotri: ʔaʕḥa / ʔǝʕḥǝt
Voir aussi les posts précédents pour d'autres exemples. Un coup d'oeil aux grammaires des langues sémitiques confirme aussi la régularité du procédé.
Citer :
Le suffixe -t marque aussi le masculin, tout comme le péjoratif : qu'est-ce qui fonde à le retenir dans un cas, plutôt que dans les autres?
Je l'ai déjà dit, il existe un suffixe -t qui sert à former le féminin à partir d'un nom masculin, vous ne pouvez pas le nier. Ainsi en akkadien on a :
« frère » aḫu + -t « suffixe féminin » > aḫātu « soeur »
Ce fait est clairement établi, peu importe que le radical de certains noms masculins se termine en -t. Cf. mon exemple analogue avec le -s du pluriel anglais précédemment. Pour le péjoratif, Obenga ne donne aucun exemple, mais si c'est bien un suffixe productif, il peut s'agir d'un simple homophone ou bien d'un dérivé sémantique du féminin (ça ne serait pas si surprenant). Mais dans aucun cas ça ne remet en cause l'existence d'un procédé de formation du féminin par ajout de -t dans les langues sémitiques.
En tout cas les arguments d'Obenga ne sont pas assez convaincants à mes yeux. Il aurait fallu se livrer à un examen beaucoup plus approfondi pour montrer une différence fondamentale entre l'égyptien et le sémitique, et rejeter purement et simplement la comparaison.
Citer :
De façon générale, cette règle n'est pas vérifiée en afroasiatique. Il ne vous suffit pas de donner un seul contre-exemple pour repousser cet argument. Je vais donc m'en tenir à ceci, "les formes du pronom personnel dépendant de la 3e personne ont une initiale h- ou š- et qu'on ne sait pas trop comment reconstruire la proto-forme."
Quelle règle? On parle ici d'un pronom, d'une forme. Oui ce point est problématique, mais pas rédhibitoire. De toute façon, comme d'habitude, la preuve par zéro et la différence ne marche pas, et il faut en plus examiner le paradigme en entier.
Citer :
Ensuite votre comparaison du français avec l'anglais est arbitraire. Vous auriez pu tout aussi bien prendre une autre langue latine, par exemple l'italien et vérifier que cette règle du pronom personnel fonctionne en indo-européen.
Elle n'est pas arbitraire mais bien justifée : des langues appartenant à la même famille peuvent avoir des formes divergentes, y compris pour le pronom de la 3e personne. Cela montre que « la règle du pronom » ne marche PAS en indo-européen dans ce cas. Si on avait pris l'italien, on aurait montré une ressemblance à l'intérieur de la branche romane, pas indo-européenne. Il faut s'attendre à beaucoup d'hétérogénéité entre des langues appartenant à des branches éloignées d'une famille, comme on le suppose pour l'égyptien et le sémitique. Voir plus bas sur ce sujet.
Citer :
Là encore vous comparez seulement deux langues, en vous arrangeant pour qu'elles soient de branches très éloignées l'une de l'autre dans l'arbre indo-européen.
Alors, soit vous prétendez que l'égyptien ancien appartient à une branche de l'afroasiatique très éloignée de la branche sémitique, et ce serait bien que vous étayiez cette position.
La comparaison se fait mieux sur 2 langues à la fois, je l'ai déjà dit dans mes premières critiques sur Obenga. Mes exemples, comme celui du pronom ci-dessus, n'ont qu'un but : montrer qu'au sein d'une famille bien établie comme l'indo-européen on trouve facilement le même degré d'hétérogénéité qu'entre l'égyptien et le sémitique, qui pour Obenga démontre l'absence d'une parenté entre ces langues. On voit bien que l'argument n'est pas valable puisque contredit par les faits.
Et oui, la plupart des linguistes pensent que l'égyptien forme une branche à part dans l'afroasiatique, bien distincte et éloignée du sémitique. L'hétérogénéité n'a rien à voir avec la parenté, ce n'est qu'un indicateur de distance (linguistique). Deux langues non apparentées peuvent être très ressemblantes à cause d'un contact prolongé et d'emprunts, et deux langues apparentées très hétérogènes à cause d'une séparation très tôt dans l'histoire et/ou d'un éloignement géographique.
Citer :
Soit vous présentez des séries lexicales avec différentes langues de l'afroasiatique pour montrer que Obenga a choisi seulement celles qui confortaient sa position, plutôt que les autres.
Encore une fois : patience.
Citer :
Car, en indo-européen, il est facile de montrer que vous avez sollicité votre illustration : en comparant le français avec d'autres langues latines, par exemple, pour les vingt mots cités...
Ce serait trop facile de choisir une langue étroitement apparentée, et vous ne montreriez que l'homogénéité des langues romanes, pas la parenté des langues indo-européennes. J'ai pris au contraire exprès deux langues de branches différentes, une langue indienne (indo-iranienne) et une langue européenne (italique), une langue du groupe « satem » et une langue du groupe « centum », afin de représenter la famille indo-européenne dans son entier.
Citer :
Au total : votre exposé n'a pas encore levé les critiques fromulées par Obenga à l'encontre de l'afroasiatique. A chaque fois que l'on vous présente une règle générale non observée en afroasiatique, vous vous contentez de citer un cas particulier (souvent en indo-européen) du contraire.
Je n'ai pas encore exposé l'ensemble des preuves de l'afroasiatique, mais j'ai examiné les critiques d'Obenga, et on voit bien qu'elles ne sont pas extrêment convaincantes pour le moins. Vous avez beau jeu de me reprocher de prendre l'indo-européen en exemple : c'est bien Obenga qui se revendique constamment de Saussure, Meillet et de la méthode établie par l'étude de l'indo-européen. Mes exemples vont dans ce sens : Obenga émet des critiques sur l'afroasiatique qui pour lui ne répond pas aux critères établis pour l'indo-européen, or on voit bien par des exemples concrets que ces mêmes remarques pourraient s'appliquer à l'indo-européen. Ces critiques ne sont donc pas acceptables puisqu'on trouve facilement des contre-exemples.
Tuti dia Tiya a écrit :
Critiques en l'air? J'ai jusque là été plus précis que vous sur Obenga que vous êtes supposé
Vous n'avez pas pris connaissance de leurs arguments et des détails de leurs hypothèses, les critiques ne peuvent donc être concrètes. Mais le sujet est clôt pour moi, je ne parlerai que de comparaisons linguistiques.
Citer :
Bah voyons, faudrait-il qu'il cite tous les linguistes ayant tavaillé avant lui?
Il cite tout de même les principaux artisans de la thèse qu'il défend et se contente dans sa critique du chamito-sémitique de s'en prendre aux arguments.
C'est un comble! Comment peut-il ignorer les nombreux travaux sur l'afroasiatique alors qu'il prétend les réfuter? Où sont les références à Cohen, Diakonov, Ehret et les autres dans son livre?
Citer :
le gros des critiques de la bande de joyeux lurons consiste à soutenir qu'Obenga cherche à recréer une fierté aux nègres, est un raciste qui transpose le mythe des aryens chez les bantous (alors que ce sont eux qui en parlent et non lui) etc... De plus les réponses sur les idées-mêmes d'Obenga sont très légères et portent souvent sur des distortions de ses idées.
Ça c'est votre avis, et ça n'est pas le sujet ici. Ne parlons que de linguistique svp.
Citer :
Faux. Et les "négro-égyptiannistes" ne sont pas les seuls à mettre en doute cette "famille"
Et bien donnez nous des références précises qu'on puisse se cultiver.
Citer :
entre nous ce ne serait absolument pas un argument en soi. L'argument du nombre allait bien à d'autres intervenants sans connaissances précises sur le sujet, mais vous ne pouvez pas vous permettre de tomber aussi bas, je suis déçu vraiment. Je m'attendais à plus consistant venant de vous.
Ne vous inquiétez pas pour moi, je suis bien calé dans mon fauteuil, pas de risque de tomber. Attendu que la majorité des linguistes, moi y compris
, acceptent l'hypothèse de l'afroasiatique et non pas le négro-égyptien, il y a de quoi se poser des questions quand même. Vous ne vous en posez pas? Quand vous et Ogotommeli avez posté votre discours sur le biais de la recherche « chamito-sémitique » et les travaux d'Obenga, je m'en suis posé et j'ai cherché à en savoir plus
Et c'est bien vous qui faisiez par exemple appel à l'autorité d'Ehret et à son prétendu abandon de l'hypothèse afroasitique, or il s'avère bien que c'est complètement faux! Mensonge ou malentendu, je me garderais bien de trancher aux risques de voir les foudres me tomber dessus.
Citer :
l'omotique, au tchadique au Kushitique etc... et leur relation supposée au sémitique et au berbère, relations indémontrées à ma connaissance
Là aussi vous connaissez mal le sujet, mais laissons ça et concentrons-nous sur l'égyptien.
Citer :
e vous renvoie une ènième fois à la bibliographie que j'avais posté avant que vous n'interveniez
Je ne la retrouve pas. Merci de me dire dans quel livre ou article je peux trouver la mention de cette statistique de « quelques centaines » et éventuellement leur liste avec critiques.
Citer :
Je vous renvoie à ma biblio et puis vous étiez supposé avoir lu Obenga, non?
À quelle page de son livre
Origine commune de l'égytien ancien, du copte et des langues négro-africaines modernes dresse-t-il une liste des comparaisons lexicales en les critiquant une par une?
Citer :
Votre exemple me déçoit encore plus. Pour cadrer il aurait fallu dire "la parenté d'une langue avec l'allemand exclut celle avec le sémitique" et là, on serait d'accord.
Ça ne rime à rien. La parenté du français avec l'italien exclut-elle une parenté avec l'allemand? La réponse est non. La parenté du chinois et du tibétain exclut-elle la parenté avec l'austronésien? La réponse est non. La parenté de l'égyptien avec le sémitique exclut-elle la parenté avec des langues « négro-africaines »? La réponse est non.
La parenté entre 2 langues n'exclut jamais la parenté avec une 3e, à un niveau différent ou identique de l'arbre généalogique.
Citer :
Ne me dites pas que vous ignorez le contre-sens à parler d'isoglosses lexicales ou grammaticales? ou de communautés linguistiques aeriales?
Quel est le problème avec les isoglosses et les influences
aérales (sans « i » au milieu)?
Citer :
La référence est dans l'extrait que vous avez cité.
Je vous demande la référence du texte original, pas celle de la critique d'Obenga.
Citer :
Pas exactement, en ajoutant arbitrairement d'autres branches à la "famille" sans rejeter explicitement la notion de langue chamitique.
Donnez une référence récente pour illustrer votre propos. Personnellement je n'ai pas trouvé de mention de branche chamitique. ex:
http://en.wikipedia.org/wiki/Afroasiatic_languagesCiter :
Joseph Greenberg (1950) strongly confirmed Cohen's rejection of "Hamitic", added (and sub-classified) the Chadic languages, and proposed the new name Afro-Asiatic for the family; his classification of it came to be almost universally accepted. In 1969, Harold Fleming proposed the recognition of Omotic as a fifth branch, rather than (as previously believed) a subgroup of Cushitic, and this has become generally accepted. Several scholars, including Harold Fleming and Robert Hetzron, have since questioned the traditional inclusion of Beja in Cushitic, but this view has yet to gain general acceptance.
There is little agreement on the subclassification of the five or six branches mentioned; however, Christopher Ehret (1979), Harold Fleming (1981), and Joseph Greenberg (1981) all agree that Omotic was the first branch to split from the rest. Otherwise,
Ehret groups Egyptian, Berber, and Semitic together in a North Afro-Asiatic subgroup;
Paul Newman (1980) groups Berber with Chadic and Egyptian with Semitic, while questioning the inclusion of Omotic;
Fleming (1981) divided non-Omotic Afroasiatic, or "Erythraean", into three groups, Cushitic, Semitic, and Chadic-Berber-Egyptian; he later added Semitic and Beja to the latter, and proposed Ongotá as a tentative new third branch of Erythraean;
Lionel Bender (1997) advocates a "Macro-Cushitic" consisting of Berber, Cushitic, and Semitic, while regarding Chadic and Omotic as the most remote branches;
Vladimir Orel and Olga Stolbova (1995) group Berber with Semitic, Chadic with Egyptian, and split Cushitic into five or more independent branches of Afro-Asiatic, seeing Cushitic as a Sprachbund rather than a valid family;
Alexander Militarev (2000), on the basis of lexicostatistics, groups Berber with Chadic and both, more distantly, with Semitic, as against Cushitic and Omotic.
Je reprends :
En fait j'ai oublié de mentionner quelques arguments d'Obenga qui étaient situés dans un autre chapitre. Je répare mon erreur :
Les conjugaisons verbalesCiter :
p. 142
Il est par conséquent assez abusif de décrire le verbe égyptien selon les catégories du sémitique et de l'indo-européen. [...] Dès lors il est assez curieux de voir la grammaire égyptienne encombrée de notions des grammaires sémitiques : « perfectif », « imperfectif », « pseudo-participe » (« old perfective »), verbes « faibles » [...]
Obenga enfonce une porte ouverte en croyant découvrir qu'il est dangereux de vouloir décrire une langue selon un cadre théorique rigide ou des critères descriptifs et une grille d'analyse hérités d'une autre langue.
Néanmoins il faut prendre la terminologie pour ce qu'elle est : un système d'étiquettes pratiques, et non des jugements catégoriels. Bref, il faut aller voir le contenu réel des analyses plutôt que de les rejetter sur de simples critères d'étiquettes et de jargon.
Or Obenga critique superficiellement la description de la grammaire égyptienne (notons que certaines notions n'ont rien de propre au sémitique mais appartiennent bien au domaine de la linguistique générale), mais il ne discute ni ne cite aucune comparaison de la morphologie verbale entre égyptien et sémitique! Il n'en dit pas un mot... C'est pourtant un argument important de l'afroasiatique, comme on le verra.
Les particules de liaison : pp. 171-178
Obenga présente l'hétérogénéité des particules de liaison entre égyptien et berbère. Mais quid du sémtique? De toute façon comme je l'ai dit et répété, montrer une hétérogénéité ne sert à rien. L'afroasiatique n'est pas établi sur ces critères.
Bon, la prochaine fois est la bonne, je passe aux autres arguments de l'afroasiatique.
À suivre...