Si je peux donner mon avis sur la Corse...
On est en présence en Corse d’une intégration précédée d’une annexion par conquête militaire. Cette intégration a provoqué un mouvement de résistance assez appuyé vis-à-vis de la nouvelle puissance et a été particulièrement difficile pour diverses raisons
Evénementielle et politique tout d’abord, puisque les quarante années qui précède l’arrivée des Français et la conquête militaire (1768-1769) voient l’émergence chez une majeure partie de la population Corse d’un sentiment de prise de conscience d’une identité nationale prenant racine dans le vaste mouvement de contestation du pouvoir génois en place qui début à la fin de l’année 1729, ce que l’on appelle aujourd’hui «
la » ou «
les révolution(s) corse(s) » du XVIIIe siècle. Ce mouvement de volonté d’indépendance nationale, que n’a jamais connu la Corse auparavant et qui s’affirme durant une vingtaine d’années se concrétise par la prise de pouvoir de Pascal Paoli (il est proclamé «
Général en chef de la Nation corse » en juillet 1755), et l’affirmation par celui de la souveraineté nationale dans sa fameuse constitution de novembre 1755, qui déclare en préambule que «
le peuple de Corse [est] légitimement maître de lui-même ». C’est d’ailleurs dans cet esprit que s’effectue le généralat de Pascal Paoli, puisqu’il tente de rompre définitivement avec la République de Gênes en donnant une dimension étatique à l’île dans son organisation administrative, économique, militaire ou encore culturelle. Si bien qu’à la veille de la conquête française, Gênes ne dispose plus que de quelques présides comme Bastia ou Calvi, et n’a plus aucune influence sur les évènements qui se déroulent dans ce que l'historien Antoine-Marie Graziani appelle «
le laboratoire des Lumières ».
C’est dans cette optique que l’on ressent en Corse l’arrivée des Français, chargée de rétablir l’ordre pour le compte des Génois par le traité de Versailles du 15 mai 1768 (qui n’est en fait qu’un acte de vente déguisée) qui va motiver l’opposition très importante des Corses vis-à-vis de la puissance française, d’autant plus, et ce que dénoncera par ailleurs Pascal Paoli ou encore Voltaire dans son
Précis du siècle de Louis XV («
Il reste à savoir si les hommes ont le droit de vendre d’autres hommes, mais c’est une question que l’on examinera jamais dans aucun traité. »), que les Corses n’ont été à aucun moment consulté sur leur devenir. On considère en quelque sorte l’arrivée des Français comme une ingérence dans les affaires qui ne concernent que la Corse, et éventuellement la République de Gênes.
L’annexion de la Corse est entreprise en août 1768 par une conquête militaire qui s’achève par la défaite des troupes paolistes en mai 1769. En plus du choc des cultures et des modes d’administration et de vies entre les deux entités, l’intégration de ce nouveau territoire du royaume de France, érigé en Pays d’Etats est un peu à l’image de ce qu’est la conquête militaire puisque la monarchie est confronté à une situation d’opposition et de résistance massive qui se traduit par un état de guérilla permanent durant les premières années de « pacification ». De 1770 à 1786, c’est le comte de Marbeuf, gouverneur de la Corse qui met en œuvre les moyens de cette politique qui va se traduire principalement par la traque des anciens partisans de Pascal Paoli, la multiplication des condamnations à mort ou des exils vis-à-vis des réticents à la nouvelle puissance. Les méthodes employées sont particulièrement violentes, elles se font sans discernement, ce qui a pour effet donne aux mouvements résistants pro-paolistes des raisons de soutenir la rébellion. C’est un cercle vicieux en quelque sorte qui s’établit dès la fin de la conquête de 1768-1769 jusqu’à la pause qui va intervenir avec la Révolution.
Malgré la Révolution et le fait que la Corse soit désormais intégrée officiellement au territoire français, le rappel de Pascal Paoli en Corse par la Constituante n’a pas l’effet escompté puisqu’une nouvelle scission intervient par la proclamation d’un éphémère Royaume anglo-corse de 1794 à 1796. Les troupes napoléoniennes sont néanmoins de retour dans l’île alors qu’éclatent toujours des révoltes anti-françaises soulevées par des partisans de Pascal Paoli, dont la plus importante est celle dite de la
Crucetta en 1798, la dernière révolte majeure que connaît la Corse contre le pouvoir français.
Pour résumer rapidement, la conquête et l’intégration de la Corse à la France a été longue et particulièrement difficile, on en voit encore les stigmates aujourd’hui.
En espérant avoir été le plus clair, le plus juste et le moins ennuyeux possible sur ces évènements particulièrement complexes et qui suscitent encore aujourd'hui l'exaltation des passions…