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Message Publié : 08 Mai 2008 12:35 
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La Revue internationale des livres et des idées, qui publie dans son dernier numéro la critique de Libera (Landerneau en terre d'Islam) propose également sur son site une critique du livre par Max Lejbowicz, peu convaincante à mon gout : aller chipoter pour des erreurs ou des approximations dans la bibliographie, c'est assez facile et ça ne prouve pas grand chose. Il en est encore pour confondre histoire et érudition.

Citer :
Saint-Michel historiographe. Quelques aperçus sur le livre de Sylvain Gouguenheim, par Max Lejbowicz.


L’auteur développe une thèse qui, fondée sur le postulat de l’excellence exclusive de la culture grecque, se met aisément sous forme syllogistique. Prémisse majeure : la culture de l’Europe latine s’est tout au long du Moyen Âge abreuvée aux sources de la culture grecque. Prémisse mineure : à la même époque, la culture arabo-islamique n’a été qu’effleurée par la culture grec-que. Conclusion : la culture arabo-islamique a eu peu d’effet sur le développement d’une Europe latine, grecque dans l’âme, en dépit des traductions arabo-latines du XIIe siècle.

Mis en valeur par un titre accrocheur, les rapports d’Aristote et du Mont-Saint-Michel ne sont traités que dans un des cinq chapitres du livre, le troisième ; ils s’insèrent dans l’ensemble plus large que je viens d’évoquer et que traduit le sous-titre d’un classicisme austère. L’illustration de couverture renforce pourtant ce titre discutable en l’orientant curieusement. Elle reproduit une enluminure où, dans le ciel du Mont-Saint-Michel, l’archange protecteur des lieux terrasse le dragon1. Faut-il penser qu’en éduquant l’Europe latine un Aristote exempt d’arabismes a rejoint la milice céleste ? Je préfère croire que l’ auteur et son éditeur invitent leurs lecteurs du XXIe siècle à partager le combat que sous toutes les latitudes et à toutes les époques, les historiens mènent contre les approximations, les erreurs, les dossiers mal ficelés et les surinterprétations, contre aussi ces dérives du jugement qui résultent de compagnonnages inavoués. Je ré-ponds à leur initiative, en procédant du simple, du trivial même, au complexe.

Le livre se termine par une Bibliographie sélective (BS) de quinze pages. Si elle donne, comme il se doit, un aperçu de la documentation sur laquelle l’ auteur s’est appuyé pour défendre et il-lustrer sa thèse, elle laisse aussi entrevoir le degré de familiarité qu’il a atteint avec son sujet. L’usage de préciser les première et dernière pages des articles et des contributions à un volume n’est que partiellement suivi ; y échappent Aerts, al-Azmeh, Albert, Ammar, Delcambre, van Ess, etc. sans qu’on sache en quoi ces auteurs ont démérité. Les trois auteurs du tome I de l’Histoire culturelle de la France ne doivent pas être énoncés selon l’ordre alphabétique de leur nom mais en commençant par celui de Michel Sot, qui, conformément aux informations données sur la couverture et la page de titre, a dirigé ce tome. L’ouvrage de Robert Benson, Giles Constable et Carol Lanham n’est pas seulement sorti sous le label d’un éditeur américain, Harvard University Press, mais aussi sous celui d’un éditeur européen, Clarendon Press d’Oxford ; il en existe de surcroît une édition de poche parue en 1991 chez Toronto University Press. La traduction française de l’ouvrage de Richard Hodges et David Whitehouse n’est pas parue au CNRS mais aux éditions P. Lethielleux, dans une collection spécialisée et de haute tenue: « Réalités byzantines ». Le tome I d’une des deux contributions citées de Roshdi Rashed, Les mathématiques infinitésimales du IXe au XIe siècle, n’est pas davantage paru au CNRS, en 1996, mais à l’Al-Furqan Islamic Heritage Foundation de Londres, trois ans plus tôt. Quatre autres tomes ont depuis complété ce premier chez le même éditeur. La lecture de cet ensemble est quelque peu ardue mais, en persévérant, le lecteur obtient un résultat difficilement contestable : le niveau atteint par les mathématiciens arabophones sur le sujet annoncé par le titre se situe au-dessus de celui des Grecs de l’Antiquité et bien au-dessus de celui des Latins de l’époque.

L’adjectif qui qualifie cette bibliographie aurait demandé que soient précisés les critères au nom desquels la sélection s’est opérée. En l’état, ils paraissent si peu évidents que l’adjectif « arbitraire » semble être plus approprié. Certains travaux de Lorenzo Minio-Paluello sont largement utilisés dans le livre, eux qui ont mis en pleine lumière la figure du traducteur gréco-latin Jacques de Venise2; mais le recueil du savant médiéviste, Opuscula. The Latin Aristotle, Amsterdam, 1972 n’est pas mentionné. Il réunit, en les dotant le plus souvent de notes additionnelles, tous les articles de l’intéressé qui, parus avant 1969, étaient pour lui importants, soit trente-et-un au total. De fait, les trois sur cinq qui sont cités dans la BS, et qui respectent ce critère de date, se retrouvent dans les Opuscula, munis, pour deux d’entre eux, de notes additionnelles pour deux d’entre eux. La documentation sur laquelle l’ auteur s’appuie pourrait être évaluée en rapportant ces trois articles aux trente-et-un du recueil : elle atteint le dixième de ce qu’il aurait été souhaitable qu’elle acquière3. Pire : l’instrument de travail de Charles Lohr4, est, lui, passé sous silence. La présence des médiévistes sollicités oscille entre le dixième de Minio-Paluello et le zéro de Lohr. Qu’on en juge. Peut-on réduire l’apport aux études médiévales de Menso Folkerts à son seul article sur l’abaque de Gerbert ? Ce médiéviste n’est-il pas aussi l’auteur d’un très remarquable Euclid in Medieval Europe, qui, paru en 1989 a, depuis lors, été mis en ligne et à jour sur le site http://www.math.ubc.ca/~cass/Euclid/fol ... kerts.html ? Et que dire de l’absence de l’étude fondatrice de Marshall Clagett, « The Medieval Latin Translations From the Arabic of the Elements of Euclid, With Special Emphasis on the Versions of Adelard of Bath », Isis, XLIV (1953), p. 16-42, reprise dans le recueil Studies in medieval Physics and Mathematics, Londres, 1979 ? Sans compter une autre absence non moins étonnante, celle qui porte sur les éditions de l’Euclide arabo-latin par Hubert L. L. Busard, seul ou avec l’aide du même Folkerts, de ou attribué à Hermann de Carinthie, Adélard de Bath, Gérard de Crémone, Robert de Chester et Campanus de Novare ? Outre, enfin, que le même Busard a également édité la version médiévale gréco-latine anonyme des Éléments, édition que notre chantre de l’hellénisme n’a pas retenue. Le nombre des manuscrits de chacune de ces deux versions montre celle qui avait la préférence des Latins des XIIe-XVe siècles : l’arabo-latine est très nettement gagnante. Autre « oubli » étonnant : les cinq tomes de l’Archimedes in the Middle Ages de Clagett, si riches en textes originaux, et si révélateurs des efforts des clercs médiévaux latins pour retrouver les éléments d’une véritable science. Parmi les lacunes les plus flagrantes au regard du thème annoncé par le sous-titre, on relève : les Dionysiaca édités par Philippe Chevallier, Paris, 1937 ; Hyacinthe F. Dondaine, Le Corpus Dionysien de l’Université de Paris au XIIIe siècle, Rome, 1953 ; les éditions et les travaux de Raymond Klibansky sur le Platon latin ; les mille pages de la Cambridge History of Later Medieval Philosophy, 1982, qui contiennent une excellente contribution de Bernard G. Dod, « Aristotle in the middle ages » et, parue sous la direction de Peter Dronke, la plus modeste History of Twelfth-Century Western Philosophy, 1988, qui contient trois remarquables contributions sur les héritages philosophiques reçus par les clercs médiévaux : platonicien (Tullio Gregory), stoïcien (Michael Lapige) et arabe (Jean Jolivet). Réduire à Aristote l’hellénisme de l’Europe latine n’est guère conforme au contenu des bibliothèques médiévales.

L’ auteur montre un intérêt particulier pour l'un des traducteurs arabo-latins, Adélard de Bath, déjà cité; je prends les quelques lignes qu’il lui consacre pour fil conducteur de la suite de mon propos5. Il donne, p. 52, un aperçu bio- et bibliographique d’Adélard, mais sans préciser les sources auxquelles il puise. S’il avait consulté les actes du colloque Adelard of Bath. An English Scientist and Arabist of the Early Twelfth Century, Londres, 1987, ou la biographie de Louise Cochrane, Adelard of Bath. The First English Scientist, Londres, 1994, il n’aurait pas attribué à son héros une traduction arabo-latine de la Syntaxe mathématique de Claude Ptolémée, qui a jusqu’à aujourd’hui échappé à la vigilance du spécialiste par excellence du Ptolémée arabo-latin, Paul Kunitzsch. La BS n’a pas retenu le nom de cet historien polyglotte de l’astronomie ancienne et médiévale, dont l’œuvre est impressionnante (voir sa bibliographie sur le site http://www.geschichte.uni-muenchen.de/w ... nitz.shtml). L’ auteur mentionne dans ce même passage le traité sur l’astrolabe d’Adélard, sans prendre la peine de le situer dans les années 1140-1150. Or cette décennie abonde en traités de l’espèce avec ceux de Raymond de Marseille, de Jean de Séville, d’Abraham ibn Ezra, de Platon de Tivoli, de Robert de Chester et de Robert de Bruges – outre la traduction latine, par Hermann de Carinthie, de la traduction gréco-arabe de la Planisphère de Ptolémée, qui contient la théorie de la projection stéréographique indispensable à l’intelligence de l’instrument. Fait significatif : Hermann dédie sa traduction à un maître chartrain, Thierry de Chartres, et jette ainsi un pont entre les traducteurs arabo-latins travaillant dans la péninsule ibérique et l’un des plus prestigieux maîtres de l’École de Chartres6. L'auteur ignore cette effervescence astrolabique si remarquablement datée, qui doit peu aux Grecs et beaucoup aux Arabes ; il n’est pas en mesure de signaler la place que le traité d’Adélard occupe dans le genre, alors que l’originalité en avait été soulignée par Emmanuel Poulle dans les actes du colloque de 1987 et qu’elle permet de voir à l’œuvre les modes d’information et de pen-ser d’un des plus originaux traducteurs arabo-latins. Toujours dans ce même passage, l’ auteur met à l’actif d’Adélard la traduction de tables astronomiques, sans préciser qu’il s’agit de celles d’al-Khwârizmî dont la version latine a été éditée par Henri Suter en 1914 et brillamment commentée en 1962 par Otto Neugebauer, l’un et l’autre passés entre les mailles de la BS. Dépossédés d’une de leurs tables astronomiques, les Arabes le sont de la plupart de leurs observatoires. D’après l’ auteur, p. 247, n. 63 : « les premiers observatoires astronomiques apparaissent seulement dans la deuxième moitié du XIIIe siècle (observatoire de Maragha en Azerbaïd-jan, édifié sur ordre du petit-fils de Gengis Khan et doté d’une bibliothèque ; malheureusement les sources écrites sont indigestes et on ne connaît pas le fonctionnement de cette institution). » Que n’a-t-il lu le livre de Roshdi Rashed et Régis Morelon, Histoire des sciences arabes, qui est bel et bien mentionné dans la BS ! Il aurait appris, t. 1, p. 23-30, sous la plume de Morelon, que les premiers observatoires arabes ont quatre siècles de plus. L’éminent historien de l’astronomie arabe parle aussi de celui de Maragha « dont nous connaissons bien le fonctionnement (p. 28) », en renvoyant au rapport de fouille de P. Vardjavand qui date de plus d’un quart de siècle (Istanbul, 1980).

Un autre gros poisson a échappé aux filets de l’ auteur : Adélard a également traduit un second texte d’al-Khwârismî, le traité sur la numération de position. Sa traduction a été éditée, traduite en français et commentée par André Allard, avec trois autres traductions du même traité réalisées à la même époque7. Ces textes éclairent rétrospectivement l’abaque de Gerbert, antérieure de près de cent cinquante ans, et qui n’a rien à voir avec son homonyme de l’antiquité gréco-latine. Ne faisant pas usage du zéro, comme l’exige la numération de position, Gerbert est obligé de recourir à un palliatif : selon les besoins du calcul en cours, il place l’un des nombres de 1 à 9 dans une première colonne, celle des unités, dans une deuxième, celle des dizaines, dans une troisième, celle des centaines, etc. ; puis, pour procéder à l’une des quatre opérations, il élabore une procédure adaptée à ce dispositif. Au contact d’une nouveauté arabe qu’il peine à comprendre, il a transformé un héritage gréco-latin et produit un ersatz arithmétique que ses successeurs, mieux avertis, relégueront aux rayons des curiosités intellectuelles. Passer de Gerbert à Adélard, c’est passer d’une pseudo à une véritable numérotation de position, dont est constitutif ce zéro au statut étrange et à l’étymologie étrangère aussi bien au grec qu’au latin. Les médiévaux latins ont ainsi atteint, grâce aux Arabes et non sans efforts, un niveau arithmétique inconnu de l’Antiquité classique. Je ne vois pas en quoi cette page ne devrait pas être intégrée à une enquête sur les origines culturelles de l’Europe – sauf à attribuer à la numération additive une excellence dont elle est dépourvue ; son maintien aurait, par exemple, empêché la naissance de l’informatique, pour ne rien dire des multiples blocages qu’elle n’aurait pas manqué d’introduire dans la théorie des nombres.

Par la suite, p. 184 et 256, n. 31, l’ auteur revient sur Adélard dont il cite, en traduction française, un extrait des Quaestiones naturales, en s’abstenant de mentionner l’édition latine utilisée (Müller, Münster, 1934 ? Di Giovanni et Ferrari, Rapallo, 1965 ? Burnett, Cambridge, 1998 ?) et a fortiori en n’en donnant pas les références précises. Bien qu’aucune marque typographique ne signale le montage, la citation est formée de deux passages, l’un emprunté au prologue et l’autre à l’avant-propos des Quaestiones8. Ces deux passages ne sont pas inconnus des médiévistes. Ils avaient été relevés en latin par le pionnier des études sur les traductions médiévales, Amable Jourdain9. Ils sont également cités en français par Michel Rouche10, dans des termes identiques à ceux de l’ auteur jusque dans l’absence d’indication du montage : les deux auteurs ont au moins une source commune et, de toute façon, l’absence de consultation du texte original est rédhibitoire sous la plume d’un historien. Dans ces passages, Adélard s’en prend aux pisse-vinaigre qui récusent par principe les nouveautés ; pour éviter leurs attaques, il préfère mettre au compte des Arabes ce qui vient de son propre fonds : « Le propos mérite d’être médité » soutient sans plus l’ auteur. Il mérite surtout d’être compris. Il serait bien maladroit d’attribuer fictivement des nouveautés de prix à des auteurs chargés d’une sinistre réputation. Pour que les lecteurs du XIIe siècle ad-mettent la tactique d’évitement qu’Adélard adopte, ils doivent au moins la considérer comme crédible ; et ils ne le peuvent qu’en tenant en haute estime les savants arabophones. La traduction citée des deux traités d’al-Khwârismî favorise évidemment cette notoriété. Mais il y a plus.

Les arabica studia du passage cité de l’avant-propos des Quaestiones répondent aux Arabum studia d’un passage non cité du prologue, et ces deux expressions deviennent, sous la plume d’un autre traducteur, Hermann de Carinthie, les intimi Arabum thesauri –trésors très secrets qu’il a exploités en travaillant dans la haute vallée de l’Èbre avec Robert de Chester, à qui il adresse le prolo-gue de son De essentiis11. Le mot thesauri est employé à peu près à la même date dans une optique similaire par un traducteur qui travaille pour l’essentiel à Barcelone, Platon de Tivoli12. Un peu plus tard, vers la fin des années 1160, un Anglais, Daniel de Morley, ronge son frein à Paris, où l’a conduit sa soif de connaissance, que les Franciae magistrin’ont pas étanchée. Il ressent un vif at-trait pour la doctrina Arabum13, si vif qu’il part pour Tolède afin de l’étudier. Il est cette fois comblé. Une expression similaire se trouve chez Étienne d’Antioche, un natif de Pise, qui parle avec déférence de l’Arabum veritas14. Alors que l’encre du De essentiis et du De scientia stellarum est à peine sèche, Gérard de Crémone arrive à la fin de son cursus scolaire en devenant magister ar-tium15. Il décide de quitter sa ville natale « par passion pour l’Almageste, amoreAlmagesti, qui était absolument introuvable chez les Latins ». À la recherche du chef-d’oeuvre de Ptolémée, il obéit au tropisme de nombreux chercheurs de son temps : il prend la route de Tolède (non celle de Constantinople ou de la Sicile…), où Daniel de Morley devait par la suite le rejoindre16. Pour évoquer la découverte de la science et de la philosophie arabes par leur futur maître, les auteurs de la Vita font dresser par le voyageur un constat. Arrivé dans la ville frontière de la Reconquista, il remarque « l’abondance des livres rédigés en arabe dans toutes les disciplines » et déplore « la pénurie des Latins en ces matières, qu’il avait bien connue. » Avec une énergie proprement admirable, il devient le traducteur arabo-latin le plus prolixe de sa génération. La série de notations que je viens de faire trouve son expression la plus haute sous la plume de Pierre Abélard. Dans son Dialogue d’un Philosophe avec un Juif et un Chrétien, le personnage du philosophe est un fils d’Ismaël, circoncis, autrement dit un Musulman17. Pour la fine fleur de l’intelligentsia du XIIe siècle latin, les maîtres de la ratio vivent au Sud des Pyrénées et à l’Est de la Méditerranée. Certes, Abélard, qui possède jusqu’au bout des ongles l’Aristote connu en son temps, sent le souffre. Mais Pierre le Vénérable, qui est à la tête d’un puissant réseau ecclésiastique et qui ne passe pas pour être un spécialiste d’Aristote ? Il juge les Arabes « habiles et savants » et fait l’éloge de leurs bibliothèques remplies de livres consacrés aux arts libéraux et aux sciences de la nature, même s’il continue à les juger « sots quant aux choses éternelles et divines18. » La différence de leur culture n’a pas empêché les deux hommes de nouer des rapports d’estime et de respect19.

Après ce tour d’horizon, je peux revenir à l’aveu d’Adélard, dont les écrits ne montrent pas une prédilection marquée pour « les choses éternelles et divines ». C’est bien parce que les sciences arabophones jouissent à son époque d’un réel prestige que, pour être entendu, il prétend mettre ses propres réflexions sous leur patronage. Son choix proclamé d’une tactique d’évitement est en sous-main une tactique d’autopromotion. Il cherche à séduire le public susceptible de le suivre en laissant supposer que lui-même suit des maîtres arabes. Qu’il soit lu littéralement ou qu’il soit entendu jusque dans ses roueries, Adélard témoigne de la haute estime dans laquelle il tient les savoirs arabes. Pouvait-il agir différemment, alors qu’il a pris la peine de traduire certains ouvrages arabes, qui, eu égard à sa formation et au niveau des études latines, n’étaient pas d’accès facile ? En prétendant que, pour se mettre à l’abri des conservateurs de toute sorte, il préfère attribuer aux Arabes ses propres conceptions, il accroît le prestige de ces derniers ; et, en même temps, son arabophilie ne va pas sans un certain aveuglement. Je ne suis pas sûr qu’en procédant ainsi, il se soit mis à l’abri d’attaques possibles : il s’expose à être dénigré soit comme auteur de nouveau-tés soit comme porte-parole de nouveautés. L’admiration qu’il porte aux sciences arabes lui fait commettre des erreurs tactiques. Au final, son aveu incite à « méditer » sur les difficultés que rencontrent les novateurs, arabophiles ou non, dans un environnement conservateur, chrétien ou non.

L’ auteur soutient tout au long de son livre que les médiévaux latins font preuve d’une bonne tenue intellectuelle grâce à leur connaissance de la culture grecque. À lire les auteurs qui appartiennent à l’avant-garde du XIIe siècle, c’est plutôt la science arabe qui joue le rôle d’aiguillon. À moins d’invoquer l’ingratitude et l’inconscience de ces initiateurs, force est de reconnaître que l’ auteur s’est enfermé dans une contradiction. Si les médiévaux la-tins sont, comme il le prétend, des hommes formés et informés, est-ce qu’il n’est pas préférable d’accepter leurs propos ? Et, par la même occasion, de revoir la thèse unilatérale qu’il défend ? Qu’il n’ait pas fait l’effort de prendre connaissance des différentes pièces du dossier, chaque page de son livre le proclame et sa thèse en ait la cruelle démonstration. Ses insuffisances manifestes ne condamnent pas son projet dès lors qu’il est abordé avec le bagage requis.

Faire le bilan des apports respectifs des cultures grecque et arabe à l’éducation des médiévaux latins est une tâche passionnante et, dans les circonstances présentes, une œuvre salutaire. Le livre refermé, on attend toujours l’historien qui l’entreprendra en respectant les quelques règles d’or des sciences humaines et plus particulièrement de sa discipline : la neutralité axiologique19, la connaissance des sources et une bonne connaissance des études ponctuelles déjà publiées sur les différents aspects du thème retenu. En dehors de ces trois règles, il n’y a pas d’historien qui vaille. Le toupet impressionne les amateurs20; il n’aide pas à construire un savoir.

Notes

1 L’enluminure est dotée d’un copyright dans la quatrième de couverture, mais son origine n’est précisée nulle part. Rendons au Moyen Âge ce qui lui appartient : elle est extraite des Très Riches Heures du duc de Berry, Chantilly, Musée Conté, ms. 65 daté de 1411-1416 selon les travaux de Patricia Stirnemann (et non de 1402-1416), f. 195, où elle illustre, dans le contexte de la guerre de Cent Ans, le verset Ap 12, 7 : « Et factum est proelium in caelo ; Michahel et angeli eius proeliabantur cum dracone ». La position géographique de l’abbaye confère à celle-ci un rôle stratégique. Peu après la bataille de Poitiers, son abbé reçoit du dauphin Charles le titre de capitaine. Sous l’abbatiat de Pierre Le Roy (1386-1410), elle est pourvue d’un système défensif remarquablement efficace. Elle devient le symbole de la résistance à l’envahisseur, qui, en dépit de ses efforts, ne parviendra jamais à la prendre. La paix revenue, le roi Louis XI rend hommage à ce pôle de résistance en créant l’Ordre de Saint-Michel dévolu à la défense du royaume et à la grandeur de la monarchie (sur tout cela, voir le catalogue de l’exposition Millénaire du Mont-Saint-Michel, 966-1966, Paris, 1966). Il n’y a pas d’image innocente, aussi belle soit-elle. En valoriser une, sans prendre la précaution de préciser les conditions de sa création ni le sens que ses créateurs (les frères Limbourg) et son commanditaire (Jean de Berry, l’un des frères de Charles V) lui ont attribuées, conduit à s’abstraire de d’histoire et à ouvrir les vannes de la mythologie. Tant qu’à faire, je choisis la mythologie qui honore le mieux Clio.

Notes:

2 J’utilise le mot « traducteur » sans autre précision. Appliqué aux Latins du XIIe siècle, il demanderait des précisions qui dépassent le cadre de ce compte rendu.

3 Depuis Minio-Paluello, la recherche a continué : Guglielmo CAVALLO, Giuseppe DE GREGORIO et Marilena MANIACI (eds.), Scritture, libri e testi nelle aree provinciali di Bisanzio. Actes du Colloque d’Erice, 18-25 septembre 1988, Spolète, 1991, 2 t. et Rita BEYERS, Jozef BRAMS, Dirk SACRE et Koenraad VERRYCKEN (eds.), Tradition et traduction. Les textes philosophiques et scientifiques grecs au Moyen Âge latin. Hommage à Fernand Bossier, Louvain, 1999... La BS ignore ces recueils.

4 Charles LOHR,Commentateurs d’Aristote au Moyen Âge latin. Bibliographie de la littérature secondaire récente, Fribourg / Paris, 1988,

5 Il aurait été possible de prendre d’autres fils conducteurs. J’en énumère quelques-uns : comparer les conjonctures historiques à la naissance du christianisme et à celle de l’islam ; dresser un parallèle entre les couples « christianisme / chrétienté » et « islam / Islam » ; déterminer le statut des langues dans la chrétienté et dans l’Islam ; faire l’histoire des chrétiens syriaques combattus par Byzance et tolérés, sinon honorés, par les Omeyyades et les Abbasides ; dresser un tableau des bibliothèques grecques, latines et arabes ; comparer le statut de l’astrologie à Byzance, dans l’Europe latine et dans l’Islam, en examinant la thèse insolite de Paul Magdalino (si Byzance avait admis l’orthodoxie des astrologues, elle aurait directement participé à la révolution scientifique des XVIe et XVIIe siècles) ; analyser l’apport d’Ibn al-Haytham à l’optique, etc. Je n’en choisis qu’un seul pour montrer avec une précision compatible avec les limites d’un compte rendu la désinvolture de l’A. Toutes les études citées par la suite en note sont absentes de la BS.

6 Sur ce point, Max LEJBOWICZ, « Le premier témoin scolaire des Éléments arabo-latins d’Euclide. Thierry de Chartres et l’Heptateuchon », Revue d’histoire des sciences, 56 (2003), p. 347-368.

7 MUHAMMAD IBN MUSA AL-KHWARISMI, Le Calcul Indien (Algorismus), Paris / Namur, 1992, édition qui doit être complétée par celle de FOLKERTS et KUNITZSCH, Die älteste lateinische Schrift über das indische Rechnen nach al-Hwarizmi, Munich, 1997.

8 ADELARD OF BATH, Conversations with his Nephew (…), ed. by Charles Burnett, Cambridge, 1998, p. 82 et 90.

9 A. JOURDAIN, Recherches critiques sur l’âge et l’origine des traductions latines d’Aristote et sur des commentaires grecs ou arabes employés par les docteurs scolastiques, Paris, 1819 (éd. revue par Ch. Jourdain, Paris 1843, p. 274)

10 Michel ROUCHE, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, t. I, Des origines à la Renaissance, Paris 1981 ; éd. de poche, Paris, 2003, p. 351.

11 HERMANN OF CARINTHIA, De essentiis, ed. by Charles BURNETT, Leyden / Cologne, 1982, p. 7026 27, daté de 1143 : « ... cultus et ornatus ... quos ex intimis Arabum thesauris diutine nobis vigilie laborque gravissimus acquisierat. » L’expression cultus et ornatus doit probablement s’entendre de deux manières : leur travail les a enrichis intellectuellement et matériellement.

12 MAHOMETIS ALBATENII, De scientia stellarum ..., Bologne, 1645, pref., fol. b. La version latine qui accompagne l’édition moderne de l’original arabe est due à l’éditeur : AL-BATTANIsiveALBATENII, Opus astronomicum (…) a C. A. NALLINO, Milan, 1899-1907 ; elle n’est pas propice à un relevé lexical.

13 G MAURACH, « Daniel von Morley, ‘Philosophia’ », Mittellateinisches Jahrbuch, 14 (1979), p. 204-255, liber I, prefatio, 1-2, p. 212. La Philosophia a été écrite vers 1180 et le séjour de Daniel à Tolède date des années 1170 (p. 209-210).

14 ÉTIENNE D’ANTIOCHE, Regalis dispositio, texte édité en annexe de l’étude de Charles BURNETT, « Antioch as a Link between Arabic and Latin Culture in the Twelfth and Thirteenth Centuries », dans Isabelle DRAELANTS, Anne TIHON et Baudouin van den ABEELE (eds.), Occident et Proche-Orient : Contacts scientifiques au temps des Croisades, Actes du Colloque de Louvain-la Neuve, 24-25 mars 1997, Turnhout, 2000, pp. 1-78, (20-39, l’expression est à la p. 29). La Dispositio date de 1127 et traduit le Kitâb Kâmil as-sinâ’a d’al-Mağûsî (avant 977/8).

15 Pierluigi PIZZAMIGLIO, « Vita e opere di Gerardo da Cremone secondo un antico memoriale », dans Pierluigi PIZZAMIGLIO (ed.), Gerardo da Cremona, Actes du Colloque de Crémone, 22-23 octobre 1988, Crémone, 1992, pp. 3-7 (3).

16 Voir la notice qu’il est convenu d’appeler la Vita, que les élèves et les proches de Gérard rédigèrent après la mort de leur ami et maître, quelques quarante ans après le périple. Dernière édition critique de la Vita et de ses annexes, Commemoratio librorum et Eulogium, dans Charles BURNETT, The Coherence of the Arabic-Latin Translation Programme in Toleto in the Twelfth Century, Berlin, 1997, pp. 20-33 (22). Ce document ne nous informe pas sur la manière dont Gérard a pu se faire une si haute idée du traité de Ptolémée en ne lui connaissant que la version arabe. Tout se passe comme si cette idée était au XIIe siècle dans l’air du temps.

17 PIERRE ABELARD, Conférences. Dialogue d’un Philosophe avec un Juif et un Chrétien et Connais-toi toi-même. Éthique, trad. par Maurice de Gandillac, Paris, 1993 ; voir Jean JOLIVET, « Abélard et la philosophie », Revue d’histoire des religions, CLIV (1963), p. 181-189 repris dans son recueil Aspects de la pensée médiévale : Abélard. Doctrines du langage, Paris, 1987.

18 PETRUS VENERABILIS, Schriften zum Islam, ed. Reinhold Glei, Altenberge, 1985, p. 114.

19 Sur tout cela : René LOUIS et Jean JOLIVET (eds.), Pierre Abélard et Pierre le Vénérable. Les courants philosophiques, littéraires et artistiques en Occident au milieu du XIIe siècle, Actes du colloque de l’Abbaye de Cluny, 2-9 juillet 1972, Paris, 1975, et notamment le texte liminaire, « Lettre de Pierre le Vénérable à Héloïse pour lui annoncer la mort d’Abélard » et la section 2 de la 2e partie, « Relations entre Pierre le Vénérable et Pierre Abélard ».

20 Max LEJBOWICZ, « Développement autochtone assumé et acculturation dissimulée » dans M. LEJBOWICZ (ed.),Les relations culturelles entre chrétiens et musulmans au Moyen Âge, quelles leçons en tirer de nos jours ? Actes du colloque organisé à la fondation Singer-Polignac le 20 octobre 2004, Turnhout, 2005, p. 57-78.

21 Voir la méconnaissance du Moyen Âge grec, latin et arabe qu’étalent les comptes rendus du livre en question parus dans Le Monde du 4 avril 2008 et Le Figaro du 17 avril 2008 ; celui qui est paru dans Libération le 30 avril est plus prudent, sans être convaincant : la connaissance du Moyen Âge ne peut pas être innée.

Source:
http://revuedeslivres.net/index.php?idH=225

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Message Publié : 08 Mai 2008 12:41 
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Philippe de Commines
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Artigas a écrit :
En tant qu'historien au vu de son ouvrage qui contient des contre-vérités historiques évidentes, un parti pris manifeste ( chacun est libre de ses opinions cependant mais selon une certaine limite) mais surtout une vision historique partiale, Gougenheim s'est pourtant bel et bien décrébilisé.

Quelles sont ces "contre-vérités historiques évidentes" ? Merci de nous les lister, ça nous aidera à vous suivre.


Artigas a écrit :
Lui qui est spécialiste dans un domaine précis ( les chevaliers teutoniques), a tenté un ''pari'' risqué'' en s'attachant à dévaloriser de manière fallacieuse le rôle de la civilisation islamique sur l'Occident chrétien.

A t-il souvent mis les pieds à l'Institut du Monde arabe, à la bibiliothèques des Langues orientales, à la BNF? A t-il lu au moins de grands spécialistes de la civilisation islamique, les travaux de Dominique et Janine Sourdel, Bernard Lewis par exemple, des références, des sources historiques de première main pour sa démarche ''historique''.

Si j'en crois sa fiche sur le site de l'ENS, le professeur Gouguenheim est membre du laboratoire Histoire et archéologie des mondes chrétiens et musulmans médiévaux. Il me semble donc que sa spécialité n'est pas si éloignée que cela du sujet...


Artigas a écrit :
Tomber dans le piège d'une idéologie fallacieuse en histoire à travers une ''réécriture'' de l'histoire alors que seule la vérité historique compte est assez affligeant. Et cela semble être devenue une sorte de ''mode'' ces dernières années...


Encore une fois, ce serait plus crédible si vous citiez des arguments plus précis tirés de l'ouvrage.


Artigas a écrit :
La liberté d'expression n'est pas absolue non plus. Cette phrase n'a pas de sens lorsque l'on tombe publiquement dans le révisionnisme ou le négationnisme des plus incidieux pour ne pas dire nauséabonds.

Ce qui n'est pas le cas du tout dans cette affaire.
Et par ailleurs, je suis en désaccord avec votre affirmation de manière générale. La liberté d'expression s'arrête à l'injure, la haine, l'appel au crime, etc... A mon sens, elle ne peut jamais être limitée lorsqu'il s'agit d'exposer des idées. Mais on en a déjà largement parlé sur d'autres fils sur PH, ce n'est pas le sujet ici.
Par exemple :
Y a-t'il des sujets tabous en histoire
Les lois mémorielles

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Les facultés de conceptualisation de l'empereur Constantin paraissent avoir été très limitées ; malgré de longues séances, les évêques ne semblent pas avoir réussi à lui faire bien comprendre la différence qui séparait l'orthodoxie de l'arianisme. (Y. Le Bohec)

Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)


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Message Publié : 08 Mai 2008 13:33 
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Eginhard
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On peut trouver des contre-vérités historiques dans l'ouvrage de Gougenheim via ce lien sur le site de Libération:

http://www.liberation.fr/rebonds/323893.FR.php

L'ouvrage de Gougenheim je l'ai feuilleté chez Gibert sans l'acheter, je ne vais pas dépenser près de 20 Euros pour ce genre d'ouvrage.

Pour la liberté d'expression, c'est de manière générale, elle semble être simplement à ''géométrie variable'' dans certains cas... Et contrairement à ce que vous affirmez dans le droit pénal il y'a des limites à la liberté d'expression dans le domaine public. Notamment par rapport à des idéologies. :rool: Et ici les termes de négationnismes et de révisionnismes sont à considérer de manière générale. Non dans le champs uniquement historique.

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''L'histoire, je le crains, ne nous permet guère de prévoir, mais, associée à l'indépendance d'esprit, elle peut nous aider à mieux voir.'' Paul Valéry


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Message Publié : 08 Mai 2008 13:44 
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Philippe de Commines
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Artigas a écrit :
On peut trouver des contre-vérités historiques dans l'ouvrage de Gougenheim via ce lien sur le site de Libération:

http://www.liberation.fr/rebonds/323893.FR.php

L'ouvrage de Gougenheim je l'ai feuilleté chez Gibert sans l'acheter, je ne vais pas dépenser près de 20 Euros pour ce genre d'ouvrage.

Vu la nature polémique de tout cela, libre à vous de faire confiance aux compte-rendus que vous en lisez, en tout cas aux compte-rendus négatifs.

Artigas a écrit :
Pour la liberté d'expression, c'est de manière générale, elle semble être simplement à ''géométrie variable'' dans certains cas... Et contrairement à ce que vous affirmez dans le droit pénal il y'a des limites à la liberté d'expression dans le domaine public. Notamment par rapport à des idéologies. :rool: Et ici les termes de négationnismes et de révisionnismes sont à considérer de manière générale. Non dans le champs uniquement historique.


Je sais bien que la loi, en France, impose des limites du type de celles que vous mentionnez. On n'est pas forcé d'être d'accord avec ça, et il me semble que de manière générale (mais pas unanime, je le reconnais), les historiens n'y sont guère favorables non plus.

De toute façon, il n'y a rien de révisioniste ou de négationiste dans l'ouvrage de Gouguenheim. C'est abracadabrantesque de soutenir une chose pareille, ça n'a aucun sens, et tout ce qui est excessif étant insignifiant, eh bien c'est insignifiant.

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Message Publié : 08 Mai 2008 15:00 
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Artigas a écrit :
Huyustus a écrit :
Aspasia a écrit :
Chacun cherche donc à se protéger.


Je ne sais pas si Voltaire a réellement prononcé la phrase : "Je hais vos idées, mais je me ferais tuer pour que vous ayiez le droit de les exprimer", mais j'ai l'impression malheureusement que beaucoup l'ont oubliée...

Cette phrase n'a pas de sens lorsque l'on tombe publiquement dans le révisionnisme ou le négationnisme des plus incidieux pour ne pas dire nauséabonds.


C'est un peu hors sujet mais encore une fois, je pense qu'il ne faut pas confondre révisionnisme et négationnisme ...
Enfin, je dis ça mais bon je ne suis pas historien, c'est juste l'avis d'un simple étudiant ;)

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Message Publié : 08 Mai 2008 15:17 
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Artigas a écrit :
A t-il souvent mis les pieds à l'Institut du Monde arabe, à la bibiliothèques des Langues orientales, à la BNF? A t-il lu au moins de grands spécialistes de la civilisation islamique, les travaux de Dominique et Janine Sourdel, Bernard Lewis par exemple, des références, des sources historiques de première main pour sa démarche ''historique''.



En ce qui concerne Lewis, deux ouvrages sont cités de lui en bibliographie (dont Comment l'islam a découvert l'Europe). De Sourdel, il y a en bibliographie La Civilisation de l'islam classique. Comme il n'y a pas d'index des noms, il est un peu fastidieux de rechercher où l'auteur s'y réfère mais si vous voulez que je vous le dise, j'ai le livre - donc n'hésitez pas.

Bien entendu, votre question est pertinente et en amène une autre: qui peut au juste parler d'un tel sujet qui nécessite de connaître le grec, le latin, l'arabe, le syriaque (en ce qui me concerne, j'en connais deux sur quatre et je me débrouille en latin ), je vous épargne d'autres langues du style l'hébreu (nécessaire car une partie des textes arabes sont passés en hébreu. Cf. Averroès et son "commentaire" de La République de Platon). Là, je ne parle que des langues, pas des connaissances historiques, géographiques, philosophiques, des études de détail. Bref, sans faire une liste fastidieuse, qui est compétent dans une matière si complexe et nécessitant tant de compétences ?

http://lespitzjaponais.hautetfort.com/


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Message Publié : 08 Mai 2008 15:20 
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Philippe de Commines
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Aspasia a écrit :

C'est un peu hors sujet mais encore une fois, je pense qu'il ne faut pas confondre révisionnisme et négationnisme ...


C'est d'autant plus hors sujet, en effet, que dans le cas qui nous occupe, il ne s'agit ni de l'un, ni de l'autre...

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Message Publié : 08 Mai 2008 15:26 
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Citer :
Bien entendu, votre question est pertinente et en amène une autre: qui peut au juste parler d'un tel sujet qui nécessite de connaître le grec, le latin, l'arabe, le syriaque (en ce qui me concerne, j'en connais deux sur quatre et je me débrouille en latin ), je vous épargne d'autres langues du style l'hébreu (nécessaire car une partie des textes arabes sont passés en hébreu. Cf. Averroès et son "commentaire" de La République de Platon). Là, je ne parle que des langues, pas des connaissances historiques, géographiques, philosophiques, des études de détail. Bref, sans faire une liste fastidieuse, qui est compétent dans une matière si complexe et nécessitant tant de compétences ?


Je ne vois pas en quoi la maîtrise du grec, du latin, de l'arabe, du syriaque et de l'hébreu serait nécessaire à traiter un tel sujet. Il faut en finir avec cette vieille image positiviste de l'historien plongé dans ses archives et qui irait vérifier la moindre virgule de ses sources. Il existe de nombreuses traductions et études de qualité qui sont faites pour être utilisées. Poser de telles conditions, c'est s'interdire de réfléchir à toutes les questions intéressantes qui par nature supposent des compétences universelles. Comme je l'ai déjà fait remarquer plus haut, l'historien n'est pas un érudit, simplement une personne qui possède certaines compétences pour ne pas utiliser des sources n'importe comment et qui essaie de donner du sens à ces sources en les organisant et en les faisant discuter entre elles.

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Message Publié : 08 Mai 2008 15:49 
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Florian a écrit :

Je ne vois pas en quoi la maîtrise du grec, du latin, de l'arabe, du syriaque et de l'hébreu serait nécessaire à traiter un tel sujet. Il faut en finir avec cette vieille image positiviste de l'historien plongé dans ses archives et qui irait vérifier la moindre virgule de ses sources. Il existe de nombreuses traductions et études de qualité qui sont faites pour être utilisées. Poser de telles conditions, c'est s'interdire de réfléchir à toutes les questions intéressantes qui par nature supposent des compétences universelles. Comme je l'ai déjà fait remarquer plus haut, l'historien n'est pas un érudit, simplement une personne qui possède certaines compétences pour ne pas utiliser des sources n'importe comment et qui essaie de donner du sens à ces sources en les organisant et en les faisant discuter entre elles.



C'est bien entendu ce que je voulais sous-entendre: dès l'instant où l'auteur s'est fondé sur des documents fiables, il n'y a pas à lui reprocher de ne pas connaître telle langue en détail.

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Message Publié : 08 Mai 2008 16:30 
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Huyustus a écrit :
Aspasia a écrit :
C'est un peu hors sujet mais encore une fois, je pense qu'il ne faut pas confondre révisionnisme et négationnisme ...

C'est d'autant plus hors sujet, en effet, que dans le cas qui nous occupe, il ne s'agit ni de l'un, ni de l'autre...


Ca c'est votre point de vue. Au vue de la polémique soulevée, je suppose que le livre revient quand même (à tord ou à raison) sur des idées largement partagées (= révisionnisme), non ?

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Message Publié : 08 Mai 2008 16:56 
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Philippe de Commines
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Aspasia a écrit :
Ca c'est votre point de vue. Au vue de la polémique soulevée, je suppose que le livre revient quand même (à tord ou à raison) sur des idées largement partagées (= révisionnisme), non ?


C'est une définition un peu large du révisionisme. A ce compte là, chaque fois qu'un nouvel ouvrage sort sur un sujet qu'on pense bien connu, soit il ne fait que répéter ce qui a déjà été dit, soit il est révisioniste (ce qui n'a rien de péjoratif en soi)...

De toute façon, la polémique n'est même pas là. Ce que semblent reprocher plus ou moins sincèrement les pétitionnaires au livre, c'est sa supposée islamophobie et sa supposée contribution au choc des civilisations...

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Message Publié : 08 Mai 2008 17:02 
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Eginhard
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Inscription : 01 Déc 2007 12:34
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On peut se demander qu'elles eussent été les réactions de certaines personnes si un historien avait sorti un ouvrage concernant par exemple la supériorité culturelle, économique de la civilisation musulmane au cours du Bas Moyen-Age sur l'Occident chrétien.

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Message Publié : 08 Mai 2008 17:50 
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Philippe de Commines
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Artigas a écrit :
On peut se demander qu'elles eussent été les réactions de certaines personnes si un historien avait sorti un ouvrage concernant par exemple la supériorité culturelle, économique de la civilisation musulmane au cours du Bas Moyen-Age sur l'Occident chrétien.


Je me demande bien où vous voulez en venir avec cette interrogation, et quel rapport cela a avec notre sujet ?

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Message Publié : 08 Mai 2008 18:04 
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Hérodote
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Inscription : 06 Déc 2006 6:52
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Ce genre d'ouvrage existe : Le Soleil d'Allah brille sur l'Occident : Notre héritage arabe

Ce n'ai guère étonnant vu que c'est une opinion courante... A contrario si j'écrivais un livre sous-titré "la barbarie musulmane en terre sainte" je ne pense pas que ça passerais. Alors qu'un tel livre très connu existe sur le christianisme :
Les Croisades vues par les arabes

Comme quoi le relativisme à ces limites ...


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Message Publié : 08 Mai 2008 18:10 
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Philippe de Commines
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Inscription : 05 Jan 2008 16:29
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Histrion a écrit :


Oui, c'est l'ouvrage de Sigrid Hunke dont Gouguenheim parle en annexe.

wikipedia a écrit :
Sigrid Hunke (Kiel 26 avril 1913 - Hambourg15 juin 1999) était une femme écrivain de nationalité allemande surtout connue pour ses ouvrages sur les religions mais elle fut aussi une adepte du mysticisme nazi et du néo-paganisme.

Hunke rejoignit le "Germanistischer Wissenschafteinsatz", le département des sciences des SS, organisation créée par Heinrich Himmler pour exporter la germanisation à travers le nord de l'Europe. Elle dit de Adolf Hitler "C'est le meilleur modèle que l'histoire ait pu jamais offrir à l'Allemagne"

Hunke est aussi connue pour ses discours sur la supériorité des valeurs du monde musulman par rapport aux valeurs de l'occident. Elle explique dans son ouvrage "Le soleil d' Allah brille sur l'occident" (Allahs Sonne uberdem Abendland) que l'influence du monde arabe sur l'occident fut la première étape de la libéralisation de la chrétienté en Europe.

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