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Message Publié : 21 Déc 2022 1:42 
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Grégoire de Tours
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Duc de Raguse a écrit :
GustavedeBeaumont a écrit :
Il y a bien au moins un consensus: "l'extermination totale" de la citation choisie de Sémelin n'est pas un critère suffisant retenu pour définir un génocide.

Ce n'est pas la question d'un "consensus" qu'il faut évoquer ici, puisque vous inversez la chronologie et mélangez justement ce qui ne faut pas selon Sémelin. La définition politico-juridique du concept de génocide date de 1948 - celle qui ferait consensus selon vous, alors que ce n'est justement pas le cas pour ces auteurs -, ses critiques par les historiens, quant à elles, datent essentiellement des années 1990-2000. Bref, vous reprochez à ces auteurs de ne pas respecter la définition de l'ONU de 1948, alors qu'ils cherchent justement à la dépasser. C'est là inverser le sens de la réflexion.


Non Duc de Raguse, je n'ai pas écrit que "la définition de 1948 fait consensus", et je parlais aussi des historiens actuels, contemporains de Jacques Sémelin, car le débat historique ne s'est pas arrêté avec lui il y a une vingtaine d'années; il s'est poursuivi. J'ai écrit que, aujourd'hui encore, "l'extermination totale" de la citation choisie de Sémelin n'est pas un critère suffisant retenu pour définir un génocide. Vouliez-vous dire par cette citation que "l'extermination totale" est un critère nécessaire et/ou suffisant?

Duc de Raguse a écrit :
le concept juridique de génocide (...) bride nécessairement le travail de n'importe quel chercheur. En cela il est très proche d'un Pierre Nora ou d'un Vidal-Naquet

Je vous suis sur ce point, il peut le brider, mais pas nécessairement. Disons que c'est un piège à éviter, mais que l'on ne peut ignorer, et la question est inévitable et doit être posée dans certains cas. Pierre Nora a pu paraître ambigu sur les Arméniens: "Personne ne niera que les Arméniens ont subi les atrocités que l’on sait. Dans leur cas, on peut tout à fait parler de génocide ; mais on l’écrira avec plus de précautions, et on ne peut que regretter de le voir inscrit dans une loi." ." Que l'historien utilise des concepts juridiques, cela paraît logique et nécessaire. Par contre, l'inscription de l'histoire dans la loi me semble regrettable comme l'écrit Pierre Nora.


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Message Publié : 21 Déc 2022 2:22 
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Grégoire de Tours
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Un numéro de Mémoires en jeu est disponible en ligne, sur les génocides, au pluriel, "génocides oubliés":
https://www.pulaval.com/media/recension ... J-2020.pdf

L'usage du pluriel et le nombre de cas débattus peut heurter des sensibilités, notamment en utilisant une typologie qui rapproche la Shoah de tout autre massacre de masse. Dans ces débats, il semble que le terme de génocide appliqué à plusieurs massacres en des lieux et des époques diverses ne vise nullement à les mettre sur un pied d'égalité ou nier leur unicité et leur spécificité, mais à essayer de mieux comprendre la mécanique de ces catastrophes dans l'histoire humaine. Les Allemands qui gardaient les camps, les policiers aux basses besognes étaient des "hommes ordinaires" selon l'expression de Browning. La liste des articles expose ce qu'ont fait d'autres "hommes ordinaires".

La spécificité du nombre notamment de la Shoah, son énormité, a pu, comme le titre de la publication le suggère, faire "oublier" des cas moins étudiés, parfois impliquant les mêmes assassins. Par exemple les Tziganes, peu étudiés comparativement (le terme équivalent à Shoah est Porajmos, mais combien connaissent ce terme? J'avoue que je ne le connaissais pas). Le nombre de victimes n'est pas comparable, mais la notion de génocide est applicable. De même pour des populations peu nombreuses d'autres époques comme les Hereros et les Nama d'Afrique Australe. Les moyens ne sont jamais les mêmes, ni leur efficacité.

Le dossier débat aussi du meurtre de populations très importantes, en Chine, en Union soviétique, des populations autochtones des Amériques et d'Australie, et de génocides très contemporains (Srebrenica, et l'actuel débat sur les Rohingyas).


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Message Publié : 21 Déc 2022 10:08 
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GustavedeBeaumont a écrit :
J'ai écrit que, aujourd'hui encore, "l'extermination totale" de la citation choisie de Sémelin n'est pas un critère suffisant retenu pour définir un génocide. Vouliez-vous dire par cette citation que "l'extermination totale" est un critère nécessaire et/ou suffisant?

Non, d'autant plus que Sémelin ne retient pas ce terme comme critère, mais celui-ci : "processus global de destruction", dans le sens où il y a une intention et une planification, qu'on quitte en quelque sorte la notion de massacre traditionnel.
Il n'y a donc pas besoin d'une "extermination totale" pour qu'on emploie le terme.

GustavedeBeaumont a écrit :
Par contre, l'inscription de l'histoire dans la loi me semble regrettable comme l'écrit Pierre Nora.

Et pourtant foule de sociétés y recourent depuis une bonne trentaine d'années et invoquent ensuite cette loi pour expliquer qu'il y a bien eu génocide, que c'est ainsi et qu'il est désormais interdit de prétendre l'inverse.

GustavedeBeaumont a écrit :
Un numéro de Mémoires en jeu est disponible en ligne, sur les génocides, au pluriel, "génocides oubliés"

Il est simplement regrettable que les articles ne soient pas consultables, d'autant plus que pratiquement chaque titre questionne l'emploi du terme de génocide à ces massacres...
Quant aux Hereros et aux Namas, ces massacres ne semblent pas constituer un génocide. Aucun "processus global de destruction" n'est présent. C'est un militaire, qui se charge de massacrer ces populations, après que des colons allemands aient été également massacrés. Certes, les chiffres sont totalement disproportionnés entre les morts autochtones et européens et von Trotha emploie des méthodes de boucher (reprenant les camps de concentration "trouvés" par les Anglais quelques années plus tôt), mais il ne semble pas vouloir détruire ces peuples comme ethnies, mais bien obtenir leur soumission et/ou leur départ des terres à coloniser.
De toute manière dès que ses procédés sont connus en Europe il est rappelé par Berlin et les massacres cessent.
Que l'Allemagne soit par souci de repentance, soit par volonté de se développer économiquement dans le secteur, soit les deux, décide de reconnaitre ces massacres comme un génocide en 2021 est une chose, qu'il en soit un véritablement en est une autre.
Et face à l'inflation galopante de ces "génocides", il est normal que des auteurs tentent de faire la part des choses.
Car encore une fois, j'attends avec impatience que les descendants de la cité de Sparte - si on en trouve - demandent pardon d'avoir rasé la cité de Platées pendant la guerre du Péloponnèse, car cela constitue finalement aux yeux des humains de la fin du XXème siècle que nous sommes un "génocide" (terme qui n'existait bien entendu pas à l'époque).
Ainsi, l'historien est donc amené à devoir classer, ordonner, mettre en balance tout cela, même s'il doit entrer dans des décomptes macabres et autres études de procédés inhumains et affirmer au final que ce massacre ne "vaut" pas celui-là.

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Message Publié : 21 Déc 2022 16:41 
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J'ai relu le sujet...

En fait, quand on créé un mot nouveau c'est souvent pour une utilisation précise. Je prends un exemple, choisi exprès en-dehors du sujet de la discussion actuelle : Résilience. A l'origine ce terme ne s'utilisait qu'en résistance des matériaux et décrivait la capacité des matériaux à résister à un choc, le fait de rebondir : résilience en Résistance des Matériaux. Il se trouve que suite à certains travaux, des psychologues ont décidé d'utiliser ce mot : Résilience en psychologie. Finalement, il a été utilisé pour tout un tas d'usages, et il a tendance à devenir un mot-valise : Jeux de mots - 3 - La Résilience.

Je trouve ce dernier texte admirable et qui nous rappelle une évidence : "Les mots ont un sens et une histoire."

Quand on lit le fil de discussion sur les génocides au XXe siècle, on est frappé par le fait que certains font un bel amalgame entre au moins 3 définitions différentes du mot génocide. Il faudrait donc décider de quoi on parle, ce serait la moindre des choses.

Alors, comme l'ont rappelé plusieurs intervenants, le mot "génocide" est un mot introduit dans le domaine juridique pour juger spécifiquement un type de crimes qui n'était pas bien pris en compte par les instances juridiques internationales. L'un des points importants est que ce type de crimes n'est pas prescriptible. Le but est clair : envoyer un message à ceux qui ne respectent pas l'ordre du monde en leur disant que les instances internationales leur feront payer tôt ou tard leurs forfaits. L'un des buts de la création du crime de génocide était bien de faire en sorte que ce qui s'était passé en Europe sous la domination des nazis ne puisse plus jamais avoir lieu. Bref, pour les juristes qui ont œuvré à l'élaboration de ce concept, il n'était pas question de fouiller dans le passé pour accoler ce terme à des évènements prescrits. Donc, première définition, c'est un terme du domaine juridique international.

Mais, voilà, pour diverses raisons, des nations, des groupes humains ont cherché à s'approprier ce terme, à tort ou a raison. Souvent pour construire une identité nationale en désignant un ennemi commun qui aurait cherché à les détruire. Dans ces pays, dans ces groupes, il y a eu des intellectuels, dont des historiens qui ont œuvrer pour construire des argumentations en vue d'une éventuelle reconnaissance politique de ces génocides passés. On est donc dans le domaine, soit politique, soit sociologique. Parfois, on ne pouvait pas coller à la définition de 1948, mais malgré cela, pour diverses raisons, certains de ces massacres ont été reconnus par une partie plus ou moins importante de la communauté internationale comme pouvant relever du terme génocide.

Les historiens se sont donc retrouvés confrontés à ces demandes de reconnaissances et ce terme est devenu un terme historique. Mais, si on se base strictement sur la définition juridique, il y a des génocides reconnus par la communauté internationale qui n'en seraient pas. Si on se base sur la reconnaissance internationale, la définition de 1948 devrait être adaptée. Surtout que l'on reconnait que seuls les États modernes sont capables d'avoir un contrôle suffisant sur les populations pour que les tentatives de génocides deviennent des réalités. Bref, si dans un certain passé certains groupes humains ont effectivement massacrés des membres d'autres groupes humains chaque fois qu'ils en avaient l'occasion, on ne peut pas qualifier cela de "génocide" au titre de la déifinition de 1948.

Sans oublier que pour une partie du grand public, le terme "génocide" tend parfois à prendre la place du terme "massacre de masse". Un génocide est souvent composé d'un ou plusieurs massacre(s) de masse, mais tous les massacres de masse ne sont pas des génocides. Ni même génocidaires.

J'ai l'impression que certains ne sont comprennent pas car ils font l'amalgame entre ces diverses notions. Or, la situation actuelle est telle qu'il ne pourra jamais y avoir accord entre la notion juridique de génocides, la notion identitaire ou revendicatrice et la notion historique, sans compter la notion médiatique...

J'aurais tendance à dire que si on veut un dialogue constructif, il va falloir décider de définir de quoi on discute...

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Message Publié : 21 Déc 2022 17:12 
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Narduccio a écrit :

J'aurais tendance à dire que si on veut un dialogue constructif, il va falloir décider de définir de quoi on discute...

J'ai une question associée : est-ce que l'ONU s'en tient à la définition légale de 1948 pour désigner un génocide ?

Merci pour ton exposé limpide, l'exemple du mot "résilience" est intéressant.

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Message Publié : 21 Déc 2022 17:13 
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Très drôle la métaphore Narduccio... :wink:
Mais ces termes, parasites et souvent constituant des barbarismes dans la langue française (il y a aussi la "priorisation", "impacter", ou autre "en responsabilité"), utilisés actuellement dans les discours publics ou autres écrits rapidement rédigés n'importe comment peuvent être remplacés facilement - et heureusement - par un synonyme. Au passage, au regard de la planification industrielle et "scientifique" du génocide juif lors de la Seconde Guerre mondiale (ou celui des Tutsis au Rwanda), le concept de génocide ne me semble pas devoir être généralisé à tout et n'importe quoi et qu'il puisse exister vraiment de synonyme - je sais, je radote et me répète sans arrêt... :oops:

Ici, le meilleur "synonyme" - sans tomber sur le "processus global de destruction" - semble être le "massacre (ou le crime) de masse" et c'est pourquoi j'ai cité Sémelin - j'aurais pu prendre un autre auteur, mais c'est lui qui a poussé le premier et le plus loin l'analyse, créant ainsi un précédent - plus haut, afin de tenter d'entrer dans une véritable tentative de réflexion sur ce sujet.
Je ne prétends pas que sa grille de lecture est meilleure, mais en tout cas elle permet de graduer, de sérier, d'ordonner quelque peu ces douloureux événements sans qu'on tombe inlassablement, pour qualifier un massacre, sur le trop courant "c'est un génocide !", surtout lorsqu'un contexte géopolitique et/ou juridique tend à fixer une norme de valeur. Il en va de la liberté des chercheurs et, plus largement, de la Connaissance.

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Message Publié : 21 Déc 2022 17:45 
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Pierma a écrit :
Narduccio a écrit :
J'aurais tendance à dire que si on veut un dialogue constructif, il va falloir décider de définir de quoi on discute...

J'ai une question associée : est-ce que l'ONU s'en tient à la définition légale de 1948 pour désigner un génocide ?


Dans quel contexte ? Si c'est en séance plénière, c'est le nombre de votant qui détermine s'il s'agit ou pas d'un génocide. Si demain, par inadvertance, les nations décidaient qu'il faut nommer à nouveau un tribunal pour traiter un cas spécifique, il devrait y avoir des discussions assez importantes entre les juristes et les représentants des divers pays qui siègent à l'ONU. Le choix le plus logique serait de respecter la définition de 1948 et ensuite de mener le procès...

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Message Publié : 21 Déc 2022 19:41 
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Narduccio a écrit :
Si c'est en séance plénière, c'est le nombre de votant qui détermine s'il s'agit ou pas d'un génocide.

C'est ce que je craignais. ça ouvre la porte à toutes les âneries, et pas seulement sur ce sujet. C'est dommage alors qu'il existe une définition légale universelle depuis 1948.

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Message Publié : 22 Déc 2022 11:45 
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Jean Froissart
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Pierma a écrit :
C'est ce que je craignais. ça ouvre la porte à toutes les âneries, et pas seulement sur ce sujet. C'est dommage alors qu'il existe une définition légale universelle depuis 1948.

Pas "toutes les âneries" Pierma mais il faudra forcément entrer dans un décompte de détails macabres. Ce décompte obligera les esprits à sans doute initier des classifications (type I, II etc.).
A ce moment, nous déplaçons l'essentiel pour devenir comptables. Ce même côté "comptable" désincarné qui a été reproché aux pires bourreaux.
On enrobera des calculs d'apothicaire sous le parapluie de la "bonne cause" et ceci sera une classement de plus parce-que ce "dossier" sera clos.
Il n'y aura donc pas/plus, au niveau de chacun, de questionnement(s) comme à chaque fois qu'un mot est trouvé pour servir de niche. Chacun y perdra en réflexion, en évocation, en constat, bref tout ce qui rappelle ce qui a été.
Je ne crois pas -Narduccio l'évoquait- au côté "dissuasif" du mot. Les personnes initiant ces catastrophes ne sont pas/plus dans une logique où le mot "génocide, génocidaire" représente quoi que ce soit.
Le devoir/la volonté d'atteindre un but -fixé en amont- a remplacé toute réflexion chez les personnes sur le terrain ; certains y verront même de leur honneur dans l'exécution.
.

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Message Publié : 22 Déc 2022 14:41 
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Localisation : Alsace, Zillisheim
Rebecca West a écrit :
Pierma a écrit :
C'est ce que je craignais. ça ouvre la porte à toutes les âneries, et pas seulement sur ce sujet. C'est dommage alors qu'il existe une définition légale universelle depuis 1948.

Pas "toutes les âneries" Pierma mais il faudra forcément entrer dans un décompte de détails macabres. Ce décompte obligera les esprits à sans doute initier des classifications (type I, II etc.).
A ce moment, nous déplaçons l'essentiel pour devenir comptables. Ce même côté "comptable" désincarné qui a été reproché aux pires bourreaux.
On enrobera des calculs d'apothicaire sous le parapluie de la "bonne cause" et ceci sera une classement de plus parce-que ce "dossier" sera clos.
Il n'y aura donc pas/plus, au niveau de chacun, de questionnement(s) comme à chaque fois qu'un mot est trouvé pour servir de niche. Chacun y perdra en réflexion, en évocation, en constat, bref tout ce qui rappelle ce qui a été.
Je ne crois pas -Narduccio l'évoquait- au côté "dissuasif" du mot. Les personnes initiant ces catastrophes ne sont pas/plus dans une logique où le mot "génocide, génocidaire" représente quoi que ce soit.
Le devoir/la volonté d'atteindre un but -fixé en amont- a remplacé toute réflexion chez les personnes sur le terrain ; certains y verront même de leur honneur dans l'exécution.
.


Actuellement, il y a un "gardien du temple" : Israël qui pousse des hauts cris chaque fois que le terme tend à devenir galvaudé. Il est secondé par les associations des autres victimes de génocides, comme les associations de tsiganes ... Israël "colle" a la définition de 1948, même si certains israéliens aimeraient que ce terme soit réservé au seul cas nazi. De l'autre coté, il y a toutes la nations qui ont subit des avatars au cours de l'histoire, plus ou moins récente. Par défaut, on peut dire que le terme de génocide ne peut pas correspondre aux divers systèmes esclavagistes qui ont existé par le passé, quelque fut pour les sociétés victimes de ces agissements les conséquences déstabilisatrices qu'elles en ont subit.

On voit dans les discussions qui portent sur les génocides que des gens entrent déjà dans des arguties visant à ce que leur cas particulier corresponde, de près ou de loin à la définition. On voit aussi que suite à des votes dans diverses instances, malgré la définition de 1948, des nations ou des organismes reconnaissent tel ou tel massacre en tant que "génocide". Ce qui permet parfois de faire bénéficier ces massacres du bénéfice des lois mémorielles.

Sur le plan juridique, c'est plus compliqué car, à ma connaissance, aucun cas ne s'est retrouvé devant une juridiction internationale qui aurait pu faire, ou pas, un rappel aux fondements des traités concernés. ... En fait, je viens de vérifier, et il y a bien eu des cas où la CEDH a traité de tels cas, en voici un : Génocide arménien : la CEDH donne raison à un négationniste turc.

D'ailleurs, le titre de l'article pourrait être sujet à caution, puisque la CEDH semble dire que nier le génocide arménien n'est pas un négationnisme de génocide... Mais, dans le même temps :
Citer :
La Cour ne s'était pas pour autant prononcée sur l'ampleur des massacres subis par les Arméniens en 1915 ni sur l'opportunité de qualifier ces faits de «génocide».

La Presse : La négation du génocide arménien devant la CEDH.

Voici ce qu'en dit un juriste :
Citer :
Dans ce cas, en quoi le discours de Dogu Perinçek, qui nie le génocide, est-il jugé "acceptable" ?

La CEDH part du principe que le négationnisme n'est pas, en soi, un discours prohibé, que nier un fait historique ne sort pas des limites acceptables de la liberté d'expression. Évidemment, il y a des exceptions, en cas d'appel à la violence, à la haine ou à l'intolérance. Mais les propos de cet homme politique, aussi incisifs soient-ils, n'ont pas été jugés assez violents pour relever de tels cas

La CEDH a aussi tenu compte du contexte du pays où la sanction a été prononcée. Elle juge que la Suisse n'a pas de liens historiques, géographiques et humains assez forts avec le génocide arménien pour justifier de pénaliser sa négation. Même la présence d'une communauté arménienne en Suisse n'a pas suffi.

Est-ce sur ce point qu'il y a une distinction entre le génocide arménien et la Shoah aux yeux de la Cour ?

La CEDH le dit explicitement : dans des États qui ont connu les horreurs nazies - comme la Belgique, la France ou l'Allemagne -, la négation de l'existence de la Shoah peut être sanctionnée, compte tenu de la forte sensibilité de cet évènement historique. Dès lors, dans ces pays, de tels propos sont toujours présumés haineux et antisémites. Mais tout dépend du contexte particulier d'un État. Ainsi, en Arménie ou en Turquie, les propos niant le génocide arménien pourraient en soi être interdits. Mais ce n'est pas le cas en Suisse.

Négation du génocide arménien : quelles conséquences après la décision de la Cour européenne des droits de l'homme ?

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Message Publié : 22 Déc 2022 19:57 
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Jean Froissart
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Merci pour vos liens.

Il y a quelques années, le journal "Le Monde" a sorti de petits livres faits d'une compilation d'articles de ce journal concernant tel ou tel personnage politique passé dans l'histoire.
Ces petits livres sont présentés comme une courte biographie. L'un des sujets est Staline.
P. 35 est un chapitre qui traite de "Vingt ans d'industrialisation à marche forcée" (Le Monde - 26 février 2003 "Construire la société socialiste. Industrialisation et collectivisation à marche forcée").
C'est le seul chapitre qui traite des grandes catastrophes lors "d'objectifs déraisonnables" (1).
Nulle place pour mot holodomor. On ne le retrouvera pas plus postérieurement.

[Récit :
... Le processus sera conduit, à marche forcée, sur la base des objectifs toujours surestimés d'une "planification volontariste". Enterrée "l'alliance des paysans et des ouvriers", un des principes de Lénine...
Objectifs déraisonnables :
... Le "socialisme dans un seul pays" ne doit compter que sur ses propres forces. Le premier plan quinquennal, ... traduit dans ses les axes de la NEP. Staline corrige lui-même les données initiales pour déterminer les objectifs au-delà du raisonnable. ...
Faute d'avoir rallié la paysannerie moyenne, le pouvoir déclenche un mouvement de collectivisation "total". Objectif : intégrer dès la fin du premier plan quinquennal 95% des foyers paysans dans les structures collectivisées (kolkhozes et sovkhozes) au lieu de 4% en 1929. Le résultat est désastreux. La vague de terreur qui s'abat sur les campagnes se traduit pas l'élimination des paysans "réfractaires" et la déportation de millions de personnes des zones fertiles vers des camps en Sibérie, dans l'Oural et au Kazakhstan, où elles servent de main d'oeuvre d'appoint dans les complexes industriels.
...]
(1) les guillemets présents dans la citation sont à l'identique du/des texte(s) proposés.

Nous sommes en 2003.
Quelle(s) conclusion(s) en tirer ?
Que ceux qui se sont attardés à lire cet article connaissent les tenants et aboutissants du déraisonnable des objectifs ? Un doute m'étreint...
Que dans l'interrogation, illico le sujet sera creusé par le lecteur ? Le doute m'étreint plus encore...

Les lois n'ont pas vocation à ce travail. On ne peut attendre de diverses structures ou instances qu'elles suscitent l'interrogation dans les esprits.
La législation (que l'on peut toujours contourner) ne peut apporter l'essentiel : la transmission, l'explication, la maturation et toute ouverture à une pédagogie adaptée (le temps de certains n'est pas celui du voisin).
.

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Message Publié : 21 Fév 2024 15:53 
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Duc de Raguse a écrit :
La définition fut donc révisée par des auteurs comme H. Stein au début des années 1990 :
" Le génocide est l'action délibérée et prolongée visant à détruire une collectivité directement ou indirectement, par l'interdiction de la reproduction biologique et sociale de membres d'un groupe, perpétrée sans se soucier de la soumission ou de l'acte de menace présentés par les victimes"[/i].



Cette référence m'intéresse beaucoup, pourriez-vous me l'indiquer s'il vous plaît ?

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Message Publié : 21 Fév 2024 20:02 
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Bonne question... j'ai dû oublier de noter la référence précise il y a douze ans et je ne me souviens malheureusement pas dans quel ouvrage j'avais lu cela (peut-être dans le collectif Historiographies : Concepts et débats, 2010).

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Message Publié : 21 Fév 2024 20:05 
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Pas de souci, c'est moi qui arrive après la bataille...
Je vous remercie pour cette piste. Je finirai bien par trouver !

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Message Publié : 21 Fév 2024 21:37 
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Duc de Raguse a écrit :
Bonne question... j'ai dû oublier de noter la référence précise il y a douze ans et je ne me souviens malheureusement pas dans quel ouvrage j'avais lu cela (peut-être dans le collectif Historiographies : Concepts et débats, 2010).


Après avoir prospecté, j'ai trouvé une référence ressemblant à celle que vous avez cité : une certaine Helen Fein, dans un ouvrage paru dans les années 1980.

Voici le titre complet : Helen Fein, « Scenarios of Genocide: Mode! of Genocide and Critical responses », dans Kurt, Jonasshon, (dir.), Toward the understanding and Prevention of Genocide: Proceedings of the International Conference on the Holocaust and Genocideby Israel W Charny, (1986)

Je l'ai trouvée en note de bas de page de ce mémoire : https://archipel.uqam.ca/5942/1/M13237.pdf
à la page 43. L'auteur du mémoire en question indique en effet qu'elle propose un élargissement de la définition de génocide aux groupes politiques et culturels, conformément à ce que vous avez écrit dans la discussion.

Voilà :mrgreen: !

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La vie est variable aussi bien que l'Euripe - Apollinaire


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