Je souhaite rebondir sur les remarques nuancées de supertomate.
Cette discussion faisant suite à une légère polémique ayant eu lieu sur la discussion concernant les Héréros, il serait bon d'être certain de quoi on parle avant d'observer des pugilats se former par ignorance avant tout.
Le concept de génocide est un concept intialement issu du droit et plus particulièrement du droit pénal - au même titre que le crime contre l'humanité, juste après la Seconde Guerre mondiale et la Shoah.
Il a été adopté définitivement en 1948 par l'ONU. Je ne vais pas réécrire cette définition que l'on peut trouver dans la discussion sur les Héréros.
Ce
concept juridique - avec ses externalisations dans des tribunaux du type CPI - provoque depuis les années 1960 des travaux d'historiens et de philosophes quant à son utilisation dans les publications académiques.
C'est-à-dire qu'ils se sont emparés de cette définition parfois pour le moins gênante pour un historien lorsqu'il doit l'utiliser avant le XXème siècle.
Tout un courant historiographique international (surtout anglo-saxon, comme chez un Levene) s'est intéressé à la question même de la définition du concept juridique de génocide et de l'opportunité de son emploi dans des travaux historiques antérieurs à la Shoah dès les années 1960. Les lacunes dans la définition même du concept (juridique, encore une fois) de génocide donnèrent ainsi lieu à des récupérations plus ou moins contestables d'un Nolte sur sa banalisation et la relativisation du génocide juif dans la période contemporaine.
La définition fut donc révisée par des auteurs comme H. Stein au début des années 1990 :
" Le génocide est l'action délibérée et prolongée visant à détruire une collectivité directement ou indirectement, par l'interdiction de la reproduction biologique et sociale de membres d'un groupe, perpétrée sans se soucier de la soumission ou de l'acte de menace présentés par les victimes"D'autres auteurs - comme J. Sémelin en 2005 - refusent qu'un historien puisse reprendre dans des travaux académiques un terme juridique aussi ténu, produit par des négociations et compromis politiques de représentants d'Etats-nations au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Celui-ci préfère d'ailleurs le terme de "massacres" que l'utilisation - devenue galvaudée - du concept de génocide, placé à toutes les sauces.
Ainsi donc, non seulement ce
concept juridique me semble insuffisant pour appréhender l'Histoire dans sa diversité, mais en plus il permet des comparaisons hasardeuses qui n'ont aucun sens en Histoire. D'autant plus, qu'en tirant ce mauvais fil d'Ariane, certains se sont déjà mis à expliquer que les Cimbres auraient été "génocidés" dans l'Antiquité...
Quant au fait de plaquer des définitions juridiques pénales contemporaines sur des situations passées des siècles auparavant, c'est faire preuve d'anachronisme, ce qui pour l'historien est critiquable dans les fondements même de ses tentatives à appréhender des sociétés humaines passées. Par ailleurs, un historien devrait éviter, à mon sens, de prendre une norme juridique "vingtièmiste" pour
juger qui fut "génocidaire" dans l'histoire. L'historien n'a pas vocation à être un juge.
Quant à l'affirmation aussi faussement docte que stupide "un génocide reste un génocide", elle ne semble pas tenir compte de l'évolution des idées et des mentalités au sein d'une société, tout comme les réponses pénales qu'elle apporte face à certains comportements de ses semblables, qui peuvent varier au cours du temps.
Il me semble qu'avant de poursuivre ce "hit parade" aussi glauque que grotesque, il serait bon de s'arrêter un instant et prendre le temps de définir de quoi on parle
exactement.