L’histoire anthropométrique est un outil supplémentaire pour comprendre l'histoire des humains. Un livre, sorti en 2011 recense les avantages d'une telle étude :
Laurent Heyberger -L'histoire-anthropométriqueCiter :
En prenant la stature moyenne comme un indice de nutrition nette, l’histoire anthropométrique permet d’accéder, d’une manière nouvelle, à la reconstitution des niveaux de vie, dans la longue durée. Après avoir testé en 2003 ce mode d’approche sur la courte durée (fin du XVIIIe siècle) et une seule région (l’Alsace), Laurent Heyberger l’a étendue sur une longue durée (fin du XVIIIe siècle à 1940) dans une autre région (Limousin) avant de le faire sur la France entière en 2005. Des articles successifs lui permettent ensuite de théoriser un certain nombre de ses constats avant de se lancer dans deux présentations synthétiques des acquis de l’histoire anthropométrique : française d’abord, en 2009, mondiale ensuite en 2011. C’est ce dernier opus auquel nous avons affaire ici.
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Ce dont peut-être nous sommes le plus redevable à cet ouvrage, c’est – outre sa richesse en données – qu’il sait rester prudent. Plus précisément, il fait preuve d’une double posture bienvenue. Certes, au motif que « il est désormais solidement acquis que la stature moyenne n’a rien d’anecdotique et que la taille moyenne est un indice social et non génétique » (p. 143), l’auteur milite explicitement pour le développement en France de recherches qui, après avoir connu un premier essor dans les pays anglophones dans les années 70, se sont surtout épanouies là, à partir du début des années 90, quand les historiens anglo-saxons baptisèrent « niveau de vie biologique » la stature et les autres indices démographiques (mortalité) susceptibles d’être utilisés en histoire économique, et que l’ONU adopta le principe d’un « indice de développement humain » (l’IDH) en 1990 (p. 4).
Mais l’auteur reste sur une ligne de crête : la stature aurait avant tout des déterminants socio-économiques d’une part, et d’autre part l’histoire anthropométrique a vocation à contribuer à nous renseigner sur ces conditions de vie en sociétés avec les inégalités dont elles sont porteuses : il s’inscrit dans des sciences restées sociales, donc. Les travaux visant avant tout à inverser la causalité – c’est-à-dire ceux qui s’intéressent essentiellement aux effets de la stature : sur le marché matrimonial, l’emploi, voire la santé ou la productivité - « énoncés discutables et discutés », ne sont rappelés que « dans un souci d’exhaustivité » (p. 21). Par ailleurs l’histoire anthropométrique est présentée à plusieurs reprises comme un indice destiné non à se substituer aux autres, mais à compléter et nuancer leurs apports. Et surtout, les contradictions et les données inexpliquées relevées dans les acquis de l’histoire anthropométrique sont consciencieusement relevées. Or elles sont très nombreuses et ce n’est pas la moindre surprise que nous réserve ce livre. C’est ce mélange d’enthousiasme, d’exhaustivité et de prudence qui permettent à l’auteur d’attendre son but : montrer que « cette méthode d’enquête historique qui n’est pas à proprement parler une discipline (…) reste toutefois trop peu connue en France » (p.143).