La théorie du protestantisme, c'est celle de Max Weber, déjà ancienne. Mais selon moi, elle ne tient pas la route : la banque, la bourse et les embryons du capitalisme existent déjà au Moyen Âge chez les Catholiques lombards, ou Génois. De plus, ce qui décolle en premier, ce n'est pas l'Allemagne protestante, mais l'Angleterre, dont les spécificités sont grandes.
Expliquer le développement d'une civilisation est déjà difficile, et fait tomber rapidement dans le raisonnement téléologique. L'expliquer avec une religion l'est encore plus, car une religion se modifie - sans jamais l'avouer
- au fil du temps.
Ainsi, pour le protestantisme, on peut se demander si la religion n'a pas glorifié l'enrichissement simplement parce que les catégories sociales qui l'ont adopté en Angleterre étaient en voie d'enrichissement rapide.
Avec le christianisme en général, il suffit de constater que jusqu'au Moyen Âge, il y a finalement peu de différences entre l'empire byzantin et le monde arabo-musulman pour conclure que la religion n'est pas un facteur déterminant.
Barbetorte a écrit :
La concurrence : cette notion n'existait-elle pas chez les Arabes et les Turcs qui s'y connaissaient en commerce au moins autant que les Européens ?
Les Arabe, grands organisateurs de caravanes, savaient s'organiser pour le commerce au long cours sur les Routes de la Soie, et s'étaient dotés d'outils déjà capitalistes pour mettre en commun l'investissement et partager les risques des expéditions. Les seigneurs locaux connaissaient l'importance du commerce et entretenaient les routes commerciales en fournissant un abri aux voyageurs dans les caravanserails.
Citer :
La science : il s'agit plutôt des progrès techniques que de la science proprement dite. Quoiqu'il en soit, en 1492, la Chine, dans l'ensemble, était en avance. Ce n'est que dans le courant du dix-huitième siècle que le rapport s'inverse.
Autant la circulation du savoir est souvent plus grande en Orient qu'en Occident, car elle bénéficie des routes commerciales, on constate des progrès rapides en Occident sur le plan technique. Ici, c'est surtout la géographie qui prime : du bois à profusion et des fleuves aux rives aménageables permettent de naviguer, de construire des moulins à aubes, et donc de lancer un embryon d'industrialisation.
Là-dessus, un facteur dû peut-être au christianisme s'est rajouté, j'en parle en fin de message.
Citer :
le droit de propriété : à ma connaissance la notion de droit de propriété est très similaire dans les sociétés chrétiennes et islamiques.
Et dans les deux cas, il est dérivé du droit romain.
Citer :
médecine : c'est plutôt le point faible de l'Europe, très en retard au moins jusqu'au milieu du dix-huitième siècle par rapport aux Arabes et aux Chinois.
Oui, mais il convient de relativiser : l'efficacité de toute médecine avant les bonds en avant des XVIIIe, XIXe siècle (circulation du sang, microbiologie, vaccination, antisepsie) est dans l'ensemble extrêmement limitée, et demeure au niveau de Diafoirus (
"un lavement et une saignée !")
Citer :
la société de consommation : il y avait une bourgeoisie arabe et une bourgeoisie turque tout aussi avide de consommer que la bourgeoisie européenne.
Tout-à-fait. Qui plus est, les cités arabes et turques, à commencer par Baghdad et Istambul, étaient autrement plus peuplés que beaucoup de villes européennes. De plus, ce n'est pas tant la bourgeoisie qui consomme que la noblesse et les hauts fonctionnaires.
Citer :
éthique du travail : à partir de la révolution industrielle, peut-être. Avant, je ne vois pas.
Ici encore, on sent le relent de Max Weber et son protestantisme à la "Travailler plus pour gagner plus".
Toutefois, un autre facteur très proche peut selon moi avoir joué : l'abolition de l'esclavage dans l'Europe occidentale médiévale. Ici, il semble que le christianisme a bien joué, même si c'est basé sur une interprétation très locale. Dans l'Orient byzantin ou slave, la religion s'accomode très bien de l'esclavage.
Même si l'esclavage se perpétue par bien des aspects dans le servage, celui-ci est limité à la production agricole et l'entretien des voiries. Par contre, pour les travaux exceptionnels, tels que la construction des cathédrales, le recours à des travailleurs volontaires et salariés était indispensable. De la sorte, bien que la population du Beau Moyen Âge augmente, les bâtisseurs sont toujours en pénurie de main d'œuvre, et ont de plus en plus recours à la machine (outils de levage, etc.) pour monter des projets. Peut-être est-ce là un facteur de décollage ?