Jerôme a écrit :
Je crois qu'il faut éviter l'idéologie et partir de concepts précis : une langue a une littérature, un patois n'en a pas. Le fait que les classes sociales subalternes emploient une forme simplifiée de la langue littéraire est une fréquente réalité à Rome et ailleurs.
Le phénomène majeure de l'évolution des langues latines serait sans doute leur créolisation : conservation approximative du lexique mais abandon quasi complet de la grammaire classique.
Il y a une autre phénomène : la grammaire des langues romanes occidentales est très comparable entre elles. Alors que le Roumain est plus archaïque, notamment parce qu'il a conservé des déclinaisons. Mais le Roumain va connaître une forte pénétration de son lexique par des langues non latines (langues slaves, grec, turc ...).
Une langue ne se définit pas par son écriture. Il n'y a pas d'un côté des langues avec une littérature et de l'autre des patois sans littérature. Il n'y a que des langues au moyen desquelles des groupes humains se transmettent leur culture, que ce soit oralement ou sous la forme écrite, peu importe. Il faut se rappeler qu'à l'origine l'Iliade n'était pas écrite mais chantée par les aèdes. En France, jusqu'au milieu du siècle dernier, comme il n'y avait pas encore la télé, on se réunissait pour causer, en patois, et écouter des histoires. Certaines personnes avaient un talent de conteur et transmettaient une véritable culture populaire. C'est cette culture populaire qu'a recueillie Charles Perrault, les frères Grimm et, plus récemment, les membres du Félibrige.
Il n'est pas du tout sûr que les classes sociales subalternes emploient une forme simplifiée de la langue officielle employée par l'élite. Marcel Proust, dans sa
Recherche du temps perdu fait dire au narrateur que c'est la servante, Françoise, qui lui a appris que le
n du nom de la province
Béarn ne se prononçait pas et fait cette réflexion que c'est parfois dans le peuple qu'il faut chercher le bon usage de la langue. Quand je lis ou j'entends le jargon des technocrates, ceux de l'Education Nationale sont très forts, et quand j'écoute des français moyens qui savent bien parler, il y en a, je suis bien de l'avis de Proust.
Plusieurs facteurs ont donné naissance aux langues actuelles sur le territoire de l'ancien empire romain. Il y a tout d'abord le temps. Toute langue évolue. Pour s'en rendre compte, il suffit de lire Rabelais : heureusement que les éditions modernes sont annotées par des spécialistes. Il y a ensuite l'espace : l'évolution n'est pas homogène. Enfin il y a eu le contact avec les autres langues lors des grandes migrations.
De toutes les langues romanes, je ne suis pas sûr que ce soit le roumain qui ait subi le plus d'influences extérieures. Je pense plutôt que la moins romane des langues romanes est le français, très germanisé : les Francs étaient des Germains.