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 Sujet du message : Re: Le mythe d'Eylau
Message Publié : 23 Déc 2016 21:02 
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Jerôme a écrit :
Que font les cadavres nus au premier plan? S'agit il d'une allusion aux héros antiques ? Autre chose (homosexualité ?) ?


Comme il a été dit, il peut s'agir d'une évocation de cadavres ou blessés dépouillés par les vivants.
Ainsi, Marbot (Mémoires), à Eylau, a été victime des maraudeurs :
"Lorsque je repris mes sens, voici l'horrible position dans laquelle je me trouvais : j'étais complètement nu, n'ayant plus que mon chapeau et ma botte droite."

Il ne faut pas non plus oublier qu'il s'agit d'une oeuvre d'art, où il peut plaire à l'artiste d'unir l'horreur au beau.

Loin d'une recherche esthétique, le témoignage de Paulin (Souvenirs) :
"Les rues [d'Eylau] étaient littéralement pavées de cadavres et de lambeaux humains à moitié enfoncés dans la boue, écrasés par le passage continuel des canons, des cavaliers, et piétinés par les masses d'infanterie. Les plaies vertes, triangulaires des coups de baïonnette ; les corps bleuis, gonflés, broyés, tout cela aurait fait hérisser les cheveux sur la tête des plus insensibles."

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 Sujet du message : Re: Le mythe d'Eylau
Message Publié : 23 Déc 2016 22:06 
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Hugues de Hador a écrit :
- Parmi les hommes à terre au premier plan, on y voit un homme en turban avec une cravache de type oriental, est-ce possible ?


Une évocation d'un Mamelouk de la Garde ou bien d'un irrégulier russe ?
Dans la toile que Roehn consacra à Eylau, il y a aussi un enturbanné parmi les blessés :
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 Sujet du message : Re: Le mythe d'Eylau
Message Publié : 23 Déc 2016 22:30 
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Hugues de Hador a écrit :
- Ne serait-ce pas des cadavres que l'on a dépouillés et que l'on va mettre dans une fosse commune ??


Hougoumont :
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 Sujet du message : Re: Le mythe d'Eylau
Message Publié : 24 Déc 2016 7:24 
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Toujours à Waterloo, nombreux cadavres dénudés sur ce détail de l'oeuvre de John Heaviside Clark consacrée au lendemain de la bataille :
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 Sujet du message : Re: Le mythe d'Eylau
Message Publié : 24 Déc 2016 10:35 
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Un autre exemple tiré du tableau consacré à la bataille de Marengo peint par Lejeune et présenté au Salon de 1801 :
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Scène qui n’est pas sans rappeler celle dite du chien de Bassano :
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L’anecdote est contée en ces termes dans le Mémorial :
« C’était par un beau clair de lune et dans la solitude profonde de la nuit ; tout à coup un chien, sortant de dessous les vêtements d’un cadavre, s’élança sur nous et retourna presque aussitôt à son gîte, en poussant des cris douloureux ; il léchait tour à tour le visage de son maître, et se lançait de nouveau sur nous ; c’était tout à la fois demander du secours et rechercher la vengeance. Soit disposition du moment, soit le lieu, l’heure, le temps, l’acte en lui-même, ou je ne sais quoi, toujours est-il vrai que jamais rien, sur aucun de mes champs de bataille, ne me causa une impression pareille. Je m’arrêtai involontairement à contempler ce spectacle. Cet homme, me disais-je, a peut-être des amis ; il en a peut-être dans le camp, dans sa compagnie, et il gît ici abandonné de tous excepté de son chien ! Quelle leçon la nature nous donnait par l’intermédiaire d’un animal !
Ce qu’est l’homme ! et quel n’est pas le mystère de ses impressions ! J’avais sans émotion ordonné des batailles qui devaient décider du sort de l’armée ; j’avais vu d’un oeil sec exécuter des mouvements qui amenaient la perte d’un grand nombre d’entre nous ; et ici je me sentais ému, j’étais remué par les cris et la douleur d’un chien ! »

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 Sujet du message : Re: Le mythe d'Eylau
Message Publié : 24 Déc 2016 18:25 
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Narduccio a écrit :
Dépouillés par les survivants, car les morts n'ont plus besoin de se réchauffer...



On peut à ce sujet se référer au tableau de Lejeune (« Le combat de Guisando, passage du col d'Avis ») où l’on voit les Français être dépouillés de leurs uniformes par les partisans espagnols avant d’être achevés :
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Lejeune dans ses Mémoires a conté l’affaire :
« J'étais si près de Madrid, où j'espérais arriver le soir; j'étais si pressé même d'en repartir, que je ne pus me décider à perdre du temps. Cependant, le commandant m'assurait que six ou huit cents hommes des bandes de Don Gomès, de Don Martine, de Sobretchero, etc., réunies sous les ordres du médecin Padalea, surnommé el Medico, venaient de passer dans la plaine huit jours et huit nuits à attendre mon retour, qu'ils jugeaient ne pas devoir tarder; ils ne s'étaient éloignés que la veille au soir, assez fatigués de cette longue attente. Le commandant voulut même envoyer un exprès pour s'en assurer, et s'informer de l'état du pays avant de me laisser partir. Je fis donc, en attendant le retour de cet homme, rafraîchir les chevaux de mes vingt-cinq dragons, pour les mettre en état de continuer avec moi jusqu'à la première station. Le paysan revint après avoir, dit-il, exploré la plaine assez loin, sans y rien découvrir, et je me mis en route avec les mêmes dragons, tous vieux cavaliers bien aguerris, et auxquels on joignit soixante bons soldats badois d'infanterie, avec leurs officiers. J'arrangeai ma petite armée en avant-garde de neuf dragons, pour éclairer au loin en avant de nous; en corps de bataille où se trouvaient réunis les courriers et les voyageurs, portant aussi des armes; et en une réserve formée de l'infanterie.
Le temps était superbe, et nous marchions paisiblement dans cet ordre, sans que notre avant-garde aperçût rien qu'elle eût à signaler, lorsque je remarquai sur la route plusieurs cadavres d'hommes et de chevaux. L'officier badois alors me raconta que, très peu de temps auparavant, quatre-vingts grenadiers français, escortant un courrier, avaient été attaqués par la bande d’el Medico, et que ces braves grenadiers, forcés de céder au nombre, s'étaient réfugiés dans la petite chapelle carrée qui est élevée sur une petite hauteur, à mille mètres de Illiescas; qu'ils y furent assiégés pendant deux jours sans vouloir se rendre. Leurs efforts pour en sortir avaient toujours été impuissants, et tout ce qui dépassait la porte de la chapelle tombait mort à l'instant. Les guerillas alors apportèrent du village des échelles et d'énormes tas de paille et de fagots qu'ils placèrent sur le toit et l'embrasèrent. L'incendie tombant sur les grenadiers, ils se précipitèrent en masse sur l'ennemi; mais celui-ci ouvrit lâchement ses rangs et fusilla les grenadiers, dont pas un seul ne survécut. Pendant ce triste récit, nous arrivions à un petit bois, composé d'une centaine d'oliviers, à huit ou neuf cents pas de la chapelle. La marche tranquille de notre avantgarde et le calme qui régnait dans la plaine, augmentaient notre sécurité en traversant ce champ de malheur; et tout en cherchant dans mon esprit le meilleur parti que les malheureux grenadiers auraient pu prendre, je m'aperçus que deux ecclésiastiques, en soutanes et en longs chapeaux, sortaient précipitamment de derrière les murs de la chapelle, et faisaient, avec leurs mouchoirs, les gesticulations les plus actives. Rien ne paraissait dans la plaine, et ces signaux semblaient s'adresser à nous. La distance qui nous séparait de ces prêtres était trop grande pour que nous pussions entendre leurs avis. Je dis alors à un des dragons d'aller au galop leur demander ce qu'ils voulaient. Cet homme partit; mais son cheval fatigué répondait mal à notre impatience.
Cependant, en le voyant accourir, les signaux des deux abbés redoublèrent de vitesse. Nous étions très désireux de savoir ce que cela signifiait, et je leur expédiai un autre dragon mieux monté. Mais, inquiet et impatient de voir que celui-ci n'allait pas plus vite que le précédent, je piquai le cheval frais et vigoureux que l'on m'avait donné à la poste, et je franchis en peu de secondes la moitié de l'espace qui me séparait de ces prêtres. Leurs gestes redoublés prirent alors l'expression de la plus vive inquiétude, et m'inspirèrent de la défiance. Un jeune laboureur se trouva sur mon passage, coupant avec effroi les courroies de ses bœufs pour les dételer plus vite. Je lui demandai pourquoi il abandonnait le sillon à moitié fait; il ne répondit pas, et son oeil hagard et farouche m'indiqua qu'il était prudent de me rapprocher des miens. Alors je tournai bride, en fixant encore mon regard sur ces prêtres et sur l'homme aux bœufs.
En rejoignant ainsi mon escorte, je me rappelai le songe qui m'avait si douloureusement agité quelques heures auparavant. Peut-être ai-je eu tort, me disais-je, de repousser ces avertissements, parce que les cœurs pusillanimes accordent aux rêves une croyance insensée ! Peut-être ai-je eu tort de mépriser ces éclairs lumineux, ces pressentiments que Dieu nous envoie, et auxquels nous restons incrédules, parce que nous les confondons avec les folles inquiétudes de la prudence, qui entravent souvent, par l'irrésolution, si fatale aux guerriers, les plus nobles élans de notre pensée ! Je n'eus pas le temps d'éclaircir ces doutes, et j'avais à peine fait quatre pas de retraite vers les miens, que j'entendis précisément le même cri de détresse qui m'avait arraché au sommeil la nuit précédente. Ce n'était plus la pénible illusion d'un songe accablant; c'était la plus terrible réalité.
« Monsieur ! Monsieur ! nous sommes perdus ! » s'écriait Williams, en accourant à moi. Je tourne aussitôt les yeux sur lui, et je vois surgir de toutes les parties de la plaine six ou huit cents cavaliers dont le cercle enveloppe au loin mon escorte, et qui commencent à faire converger leurs feux sur nous. Williams criait :
« Monsieur ! Monsieur! Que dois-je faire?
-Passe derrière moi, lui dis-je, tire ton sabre et fais comme moi ».
Son sabre et cet abri ne le garantissaient point des balles ; et, frappé à mort à l'instant même, il disparut pour toujours sans proférer une autre parole : l'oracle fatal du songe était accompli. L'ennemi avait laissé passer nos éclaireurs d'avant-garde sans s'être découvert; et comme il m'importait de ravoir ces neuf ou dix dragons pour les rallier au peloton de mes vingt ou vingt-deux autres cavaliers, je m'élançai vers ces intrépides dragons pour dégager avec eux l'avant-garde. Mais ce fut inutilement : tous les feux de l'ennemi convergeaient sur mon petit peloton de courriers, de dragons, de voyageurs, marchant tous avec le courage de vieux soldats ; ces braves tombaient percés de balles à mesure que nous avancions. Alors, avec le peu d'hommes qui restaient à cheval, je voulus rétrograder vers l'infanterie dont cet essai malheureux m'avait éloigné, et nous fûmes entourés par une centaine de brigands les mieux montés, qui, fort enhardis par notre retraite, s'avancèrent jusqu'à la portée de la lance. L'infanterie avait pu gravir le terrain des oliviers et s'était mise en bataille sous ces arbres, dont elle tirait quelque abri; elle faisait feu pour sa propre défense, et ne pouvait pas nous protéger, dans la crainte de nous tuer en tirant de notre côté. L'ennemi le comprit; et, se plaçant entre nos fantassins et nous, il nous accablait de balles, sans oser nous aborder autrement qu'à la longueur des lances dont ces brigands étaient armés. J'écartais ces lances avec mon sabre, et j'avais le regret de ne pouvoir atteindre aucun de ces assassins. Il ne restait plus, près de moi, que trois ou quatre dragons qui combattaient comme des lions. Nous percions déjà les rangs ennemis et nous allions échapper en rejoignant l'infanterie, lorsque, pour nous en ôter les moyens, ils dirigèrent toutes leurs balles sur nos chevaux, en nous criant: « Entrega ! entrega ! usted (rendez-vous !)» Mon cheval, très vigoureux, fut le dernier à tomber. Il avait déjà fait plus de trente soubresauts en recevant autant de coups de feu, lorsqu'enfin, criblé de blessures et devenu insensible aux éperons, qui même se trouvaient engagés dans les sangles, il roula par terre mort, sous les pieds des chevaux qui m'entouraient. Je pus cependant me relever dans cette foule, où je me faisais jour encore à coups de sabre, lorsqu'un coup de lance, frappé par derrière comme pour m'assommer, atteignit ma main droite et l'ouvrit en la paralysant par la douleur. Mon sabre tomba : j'étais désarmé; cette bande d'hommes, affamés de carnage et de butin, se rua sur moi pour m'arracher mes vêtements. En quatre secondes, j'étais nu des pieds à la tète, et, très heureusement, sans aucune autre blessure que de faibles coups de lance. Aussitôt, ceux qui n'avaient pas les mains embarrassées de mes dépouilles avancèrent leur fusil par-dessus l'épaule des autres, et tirèrent en appuyant le canon sur ma poitrine. Je la leur tendais large et bien effacée, n'ayant plus d'autre espoir que d'être tué du premier coup, sans avoir à souffrir une affreuse agonie ; mais sept ou huit amorces brûlèrent sans que les coups partissent, et deux ou trois coups, qui ne ratèrent pas, ne firent que brûler mon oreille et le dessous du bras. Dans leur rage de m'avoir manqué, quatre de ces brigands, en me menaçant d'en avoir bientôt fini avec moi, prirent des cartouches dans leur ceinture, et après avoir mis de nouvelles amorces, ils appuyèrent avec colère leurs fusils sur mon cœur, que je présentais encore sans trembler. Ces amorces firent de nouveau long feu, les coups ne partirent pas, et moi, sur le bord de la tombe en attendant le coup fatal, je vis Dieu de près. Reconnaissant sa protection divine dans cette circonstance extraordinaire, je saisis avec vigueur à deux mains un des canons de fusil qui frappaient sur ma tête, et, de la sorte, je parai plusieurs coups mortels qui m'auraient écrasé, car ils faussèrent dans mes mains et firent plier l'arme qui me garantissait. Ce violent combat me faisait remonter le sang au cœur ; mes forces m'abandonnaient, et j'allais succomber, lorsqu'un homme à cheval, portant quelques insignes d'officier, se fit faire place dans cette bagarre, et me cria plusieurs fois du haut de sa monture :
« Quien es usted ? quien es usted ? »
Beaucoup trop préoccupé à parer les coups de crosse qui m'arrivaient de toute part, et dont j'étais presque étourdi, je fus quelques instants sans lui répondre. Il fit cabrer son cheval pour approcher plus près de moi, et répéta vivement la même question :
« Quien es usted? (qui êtes-vous?) »
J'entendis enfin et répondis :
« Colonel.
-Ah! es un coronel ! s'écria-t-il, no mata le ! (Ah! c'est un colonel ! ne le tuez pas ! ) »
Ses hommes étaient furieux de la résistance que je leur opposais, et il avait de la peine à se faire jour, à se faire obéir et à me sauver la vie. C'était Don Juan Padalea, le chef de ces bandes, surnommé el Medico, à cause de la profession de médecin qu'il exerçait avant d'être chef de bandits. Me voyant très ému, car j'allais défaillir, il me cria :
« No tiens, usted miedo ( soyez sans crainte ) ».
A ce mot qui blessait mon courage et me rendait mon énergie, je relevai fièrement la tête; et, tandis qu'il répétait : No tiene miedo, je lui répondis vivement :
« No tengo! ( je ne crains pas! ) »
Deux ou trois fois encore il piqua son cheval pour le faire cabrer sur les hommes qui persistaient à vouloir m'assassiner, et il chargea deux cavaliers de m'entraîner loin du champ de bataille. Mon infanterie voyait ces combats sans pouvoir s'y opposer, et continuait à tirer sur l'ennemi pour sa propre défense. Les deux brigands, qui me tenaient chacun par une main, m'entraînaient au galop entre leurs chevaux pour s'éloigner du danger, et s'inquiétaient fort peu de ce que me faisait souffrir cette course rapide, avec les pieds nus, à travers les terres labourées, les buissons et les fossés. Mais ce qui était encore plus douloureux sur cette terre fumante de sang, c’était la rencontre de mes dragons, mis comme moi, hachés en pièces, et que ces atroces brigands, n'ayant pas osé frapper en face, même lorsque leur regard était expirant, avaient percé par derrière avec les longues lames des sabres qu'ils leur avaient pris. Ces malheureux dragons périssaient pour me défendre, et j'étais au désespoir. »

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Message Publié : 25 Déc 2016 12:09 
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Le combat décrit par Lejeune se déroula au mois d’avril 1811 dans la province d’Avila. Sous d’autres latitudes (ici pendant la retraite de Russie) de telles pratiques pouvaient vite devenir mortelles :
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 Sujet du message : Re: Le mythe d'Eylau
Message Publié : 26 Déc 2016 18:11 
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L’illustration ci-dessous pourrait être accompagnée de ce passage de l’Histoire de Napoléon et de la Grande Armée durant l’année 1812, de Ségur :
« [les trainards] ne rencontrent que des Cosaques et une population armée qui les entourent, les blessent, les dépouillent, et les laissent, avec des rires féroces, expirer tout nus sur la neige!
[…]
On vit de sauvages Cosaques, au milieu de tant de richesses, être encore avides des vêtements sales et déchirés de ces malheureux devenus leurs prisonniers; ils les dépouillèrent, et les réunirent ensuite en troupeaux, puis ils les faisaient marcher nus sur la neige, à grands coups du bois de leurs lances. »

Ou chez Bourgogne (Mémoires) :
« Nous en vîmes quelques-uns des moins blessés, presque nus, que les Russes avaient déjà dépouillés, et qu'ils avaient ensuite abandonnés »
(Bourgogne, Mémoires)

A noter que la pratique de dépouiller les vivants ne semble pas avoir été réservée aux seuls Russes :
« Le peu de détachements mêmes qui avaient passé en bon ordre la Bérésina, finirent par se débander ; leur nombre diminua peu à peu ; les chemins que l’armée parcourait dans sa retraite se couvrirent de plus en plus de cadavres d’hommes et de chevaux, qui succombaient à la faim, à la fatigue et surtout à la rigueur du froid ; de malades, de mourants et de désespérés, qui, dépouillés de leurs vêtements par ceux qui les suivaient, se roulaient dans une neige profonde.
[…]
Le plus fort pille sans pitié le plus faible; on dépouille de leurs vêtements les malades et ceux qui, par lassitude, ne peuvent plus suivre l'armée; les mourants sont mis à nu avant d'avoir rendu le dernier soupir, et on laisse tous ces malheureux sans secours couchés dans une neige profonde. L'instinct de sa propre conservation a étouffé dans le cœur de chacun tout sentiment d'humanité.
(Faber du Faur, Campagne de Russie 1812 d'après le journal illustré d'un témoin oculaire)



Pour le dépouillement des morts, quelques autres témoignages :

« [Les Russes] déshabillent leurs morts pour se couvrir de leurs dépouilles »
(Percy, Journal)

« En passant près d’un champ attenant aux jardin de la ville [de Mojaïsk], je remarquai au loin une sorte de pyramide d’une couleur particulière. Par curiosité, je m’en approchai. Je vis alors avec horreur que c’était un monceau de cadavres nus, un tumulus à base carrée et de plusieurs toises de hauteur. A mon avis, il pouvait y avoir là 800 cadavres. Le commandant d’armes les avait fait rassembler en cet endroit pour les brûler, parce qu’ils infestaient les rues.
[…]
Les corps avaient conservé l’attitude dans laquelle la mort les avait surpris ; personne ne les avait allongés, comme on a coutume de le faire après le décès. »
(La Flize, Mémoires)

« Nous traversâmes le champ de bataille jonché encore des débris du sanglant combat [des Quatre-Bras]; Français, Anglais, Ecossais, Hanovriens, Belges, Hollandais et Brunswickois, tous étaient confondus, et particulièrement sur la lisière du bois de Bossu; mais presque tous avaient été complètement dépouillés , soit par les habitants des environs, soit par cette nuée de pillards qui, toujours à la suite des armées, sont là comme des vautours prêts à se précipiter sur leur proie. »
(Mauduit, Les derniers jours de la Grande Armée)

« [Napoléon] trouva [le champ de bataille de Smolensk] jonché d'un grand nombre de cadavres russes et de peu des nôtres. La plupart étaient dépouillés, surtout les Français : on les reconnaissait à leur blancheur et à leurs formes moins osseuses et musculeuses que celles des Russes. Triste revue de morts et de mourants, compte funeste à faire et à rendre. »
(Ségur, Histoire de Napoléon et de la Grande Armée durant l’année 1812)

« Au col d’Ordal et sur tous les versants, nous retrouvâmes les nombreux cadavres de ces braves défenseurs, entièrement dépouillés de leurs vêtements, et tombant en décomposition. »
(Larreguy de Civrieux, Souvenirs)

« La colonne autrichienne dispersée, j'avais quitté la cavalerie du général Kellermann, et venais à la rencontre du général Desaix, dont je voyais déboucher les troupes, lorsque le colonel du 9ème léger m'apprit qu'il n'existait plus. Je n'étais pas à cent pas du lieu où je l'avais laissé; j'y courus, et le trouvai par terre, au milieu des morts déjà dépouillés, et dépouillé entièrement lui-même. Malgré l'obscurité, je le reconnus à sa volumineuse chevelure, de laquelle on n'avait pas encore ôté le ruban qui la liait. »
(Savary, Mémoires)

Deux vues de Leipzig par Geissler :
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Message Publié : 27 Déc 2016 10:26 
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Jerôme a écrit :
Que font les cadavres nus au premier plan? [...] (homosexualité ?) ?


S’il faut voir une allusion à l’homosexualité à chaque fois qu’un type nu apparaît dans une œuvre d’art, la liste va être fort longue…

Le Napoléon de Canova : un aveu ?
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Cambacérès dans Napoléon et vice-versa : un message subliminal ?
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Mais allez savoir, l’acceptation de la gravure de Calliano par Napoléon aurait peut-être été vue par Guillemin comme un argument de plus à ses thèses farfelues.
Un extrait de ses émissions télévisées (cadeau de Noël pour Jefferson lol ) :
« Puis, il y a une question qu’on ne soulève jamais, et que je voudrais soulever aussi, puisque que je suis là pour essayer de voir la vérité : c’est l’homosexualité. Eh bien, je crois bien que, quand il est à Brienne, Bonaparte était infiniment lié, trop étroitement lié, avec quelqu’un qui s’appelait Laugier de Belcourt. Et Laugier de Belcourt, il avait un surnom à Brienne : on l’appelait « La nymphe ». Et Laugier de Belcourt, il est parti avec Napoléon, lorsqu’ils sont allés tous les deux à l’école militaire de Paris ; donc au moins deux ans, il a vécu à côté de Laugier de Belcourt.
Gourgaud, qui va l’accompagner à Sainte-Hélène, Gourgaud était un homosexuel ; il était marié, mais enfin on peut être ambivalent.
[…]
Je crois qu’en effet Napoléon, de temps en temps, faisait ces expériences-là ».



Plus sérieusement, et pour revenir à l’œuvre de Calliano et d’Anderloni, outre la recherche esthétique et les différentes explications apportées concernant l’empilement de corps nus, on peut aussi se référer à ce que dit Percy dans son Journal au sujet du champ de bataille d’Eylau :
« Plusieurs blessés russes, étendus sur les cadavres de leurs camarades, y cherchaient un reste de chaleur ou s'en servaient comme d'un matelas pour ne pas rester couchés sur la neige. »

Ou encore quand il nous parle de l’église d’Eylau où 300 Russes avaient été regroupés :
« Ce matin, on a retiré vingt cadavres de ce lieu infect, où ces misérables sont serrés comme des harengs dans une tonne
[…]
Pour retirer un cadavre de cette église, il faut faire rouler à terre un vivant qui s'est placé et étendu sur le mort afin d'avoir moins froid. »

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