Kurnos a écrit :
Dans ce cas le libellé du titre ne semble pas très approprié.
...
Pour le reste on devrait prendre en compte le niveau de développement intellectuel en évitant de se focaliser sur quelques siècles.
Le titre du sujet sous entend un sous développement permanent.
Déjà avant JC avec Vitruve, Aristote, Pythagore, Ptolémée … etc, certains fondamentaux étaient établis.
La notion de méthode scientifique est apparue dans la Grèce du VIIe siècle av. J.-C.
Qu’en est-il des méthodes scientifiques et de l’approche rationnelle dans l’histoire des autres continents ?
Déjà il faut noter qu'est totalement fausse la vision d'une Grèce « européenne ». C'est une lecture ethnique bien entendu erronée : la Grèce est tournée vers l'Est ou le Sud, vers la Perse, l'Egypte, et absolument pas vers l'Ouest. C'est l'empire romain qui inversera la tendance.
Pour les méthodes scientifiques dans l'histoire des autres civilisations je vous laisse consulter sur internet les nombreuses pages dévolues aux sciences islamiques, indiennes, chinoises, etc...
Presque toutes ces civilisations connaissaient par exemple des équivalents des théorèmes de Thalès et de Pythagore.
En vrac, en matière de Mathématiques, les Indiens ont inventé le zéro et le système décimal qu'ils transmettront aux arabes, ils connaissaient les nombres irrationnels, le triangle de Pascal, des éléments d'analyse et de calcul différentiel. Il me semble que les Indiens avaient aussi développé une philosophie basée sur la logique.
Quant aux Chinois, il est assez remarquable qu'ils distançaient de loin les Grecs antiques en matière de technologie. Les Chinois sont considérés comme ayant inventé de manière indépendante les systèmes d'irrigation, l'encre, la porcelaine, la boussole, les étriers, la brouette, le triangle de Pascal, les écluses, les voiles auriques (non carrées), les compartiments étanches sur les bateaux, le gouvernail d'étambot, les bateaux à roue à aube, la cartographie, les techniques médicales d'immunisation, les sismographes, l'acoustique, l'observation astronomique des novae.
Nombre de ces réalisations techniques étaient en place à l'époque des Grecs anciens, qui eux les ignoraient quasiment toutes.
Les Grecs, à partir du 5eme siècle av JC (Platon, Aristote, etc...), dans leur vision du monde et leur envie de comprendre la nature, avaient développé une pensée ayant tendance à isoler les objets, cherchant à les catégoriser, à en définir des qualités, menant à des abstractions et développant des "théories" sur ces abstractions, cherchant en particulier quelles règles chaque catégorie suivait.
Cette approche fut assez fertile (Mathématiques et philosophie rationnelle entre autres).
Mais leur mode de pensée et leur logique mena parfois à des idées assez bizarres : Parménide "démontra" qu'au sein du monde tout changement était impossible. Zénon établit aussi que tout mouvement était impossible, dans son célèbre paradoxe.
La physique d'Aristote semble montrer pas mal d'égarements. Il expliquait que ce qui faisait tomber les pierres était leur propriété de "gravité" (conçue comme une qualité inhérente aux pierres et non une force à distance), de même ce qui faisait flotter le bois dans l'eau était sa propriété de "légèreté".
Les Chinois, par contre, avaient une vision holistique du monde, conçu comme un tout plutôt que comme un agrégat de parties isolables. Et ce monde est vu comme constamment changeant et plein de contradictions : le Yin alterne avec le Yang.
Comme Joseph Needham le notera : "Leur univers était conçu comme un milieu continu ou une matrice au sein de laquelle les interactions entre les éléments ont lieu non pas par le choc des atomes, mais par des influences rayonnantes."
Certaines notions scientifiques, comme le fait que certains phénomènes physiques s'expliquent par l'action à distance de forces transmises par l'intermédiaire de "champs"(magnétiques ou gravitationnels par exemple) reliant entre eux les objets, furent comprises de manière complètement intuitive par les Chinois. Alors que même Galilée, bien des années plus tard, refusera l'idée énoncée pour la première fois en occident par Kepler que la Lune cause les marées par attraction gravitationnelle.
Je vous renvoie à l'intéressant ouvrage "The Geography of Thought: How Asians and Westerners Think Differently" par le psychologue Richard Nisbett.
Kurnos a écrit :
L’hégémonie fondée sur des méthodes irrationnelles ne constitue pas une preuve de développement. Certaines espèces animales peuvent parfaitement coloniser la terre entière sans en avoir conscience. L'homme n'est pas sous développé par rapport aux insectes qui semblent mieux se porter ?
Vous sous-entendez que certains peuples non modernes n'agissent pas de manière rationnelle. Il faut distinguer "système de pensée philosophique rationnel" et aptitude à la pensée complexe et pragmatique.
Je vous renvoie à "La Pensée Sauvage" de Lévi-Strauss. Il y montre qu'il est erroné d'affirmer que la différence entre la pensée primitive et la pensée moderne résiderait dans la capacité de cette dernière à appréhender la complexité ou des phénomènes complexes. L'auteur nous démontre que la science n'est pas l'apanage du moderne, mais qu'elle fait partie de l'histoire des hommes depuis des temps immémoriaux, certes dans des versions autrefois plus empiriques qu'expérimentales et/ou théoriques.
Kurnos a écrit :
Des éléments factuels comme les pyramides, ou autres, dans d’autres civilisations peuvent laisser penser qu’à un instant donné qu’il y ait eu un sous développement de l’Europe, dans ce cas il faudrait au moins s’attacher à les énumérer.
Quelques siècles ne suffisent pas pour établir une généralité historique.
Effectivement, il faudra y revenir.