Jerôme a écrit :
On en revient à la diversité des aventures coloniales : les territoires et les époques sont très variés - trop variés probablement pour définir une théorie uniforme !
La colonisation a pris en général deux formes principales :
- La forme « impériale », une continuité territoriale acquise par des annexions successives. Les « barbares » sont régulièrement assimilés (ex : empire romain, empire russe)
- La forme « économique » : matérialisée par les colonies grecques, vénitiennes ou européennes de l’époque moderne : un comptoir qui constitue un relais sur une route maritime dont on cherche le contrôle
La colonisation européenne lancée au XIX siècle, que l’on qualifie pour la France de « second empire colonial », est le passage d’une forme à l’autre. Cette transition est motivée par différentes raisons (politiques, économiques, morales…) et donne naissance à deux nouvelles formes de colonisations, que Georges Hardy nomme « enracinement » et « encadrement »
- La colonisation d’enracinement (que l’on qualifie de « peuplement » parfois) prend elle-même plusieurs formes. Elle peut être de substitution (la population autochtone est éliminée pour laisser place à un peuplement européen ; ex : Amérique du Nord, Australie) ; Métissée (Comme en Amérique du Sud hispanique, où une métropole peu peuplée et méfiante vis-à-vis de ses colonies ainsi qu’une population autochtone importante donne naissance à une société originale) ; de repeuplement (les Caraïbes et îles à sucres, repeuplées par une population d’origine africaine puis asiatique) ; d’ « accommodement » ( la population indigène est trop importante pour être éliminée ou refoulée, le peuplement est obligé de cohabiter avec les autochtones ; Algérie, Afrique Australe)
- La colonisation d’encadrement : cette forme de colonisation correspond également à de nombreux scénarios. Il peut s’agir d’une région qui n’est que difficilement exploitable à cause d’une population pas assez nombreuse, ou qui ne peut être exploitée que grâce à la coopération des indigènes (Nouvelle-France, Afrique équatoriale), avec des systèmes politico-économiques établis et structurés (Asie du Sud et du Sud-est), etc…
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N’oublions pas les structures de l’administration coloniale, que l’on a peut-être trop systématisé et opposé, et qui correspondent en gros au système anglais (indirect rule) : les pouvoirs traditionnels sont maintenus et une certaine autonomie est accordée ; et le système français, plus jacobin, qui subordonne les pouvoirs locaux. Dans ces deux cas, la réalité revêt également différents aspects.
D’une manière générale, les empires avaient tendance à protéger leurs populations, en imposant une « pax romana » favorisant le commerce et la prospérité. Des actes de prédations avaient lieu au moment de la conquête, mais une fois l’ordre impérial établi, sauf révolte, qui était impitoyablement matée, la paix profitait à toutes les populations, le colonisateur tentait de s’allier les colonisés : la prédation se tournait vers l’étranger. La colonisation européenne spécifiquement en Afrique à partir du XIXème siècle se donnait pour mission, entre autre, d’éradiquer l’esclavage (dans un premier temps la traite, puis l’esclavage en soi). On peut noter que le phénomène esclavagiste a connu un reflux dans les colonies, mais qu’il était loin d’avoir disparu. Il n’a pas disparu car d’une part, en s’appuyant sur des élites dont le pouvoir même reposait sur l’esclavage, l’administration coloniale adoptait une attitude ambiguë, d’autre part, le régime de l’indigénat (qui perdura jusqu’aux indépendances dans les faits) mettait en place toute une série de mesures qui maintenait l’asservissement des populations. A noter que le racisme systémique importé des Amériques peut expliquer, en partie, cette prédation à l’encontre des populations autochtones.