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Hubris a écrit :
La constatation est : "La France est une nation qui s'ennuie". Mais dans "prenez-y garde", je ne vois pas de constatation, mais un avertissement, à partir de cette constatation. Et dans tout avertissement, il y a une part de prospective. Donc une vision de l'avenir..
C'est un discours et comme tout texte, il doit avoir son déroulement, ses accélération etc. le tout pour arriver à ce que l'assistance valide ce point de vue, s'en imprègne et mieux encore le fasse sien. C'est le but : convaincre.
Il faut donc une évidence "
La France est un pays qui s'ennuie", vient ensuite ce qui tient du politique et que vous tenez comme un avertissement parce-que ceci est énoncé avec une formule adaptée (la menace sous-tendue : personne n'aime le désordre) : "
prenez-y garde".
Ce que reprend Balavoine avec "la génération de désespérés" ou quelque chose dans le style et la suite en forme de conclusion/prédiction/menace. Voyez, rien de très fouillé ni très recherché dans la construction.
Lorsqu'apparaît le "
prenez bla x 3 ...
garde", ceci est une formulation passe partout et s'inscrit dans la construction du texte : on peut y voir un retour à ceci, un changement de cela et pire -devant une assistance bien assise- le spectre du chaos (révolte, révolution etc.), ni moins ni plus. C'est l'emphatique de la formulation qui porte en lui et passe à l'auditoire un ressenti, une crainte. C'est le but. Alors si en plus, il y a de l'agitation dans l'air du moment, ce qui crée de l'angoisse qui se transmet en lieu clos et que le lendemain il y a quelques excités dans les rues, on va crier à la prophétie.
Ce n'est qu'une construction de texte.
Ajoutons le contexte littéraire de l'époque, Lamartine est un littéraire avant d'être un politique.
En Orient lorsqu'il apprend qu'il est nommé député (1833), il siègera "
au plafond". Il passe cependant à une opposition et évolue sans cesse vers la gauche jusqu'en 1848.
Il joint l'activité littéraire à l'activité politique et s'oriente vers une littérature sociale (Les Révolutions : "
Marchez, l'humanité ne vit d'une idée... etc." : une évidence énoncée ou une prophétie ?).
En effet, l'humanité ne vit pas que d'une idée et la phrase peut être analysée sur plusieurs niveau (le sens que l'on donne à "
idée" et à "
Humanité" qui sont autant de mots "fourre tout").
Parallèlement, il oriente nouvellement son rapport à la religion (
Jocelyn,
la chute d'un ange) ce qui ne l'empêche pas d'écrire une
Histoire des Girondins.
Maintenant si on veut y voir une capacité d'anticipation voire une prophétie : pourquoi pas ?
Le gros dommage est que, dans le cas d'un Lamartine visionnaire, il aurait dû anticiper le fait qu'il n'était plus en phase et s'éviter la déculottée face au prince Napoléon (18 000 voix contre 5 millions et demi pour le prince Napoléon dans ces eaux là je crois).
Il faut croire que le visionnaire était passablement en mal d'anticipation sur ce coup là.
Pour revenir aux "désespérés" : Balavoine en surchauffe et même sans la surchauffe n'est pas Lamartine. Pourtant, la construction est identique.
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