Méandre a écrit :
il y a un facteur qui me semble également important dans la compréhension de l'émergence de la grande distribution, c'est la législation et les modes de consommation. A y regarder de près, il n'y a pas foule en pleine après-midi dans une grande surface, par contre, lorsque le petit commerce ferme sa porte à 18h, la grande surface commence à faire du chiffre. C'est un premier point. Le second concerne le marché aux fruits et légumes, j'aimerai bien y aller le matin mais comme une majorité de gens qui ont de la chance, je travaille. Ce n'est pas adapté à mon mode de consommation.
L'analyse que vous faites, d'autres l'ont faites aussi. Par exemple, le gouvernement bâlois. Les conseillers du canton de Bâle-ville en Suisse avaient aussi constaté que les commerces du centre se vidaient en faveur des commerces de la périphérie. Or, ceux-là ne sont pas forcement sur leur territoires et payent donc des impôts locaux au canton voisin de Bâle-campagne ...
Donc, vers 1995, ces conseillers municipaux avaient réussi à convaincre les commerçants du centre-ville de tenter une expérience: pendant un an, ils avaient l'autorisation de rester ouverts jusqu'à 20h (en fait, j'ai un trou de mémoire, je me souviens qu'il s'agissait de 2 heures de plus par jour, mais je ne me souviens plus si c'est de 18 à 20h ou de 19 à 21 heure ...
). A la fin de cette période de 12 mois, ils voteraient pour savoir s'il fallait changer la loi ou pas.
Au bout des 12 mois, le vote fut presque unanime pour revenir à l'ancien système. Ce qui est intéressant, ce son les raisons d'un tel vote :
- les commerçants étaient d'accord, cela aidait pas mal leurs clients;
- mais, leur chiffre d'affaire n'avait pas augmenté;
- alors que leurs charges avaient augmentées. Bref, ils avaient perdu de l'argent pendant ce temps.
Les raisons en sont simples, la somme d'argent que les clients sont prêts à dépenser n'est pas extensible. Les clients se répartissent entre les magasins du centre-ville et ceux de la périphérie en fonction des achats qu'ils vont faire et des horaires disponibles. Donc, ils achètent avant 18 heure au centre-ville et après, ils vont dans les magasins de périphérie acheter des produits moins chers qu'ils ont besoins. Je rappelle que la répartition actuelle est: des boutiques d'un certain standing en centre-ville, des boutiques d'un standing un peu moins haut dans les grands centre commerciaux. Donc, ils n'ont pas plus vendu à ce moment-là, malgré les campagnes de publicités payées par la ville. Pire, l'ouverture sur une amplitude plus grande leur à coûté de l'argent parce qu'ils faut tenir le magasin ouvert, donc payer des employés pendant 12 heures de plus par semaine. Les Suisses travaillant 42 heures par semaines, cela revient pour une boutique de 4 employés à embaucher un 5ème employé, avec les charges qui en découlent. Le rejet fut donc massif.
Ils auraient pu aménager la loi en laissant la liberté aux commerces qui le désiraient d'ouvrir jusqu'à 20h. Mais la plupart des commerçants estimèrent que cela aurait porté préjudice à ceux qui ne l'auraient pas fait. Le nombre de chalands et les sommes en jeu seraient restées identiques, mais certains chalands auraient avantagé les commerces qui seraient resté ouverts. Si on permettait à certains de rester ouverts, à termes tous auraient du le faire en perdant de l'argent. Alors tant pis si les clients étaient majoritairement en faveur d'une ouverture jusqu'à 20h, mais les commerçants désiraient que tous les commerces soient soumis au même régime.
Il y a de nombreux commerçants français qui pensent que l'ouverture dominicale aurait les mêmes effets. Quand un commerce isolé ouvre, il capte la clientèle des commerces qui restent fermés. Il s'enrichit sur le dos des autres en quelque sorte. Si tous ouvrent, on repartit les sommes dépensées sur 1 jour de plus, en augmentant les frais, sans augmenter les bénéfices. Tant que les chalands n'ont pas plus d'argent à dépenser. En fait, les frais augmentant, c'est le nombre de commerces qui va diminuer, les plus fragiles se retrouvant à perdre de l'argent. Typiquement le genre de mesure qui risque de donner un résultat inverse de celui qui est annoncé...