Bonjour,

Les lectures de G. Noiriel, Les ouvriers dans la société française, et d'A. Dewerpe, Le monde du travail en France, m'ont interrogé sur le moment précis de l'arrivée du taylorisme en France et sur son application concrète dans le monde de la grande usine. Les théories de Taylor furent formulées vers 1880, et s'appliquèrent sans doute dans la décennie suivante aux Etats-Unis.

G. Noiriel explique que le taylorisme s'est surtout imposé et manifesté en France dans l'entre-deux-guerres.

Or, si mes souvenirs sont exacts, vers 1910, les dirigeants des usines Renault de Boulogne-Billancourt ont tenté d'imposer la méthode du "chronométrage" ; ce qui a d'ailleurs provoqué une vague importante de protestations de la part des ouvriers. Cela signifie donc que les idées du taylorisme, en accord avec le processus (accéléré au début du XXe siècle) de la rationalisation du travail industriel, n'étaient pas étrangères aux consciences françaises à la veille de la Première Guerre Mondiale. Les dernières années de la Belle Epoque serait, en ce sens, une période de mise à l'essai des théories de Taylor.

Puis-je dire, sans aucun anachronisme, que les prémices françaises du taylorisme sont survenues au tout début du XXe siècle, pour se manifester ensuite avec force dans l'entre-deux-guerres ?
Ai-je omis des détails importants ?

Ce que vous dites n'est pas en contradiction avec Noiriel : introduction dans la décennie 1910 par l'automobile, et généralisation après. La référence est le livre de Sylvie Schweitzer, Des engrenages à la chaîne, les usines Citroën, 1915-1935 ainsi qu'un article de Fridenson "Un tournant taylorien de la société française, 1904-1918", Annales ESC, 1987, n°5, disponible en ligne sur Persée.

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"Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)

Dans de nombreuses industries, il y avait déjà eu des tentatives et des essais de rationalisation. Dans l'industrie textile, il n'y avait pas de chaine en tant que telle, mais les machines étaient mises en série pour réaliser le processus de fabrication. Et on à mis de nombreuses machines en parallèle pour augmenter la production.

Mais, c'était la machine qui imposait son rythme et l'augmentation de la productivité vient de l'augmentation des vitesses des machines. Tant que le machinisme n'autorisait pas des vitesses élevées, la condition ouvrière à su s'en accommoder. Quand la machine est devenue plus rapide que l'homme, celui-ci a du s'adapter et ce ne fut pas toujours évident.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie

Je vous conseil les écrits de Jean Pierre Rioux mais surtout ceux de denis Woronoff, ce dernier ayant contribué à de nombreux ouvrages dont un richement illustré intitulé "La France Industrielle" aux éditions du Chêne.

Je vais m'y replonger afin d'alimenter ce débat sur l'histoire des méthodes de production industrielles à la fin du XIXème et au début du XXème siècle.

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> Le courage, c'est de comprendre sa propre vie... Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille... Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel.
( Jean Jaurès )

C'est peut-être André Citroën qui l'impose dans ses usines pour la construction automobile après son séjour formateur aux USA mais déjà la fabrication des obus avait demandé des cadences phénoménales....

Fridenson insiste sur le rôle d'un ingénieur de chez Renault dans cet article où je n'avais pas mis le lien :
http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... 2_5_283435
Il montre que la fascination du taylorisme provient des ingénieurs plus que des patrons. Ils seront déçus en deux temps. D'abord parce qu'ils cherchent à importer des méthodes mais elles échouent s'il n'y a pas une restructuration complète de l'entreprise, ensuite parce qu'ils doivent faire face à des ouvriers très rétifs. Ils en viennent à penser que la logique du marché ne suffit pas en France pour faire adopter la modernité d travail et beaucoup se tournent vers l'Etat dans un esprit technocratique. Je ne fais que reprendre la conclusion de l'article auquel je renvoie ceux qui sont intéressés.

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"Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)

Je vous remercie beaucoup pour la précision de vos réponses !