Le jeune Cicéron à Athènes En 45 av. J.-C, par exemple, le fils unique de Cicéron, Marcus, âgé de 20 ans, va poursuivre ses études à Athènes. Il aura besoin d’argent. Cicéron, très soucieux d’assurer à Marcus une pension digne d’un fils de sénateur, pense que 80 000 sesterces par an devraient suffire, sans compter les frais de voyage. Si Marcus était resté à Rome, ajoute-t-il, il aurait pris une location pour y vivre indépendamment de son père, et ses dépenses eussent atteint un niveau à peu près analogue. Chercher l’équivalent moderne d’une telle somme n’a guère de sens. Néanmoins, pour suggérer un ordre de grandeur, pensons à quelque chose comme 40 000 € actuels (soit une équivalence approximative de 1 sesterce pour 0,5cts €). Chaque mois, le jeune Marcus pourrait donc dépenser 3 000 € actuels. Doit-il emporter avec lui cet argent, ou le faire transporter matériellement ? C’est possible, mais très risqué. Il vaut mieux éviter le transport matériel des espèces.
Cicéron, absent de Rome, fait appel à son ami Atticus, qui avait longtemps vécu à Athènes et y entretenait beaucoup de relations : il était, en effet, propriétaire de grands domaines en Epire.
Quoique les lettres de Cicéron soient brèves et allusives, on peut reconstituer la façon dont Atticus fit transférer les fonds. Il connaissait à Athènes un épicurien, Xénon, dont il est question en plusieurs autres circonstances dans la correspondance de Cicéron. Ce Xénon fut chargé de remettre à échéances régulières à Marcus l’argent dont il avait besoin. Il fournissait lui-même une partie des sommes, car il était le débiteur d’Atticus. Ces versements étaient pour lui une façon de s’acquitter de sa dette. Le reste venait d’Épire. Il s’agissait très probablement d’argent versé par les fermiers des domaines d’Atticus. Rien n’indique que Xénon ait été un banquier de métier, ni même un financier.
Cicéron devait faire verser à Atticus les revenus des maisons de rapport dont il était propriétaire à Rome. Atticus était donc remboursé à Rome aux époques mêmes où il faisait remettre l’argent au jeune Cicéron. Ni Atticus ni Xénon n’avancèrent d’argent. Le seul but de l’opération était le transfert de fonds sans transport matériel de monnaies, et sans qu’aucun banquier de métier y fût mêlé.
Le cas cité en 2/Pline le Jeune achète des terres Un siècle et demi plus tard, Pline le Jeune (62-113 ap. J.-C), lui aussi sénateur et propriétaire foncier (il était propriétaire de plusieurs milliers d’hectares de terres), songe à acheter un grand domaine proche de certains des siens. Il écrit à l’un de ses amis, Calvisius Rufus, pour lui demander conseil. Le domaine coûtait 3 000 000 de sesterces (environ 1,5 millions €) ; mais, en d’autres temps, il aurait été vendu jusqu’à 5 000 000 de sesterces. Sa superficie était donc au moins égale à plusieurs centaines d’hectares. Comment payer le prix de cet investissement productif ? Pline ne paraît pas s’en inquiéter beaucoup. Sa belle-mère ne refusera pas de lui donner de l’argent (peut-être lui en avancera-t-elle à de bonnes conditions, par exemple sans lui faire payer d’intérêts ?). Lui-même a prêté de l’argent à intérêts, comme le font la plupart des sénateurs et des chevaliers (sur une échelle plus ou moins grande, et à des conditions plus ou moins profitables). Il va chercher à encaisser ses créances, à moins qu’il ne les transfère au vendeur du domaine, si ce dernier y consent. Car le transfert des créances n’était pas impossible en droit romain ; et tout indique qu’il était assez couramment pratiqué. Enfin, Pline le Jeune pourra emprunter. Il ne dit pas à qui, mais rien ne prouve qu’il s’adresse à un banquier de métier. Très souvent, les chevaliers et sénateurs préféraient recourir à leurs pairs plutôt qu’à des argentaires ou nummulaires, dont les moyens financiers étaient d’ailleurs limités.
Ces deux exemples, mais aussi tant d'autres, mettent en lumière l'importance de la vie financière à Rome. Ils soulignent aussi le perfectionnement et la complexité de la circulation monétaire fait de nombreux intermédiaires tels que les réseaux marchands et commerciaux;les banquiers usuriers et prêteurs à gages; mais aussi de différents jeux d'écriture...A mon avis c'est la connaissance d'un important tissu relationnelle "de manieurs d'argents" qui permet la réalisation de transactions importantes et sophistiquées. Les plus fortunés et les plus influents ont davantage les moyens de profiter des mécanismes monétaires faisant rentrer en ligne de très grosses sommes d'argent.
_________________ > Le courage, c'est de comprendre sa propre vie... Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille... Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel. ( Jean Jaurès )
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