satan a écrit :
La chine numero un jusqu'au XIX siècle certainement pas, elle est en déclin depuis le XVIsiècle comme l'inde d'ailleurs (curieusement elles ont toujours connus prospérité et déclin en même temps)
elle était probablement numero un au XVI siècle mais plus après...
Ceci est complètement faux. La Chine n’a jamais été aussi puissante que sous les Mandchous. A côté de l’empereur Kangxi, Louis XIV était un nain.
La Chine en 1750 c’est presque ¼ de la production mondiale de biens manufacturés. Et ce chiffre est le même en 1800.
Le déclin de la Chine commence en 1800. Mais pour qu’un pays occidental la rattrape (au niveau du PIB) il faudra attendre encore plus de 80 ans.
L’extraordinaire croissance des pays occidentaux à partir de la révolution industrielle ne doit pas faire oublier le retard que ces derniers avaient par rapport aux pays asiatiques.
Voici un extrait d’un article de Par Philip S. Golub au sujet du retour de la puissance chinoise dans l’économie d’aujourd’hui :
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Dans une perspective longue, la Chine, comme d’ailleurs l’Asie dans son ensemble, serait donc en train de renouer avec son histoire précoloniale et de retrouver progressivement la place qu’elle occupait avant 1800, quand elle était un des cœurs de l’économie mondiale et la première puissance manufacturière de la planète. Elle se trouvait alors au centre d’un réseau dense d’échanges régional, établi depuis des siècles, l’Asie étant la zone principale de production et de profit du monde.
En 1776, Adam Smith écrivait à ce propos que « la Chine est un pays bien plus riche que toutes les contrées d’Europe », réalité que les jésuites connaissaient déjà depuis fort longtemps. Pour sa part, le père Jean-Baptiste du Halde, dont l’encyclopédie sur la Chine influença les commentaires favorables de Voltaire, notait en 1735 que l’empire chinois, florissant, connaissait un commerce intérieur incomparablement supérieur à celui de l’Europe.
Cent ans plus tard, ayant acquis une position nouvellement dominante, l’Europe crut redécouvrir une Asie immobile enfermée à jamais dans la prémodernité. Les philosophes allemands, Hegel entre autres, s’imaginaient la Chine comme un monde fermé, cyclique, singulier. Pour Ernest Renan, la « race chinoise » était une « race d’ouvriers (...), d’une dextérité de main merveilleuse, sans presque aucun sentiment d’honneur ». Il suggérait de la gouverner « avec justice, en prélevant d’elle (...) un ample douaire au profit de la race conquérante ». Ces lignes furent écrites, bien sûr, au plus fort de la colonisation.
Avant 1800, les flux commerciaux entre Chinois, Indiens, Japonais, Siamois, Javanais et Arabes étaient de très loin supérieurs aux flux intra-européens ; le niveau des connaissances scientifiques et techniques était élevé, dépassant dans bien des domaines celui des Européens. « En termes technologiques, [la Chine] se trouvait dans une position dominante avant et après la Renaissance en Europe », souligne Joseph Needham, historien des sciences. Cette avance se confirmait dans des domaines tels que l’acier et le fer, les horloges mécaniques, l’ingénierie (ponts à suspension), les armes à feu et les équipements pour forages profonds.
Il n’est donc pas surprenant que l’Asie ait eu une place prépondérante dans l’économie manufacturière mondiale de l’époque. Selon les estimations de l’historien Paul Bairoch, en 1750, la part relative de la production manufacturière chinoise était de 32,8 %, alors que celle de l’Europe était de 23,2 % – leurs populations respectives étant estimées à 207 millions et 130 millions de personnes. Prises ensemble, les parts de l’Inde et de la Chine atteignaient 57,3 % de la production manufacturière globale. Si l’on ajoute à l’Inde et à la Chine les parts des pays d’Asie du Sud-Est, de Perse et de l’Empire ottoman, la part de l’Asie au sens large (n’incluant pas le Japon) avoisinait les 70 %. L’Asie était particulièrement dominante dans la production de produits textiles finis (cotonnades et soieries indiennes et chinoises) – secteur qui deviendra plus tard l’industrie phare, globalisée, de la révolution industrielle européenne.
Toujours selon les estimations de Bairoch, la Chine connaissait en 1750 des niveaux de productivité supérieurs à la moyenne européenne, si l’on tient compte des populations respectives de l’époque : le produit national brut par habitant en Chine s’élevait à 228 dollars (9), contre 150 à 200 dollars selon les pays en Europe. Avec 66 % de la population mondiale, l’Asie au sens large représentait, toujours en 1750, près de 80 % des richesses produites (du PNB) de la planète. Cinquante ans plus tard, le PNB par habitant de la Chine et celui de l’Europe convergeaient, l’Angleterre et la France étant les seuls pays européens dont les niveaux d’industrialisation (production manufacturière par habitant) étaient légèrement supérieurs à celui de la Chine.
En somme, comme l’écrit André Gunder Frank, « la Chine et l’Inde étaient les deux grandes régions les plus“centrales” dans l’économie mondiale », la position compétitive de l’Inde s’expliquant par sa « productivité relative et absolue » dans le secteur des textiles, par sa « domination du marché mondial des cotonnades » ; celle de la Chine découlant de sa « productivité encore plus grande dans les domaines industriels, agricoles, dans le transport (fluvial) et le commerce ». Lorsqu’on s’intéresse aux Etats plus petits mais prospères, tels le Siam (la Thaïlande d’aujourd’hui), on s’aperçoit que le phénomène s’étendait bien au-delà des frontières des deux géants asiatiques. Dans ce tableau d’ensemble, l’Europe et les Amériques jouaient « un rôle d’une faible importance » avant 1800, essentiellement centré sur le commerce triangulaire atlantique.
Cet ensemble d’éléments remet en cause l’idée encore largement admise que l’ère occidentale aurait débuté en 1500 avec la découverte et la colonisation des Amériques. La fracture fondamentale du monde n’interviendra que plus tard, au XIXe siècle, avec l’accélération de la révolution industrielle et l’expansion coloniale, quand la domination globale européenne se traduira par la désindustrialisation de l’Asie. Par là, il faut entendre la disparition quasi complète dans le cas de l’Inde et partielle pour la Chine de leurs manufactures artisanales au cours du XIXe siècle.
Cette désindustrialisation résultait d’un double mécanisme. Elle tenait, d’abord, à l’avance européenne désormais acquise sur le plan technique. Le machinisme permettait des hausses de productivité importantes, donc une croissance explosive des manufactures, dont le coût de production baissait de plus en plus. Ensuite, cette désindustrialisation procédait des termes de commerce et d’échange inégalitaires imposés de façon coercitive par les métropoles coloniales : la concurrence des manufactures européennes sur les marchés indien et chinois se faisait dans un cadre de « libre-échange » qui était tout sauf libre, les colonies se trouvant dans l’obligation d’ouvrir unilatéralement leurs frontières aux produits européens, sans contrepartie.
C’est pourquoi l’Inde, première manufacturière de cotonnades avant 1800, vit son industrie textile assez rapidement dévastée. Elle allait devenir un exportateur net de coton brut et finir, vers la fin du XIXe siècle, par importer la quasi-totalité de ses besoins en produits textiles. Parmi les conséquences humaines tragiques de la transformation du pays en exportateur de biens primaires, on se souviendra des famines dévastatrices dues à la substitution du coton aux cultures vivrières, sans mentionner le recul général du niveau de vie de la population. Quant à la Chine, à qui la Grande-Bretagne puis la France avaient imposé, à travers les deux guerres de l’opium (1839-1842 et 1856-1858), la consommation de l’opium produit aux Indes, elle dut accepter des traités inégaux et connut une désindustrialisation partielle de son industrie sidérurgique.
De là découlent la création des tiers-mondes, la divergence toujours croissante au cours du siècle entre pays colonisés et colonisateurs. Alors que la Chine et les Indes représentaient 53 % de la production manufacturière mondiale en 1800, elles ne comptaient plus que pour 7,9 % en 1900. Et si, au début du XIXe siècle, le PNB par habitant en Europe et en Asie était à peu près équivalent – 198 dollars en moyenne pour l’Europe, 188 dollars pour les futurs tiers-mondes –, avec donc un ratio de 1 à 1, dès 1860 ce ratio était passé de 2 à 1, et même de 3 à 1 dans le cas de la Grande-Bretagne (575 dollars, contre 174 dollars dans les tiers-mondes). En fait, comme l’indiquent ces derniers chiffres, « remarquables et horrifiants » selon l’expression parlante de Paul Kennedy, le recul par rapport à l’Europe ne fut pas seulement relatif, il fut absolu : en 1860, le niveau de vie dans les pays colonisés avait décliné par rapport à 1800, du fait de l’expansionnisme européen.
Seuls le Japon et le royaume de Siam échappèrent à la colonisation. Grâce à la restauration Meiji de 1868 et à la création d’un Etat dirigiste fort, le Japon sera le seul pays non occidental à réussir son effort d’industrialisation et de modernisation au XIXe siècle. Les racines de la réussite nippone dans la seconde moitié du XXe, en dépit de la catastrophe de la seconde guerre mondiale, se trouvent là. Si la discontinuité historique est plus longue, la trajectoire ascendante prise par la Chine ces deux dernières décennies est également ancrée dans l’histoire longue de ce pays. Longtemps habitué à être le sujet pensant de l’histoire des autres, l’Occident devra désormais repenser sa propre histoire non plus comme exception, mais comme un moment circonscrit dans l’histoire universelle.