D'abord, il y a des capitaux en Suisse (pas seulement d'origine financière). Ensuite, la main-d'œuvre est plus qualifiée qu'ailleurs (tradition industrielle et alphabétisation). Enfin, il existe une importante structure proto-industrielle dès la fin du XVIIIe siècle.
C'est la concurrence anglaise à partir de la fin du Blocus continental (qui avait relativement protégé la Suisse de cette concurrence) qui oblige les Suisses à faire leur véritable révolution industrielle, car le pays doit absolument exporter (cela ressemble à la Grande-Bretagne pour ce point) pour pouvoir importer les denrées alimentaires que ne peut produire une agriculture insuffisante.
Il y a donc du capital ; de la main-d'œuvre (meilleure marchée qu'en Grande-Bretagne) ; de l'énergie hydraulique (cela permet de ne pas importer de charbon) ; et la tradition technicienne proto-industrielle. Cela démarre dans le textile, sans mettre fin aux secteurs proto-industriels.
Mais la hausse de la concurrence (développement européen de l'industrialisation oblige) amène la Suisse au cours de la seconde moitié du XIXe siècle à une nouvelle adaptation. Pour encore plus exporter, les Suisses s'engagent encore plus dans le capitalisme international en développant le libre-échangisme et les chemins de fer, jusqu'alors quasi-inexistants (25 km en 1850 !). La création de la Confédération helvétique en 1848 donne un centre d'impulsion politique, qui permet une construction ferroviaire... initiant la construction mécanique. En plus, la Suisse peut désormais jouer un rôle de plaque-tournante commerciale. Dans le même temps, la mécanisation se répand dans l'ancien secteur proto-industriel (favorisant ainsi l'émigration) et les Suisses ciblent des productions de haute qualité et high-tech (pour l'époque !).
Lors de la seconde révolution industrielle, ils se servent de leur relief pour développer la houille blanche, et choisissent la pharmacie et les colorants (plutôt que la chimie lourde, domaine des Allemands). Enfin, les Suisses modernisent profondément leur industrie alimentaire et inventent le tourisme moderne.
On a donc au final un modèle de développement fort original et réussi.
_________________ « Le luxe [...] corrompt à la fois le riche et le pauvre, l’un par la possession, l’autre par la convoitise ; [...] il ôte à l’État tous ses citoyens pour les asservir les uns aux autres, et tous à l’opinion. »
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