Dans certains pays de l'Est, des partis opposés au communisme tiennent tête courageusement, aidés par le maintien d'élections libres pour ne pas casser trop vite la vitrine démocratique que Staline présente à l'occident.
Par exemple, en Hongrie, le parti des petits propriétaires terriens se bat avec la dernière énergie contre la mainmise communiste progressive. Dans ce pays tout reste à faire pour en faire une démocratie "populaire", le NKVD a du pain sur la planche. La technique stalinienne va pour partie consister à accuser de collaboration avec les nazis toutes les têtes qui dépassent, c'est tellement facile ! (Le père de Sarkozy a dû émigrer pour cette raison, et l'accusation fabriquée l'a poursuivi jusqu'en France.) Il y a aussi évidemment à mettre la main sur le ministère de l'intérieur (un peu partout cela se fera dans le cadre de gouvernement d'union nationale, sachant que c'est ce ministère là, et pas un autre, que veulent les communistes.) et à commencer le noyautage de la police par des militants communistes. Si on trouve le moyen de mettre la main sur le ministère de la défense c'est encore mieux.
Bref, tout un travail de sape, qui prend du temps. Je ne parle pas de la malheureuse Pologne, où les opposants potentiels ont été massacrés pendant la guerre, mais partout ailleurs la consolidation du glacis est à peine entamée. Elle n'a même pas commencé en Tchécoslovaquie, qui fonctionne de façon parfaitement démocratique et ne tombera qu'en 48. (Où le coup d'état réussi par un envoyé de Staline laissera l'occident ébahi et sans réplique possible :"ce sont des affaires intérieures tchécoslovaques, de quoi vous mêlez-vous ?") A noter dans le coup de Prague le rôle clé mais fugitif joué par un ministre démocrate-chrétien qui était sans doute un communiste infiltré dès l'avant-guerre - le Komintern puis le NKVD travaillent dans la durée - et qui s'effacera après l'opération. (Les meilleurs intoxications, dit Pierre Nord, sont celles dont on ne sait pas qu'elles ont eu lieu.)
En attendant que tous ces pays basculent dans le camp du bonheur socialiste, la consigne de Staline aux PC français et italiens est simple : se tenir tranquille ! Pas de vagues avec les occidentaux. (Ces consignes changeront, avec notamment des grèves insurrectionnelles en France, quand Staline se saura assez bien installé pour passer à l'affrontement avec l'ouest.)
Au passage, les leaders communistes qui ont pris le pouvoir dans les pays de l'est, une fois le communisme installé de façon indéboulonnable, seront éliminés. L'idée, c'est que ces gens qui ont combattu dans la résistance communiste pour leur pays risquent soudain de se rappeler qu'ils sont hongrois, tchèques, bulgares... et d'oublier leur rôle de valets. Procès de Moscou, pendaisons, Staline les balaie d'un revers de main. Ne pas prendre le moindre risque de tentation nationale dans les annexes de Moscou !
"Vous aviez combattu partout la bête immonde, des brigades d'Espagne à celles du maquis, votre jeunesse était l'histoire de ce monde, vous aviez nom Kostov ou London ou Slansky." (Jean Ferrat - Le bilan.)
_________________ Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)
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