tibère a écrit :
Je vois qu'avec shinji nous ne parlons visiblement pas de la même chose.
Moi je trouve ça très intéressant comme débat, et j'entends vos arguments. Je les conteste juste parce que je ne suis pas d'accord avec eux : vous écriviez que "la vie démocratique et le respect de nos institutions sont souvent pollués par des positions systématiques et partisanes", je répondais qu'au contraire, il me semble qu'exprimer des positions partisanes n'est pas une pollution de la vie démocratique, mais un critère même de la vie démocratique. Pour faire une démocratie, il faut des partis, donc des positions partisanes (même si c'est devenu un vilain défaut que d'être partisan, comme si nous étions tous devenus des êtres éthérés flottant au-dessus des catégories et des systèmes sans, bien malin que nous sommes, se salir à leur contact), et un vote, et d'autres éléments encore.
S'opposer ne relève pas seulement de la liberté d'expression, mais du jeu démocratique lui-même. Il n'y a pas de démocratie sans opposition, fut-elle, cette démocratie, élective ; et cette opposition, ce n'est pas tous les 5 ans, le jour du vote, c'est quand chacun le désire.
Je ne sais pas si on peut lister les critères qui, historiquement (puisqu'on ne peut pas s'appuyer sur une grande synthèse type "charte de l'ONU" : elle ne contient pas une telle définition), font d'un régime une démocratie... Est-ce cela que sous-entend la division de ce hors-sujet en nouveau sujet ? Ce serait fastidieux, et surtout j'ai peur qu'il y ait autant de cas particuliers que de régimes démocratiques. Et puis il y a la variabilité historique, et la variabilité à l'intérieur des critères eux-mêmes :
Par exemple, le vote lui-même contient ses variations propres : aujourd'hui, lorsqu'on parle du vote, on sous-entend le vote de tous les citoyens, c'est-à-dire hommes & femmes de 18 ans et plus. Mais cette définition du droit de vote est variable :
- avant 1944, ce suffrage universel est uniquement masculin, et réservé aux plus de 21 ans (jusqu'en 1974) ;
- entre 1815 et 1830, l'âge de la majorité électorale (suffrage masculin) est fixé à 30 ans, puis à 25 ans en 1830, puis à 21 ans en 1848 ; encore auparavant, la constitution de 1791 le fixait à 25 ans, et celle de 1793 à 21 ans ;
- pourquoi ne pas imaginer que cela évolue encore ? que faire, dans certains pays développés dont le vieillissement de la population est très marqué, pour "oser" des politiques de réformes, des politiques non-conservatrices, sachant que la sociologie politique montre que le vote est d'autant plus conservateur que l'âge est élevé ?
calade a écrit :
En fait, le problème de l'élection du président de la République au SU direct, c'est qu'elle n'a rien de pluraliste : aucune représentation de l'opposition (même lorsque l'élection est très serrée comme en 1974). Seul un parlement permet le pluralisme, qui est un pilier capital de la démocratie.
En théorie, l'élection du président de la République française est pluraliste en ce que le président, une fois élu, n'est plus le représentant de son parti, mais du peuple dans son ensemble. En cela d'ailleurs, s'appuyer sans cesse sur le score du second tour du président pour légitimer son action est une grave erreur, car le président une fois élu n'est pas l'incarnation des x % (53 %, par exemple) qui l'ont élu, mais l'incarnation de tous les citoyens, même les 100-x % (47 %, par exemple) restant.
Bref, l'opposition n'a pas plus de raison d'être "représentée" à la présidence que la majorité n'en a. C'est pourquoi on distingue bien, ou devrait toujours bien distinguer, la majorité, l'opposition et le président comme trois entités politiques distinctes.
Bien entendu, ceci n'est qu'une fiction politique, qui a été élaborée pour justifier le pluralisme de la présidence de la République... Dans les faits, le président a toujours continué d'être le représentant de son parti...