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Message Publié : 04 Déc 2009 23:06 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 23 Avr 2008 9:32
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Localisation : région de Meaux
Qu'est ce qui a poussé une gauche française de tradition jacobine et traditionnellement centralisatrice par fidélité à l'héritage révolutionnaire à se lancer dans la décentralisation en 1982 ? L'idée était plutôt l'apannage des royalistes au XIXe siècle et de la droite Maurassienne ensuite ?

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Message Publié : 04 Déc 2009 23:10 
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Eginhard
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Vous n'aimez décidément pas les majuscules pour les titres de topic, Liber censualis ! :wink:

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[...] Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie
Et l'aimer même si le temps est assassin
Et emporte avec lui les rires des enfants
Et les mistrals gagnants...

Renaud, Mistral gagnant, 1985.


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Message Publié : 05 Déc 2009 1:08 
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Georges Duby
Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
On peut discuter des tendances jacobines de la gauche française, qui s'effacent toutefois lorsqu'elle fonde la 3è République, sans doute par réaction au second empire et à ses préfets tout-puissants. La République met alors en place des collectivités plus libres au plan départemental et communal. Le grand statut des communes date de 1884. Puis, c'est un certain statut quo avec des progrès mesurés mais constants de la décentralisation. De Gaulle continue à accroitre les libertés locales.
1982 est un tournant probablement en réaction contre un Etat jugé technocratique, dirigé de fait par le ministère des finances, mais aussi par l'influence auprès de F. Mitterrand de Mauroy et Defferre, maires de Lille et de Marseille, acquis à l'idée de libérer totalement les collectivités de toute tutelle de l' Etat. A cette époque, l' Etat passe pour avoir été colonisé au cours des 23 années de pouvoir ininterrompu de la droite. Il basculera pourtant sans problème à gauche mais les dirigeants socialistes ne le prévoient pas. L'idée est certainement de prendre le pouvoir en province après avoir conquis l' Etat et de marquer l'histoire.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 05 Déc 2009 10:20 
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Inscription : 27 Oct 2007 9:34
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Localisation : Myrelingues la brumeuse
Et puis aussi un certain pragmatisme a prévalu. La centralisation jacobine, à l'origine, avait été institué pour garder unis des bretons, languedociens, provençaux et alsaciens, qui souvent ne parlaient que leur propre langue, ne sortaient pas ou peu de leur village, et raisonnaient, au mieux, en terme de province mais jamais en terme de nation. L'école Laïque, gratuite et obligatoire, malgré ses imperfections en terme de sauvegarde des langues régionales, a pallié à ce problème. Donc déjà au début du XXème siècle, ce problème était pratiquement résolu et on ne fonctionnait plus que sur les habitudes acquises. Il fallut attendre les années 60 pour que la lourdeur du système, son manque de souplesse se fissent criants. Et on s'est hâté lentement de faire des réformes.

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C'est l'ambition qui perd les hommes. Si Napoléon était resté officier d'artillerie, il serait encore sur le trône.

Mr Prudhomme


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Message Publié : 05 Déc 2009 11:00 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 23 Avr 2008 9:32
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Localisation : région de Meaux
Mais comment le PC a t'il réagi ? Et les jacobins pure souche comme Chevènement ? Il n'y a pas eu contestation ?

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Message Publié : 05 Déc 2009 23:23 
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Georges Duby
Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
PC et Chevènement étaient alors dans la majorité présidentielles de 1981, il n'y a eu aucune contestation de leur part à ma connaissance des réformes dites Defferre qui ont été votées dans l'euphorie. Chevènement avait auparavent dénoncé le rôle excessif de l' ENA dans la République, il était lui-même fier de ses mandats d' élu local.
Le PC trouvait aussi son compte à la réforme, car les moyens des mairies et des conseils généraux communistes, surtout les mairies, soutenaient fortement le PC et la CGT. Les préfets ne pouvaient empêcher les transferts illégaux car aucun n'osait et ne pouvait de fait déférer au Tribunal Administratif les décisions. Les juges judiciaires n'interviendront dans ce domaine comme les chambres régionales des comptes, que plus tard. Ils vont découvrir des horreurs.
il y a eu une période euphorique pour tous les élus et certains dont beaucoup de communistes et de socialistes ont fait un peu n'importe quoi pour financer les campagnes nationales et locales.
C'est dire que personne ne pensait plus alors que la gauche pour mieux réformer devait être jacobine. Le jacobinisme a été oublié. Les collectivités ont entrepris de grands travaux et développé considérablement les services publics locaux. Les grands élus de gauche sont devenus des entrepreneurs publics et ont compris le pouvoir que donnait la décentralisation Defferre. Il y a eu même un peu d'hubris, dont les effets se font encore sentir.

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Message Publié : 10 Déc 2009 13:15 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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Je suis assez d'accord avec les explications d'Alain G (toujours bon connaisseur de nos institutions et pratiques administratives). Il a souvent été dit que Mitterrand n'y tenait pas vraiment mais était plutôt sous l'influence de grands maires (Mauroy et Defferre) effectivement. D'ailleurs son passage au ministère de l'intérieur en 1954 ne s'est marqué par aucune tentation "girondine" :wink: !

J'joute un point qui me semble important : l'état d'esprit des années 60. Jusqu'alors la gauche était marquée par la recherche de l'égalité assurée par un Etat certes démocratique mais aussi (et surtout) fortement dirigiste. Cette culture a peu à peu laissé place à une culture "autogestionnaire" moins dirigiste, moins obsédée d'égalité et plus sensible aux libertés (exemple type : le journal LIBERATION). C'est en s'appuyant sur cette nouvelle culture que Mitterrand a éliminé Mollet et les Molletistes et a tenu en lisière Rocard (qui aurait pu être le porte-parole de ce courant).

Cela dit les deux cultures coexistent : la loi de 1982 "décentralise" mais dans des limites assez strictes au fond car les compétences des collectivités restent restreintes. L'essentiel du pouvoir reste à l'Etat (et au niveau central) : la nationalisation des banques et de sept groupes industriels majeurs, la relance budgétaire donnent à l'Etat des moyens d'action inégalés (jusqu'alors et depuis). Par ailleurs la télévision ou la sécurité sociale restent fortement "jacobines" (seule l'Alsace Moselle a une sécurité sociale locale).

Un autre point me semble important : le gaullisme et sa relation à la classe technocratique ont fait passer "à droite" un certain nombre de thèmes jusqu'alors de "gauche" (le dirigisme, la centralisation, etc ...). La Vè république voit l'étiolement de la tradition libérale à droite - même si Giscard essaie de s'y rattacher mais son septennat montre qu'endehors de quelques gadgets il est finalement un héritier du Général à mon avis (mais c'est un autre débat).

Une dernière chose : la mot "jacobin" doit être employé avec prudence car de 1790 à 1800 l'administration locale était certes uniforme (en rupture avec les privilèges locaux de l'ancien régime et ses multiples absurdités) mais était parfaitement décentralisée puisque dépourvue de tutelle et reposant exclusivement sur des conseils élus. en plus il a pris un sens péjoratif qui complique le débat.

j'ai écrit cela vite et il faudrait compléter et préciser certainement.


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Message Publié : 12 Déc 2009 17:56 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 12 Nov 2009 21:20
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Localisation : 13
pour élargir le débat : comment expliquer que la gauche ait dans les années 80 abandonner ses convictions étatistes pour se rallier au marché intégral, au monétarisme (indépendance de la banque centrale européenne) et même (sous jospin) aux privatisations ? et puis pour finalement renoncer à défendre des idées autonomes sur l'économie pour prvilégier les questions de société (immigration, racisme, peine de mort, pacs, etc ...).

et comment expliquer que ce ralliement ait finalement susciter si peu de débats ?

seule exception : les 35 heures sous jospin - mais ce n'est pas exactement de l'etatisme...


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Message Publié : 12 Déc 2009 21:22 
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Georges Duby
Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
Pour l'économie la gauche française a voulu rejoindre ce qui marchait, a tiré les leçons de ses déboires de 1981-82 dus à ses vieilles croyances économiques dirigistes, a rejoint la gauche européenne qui a adopté le marché depuis longtemps et enfin suivi Jacques Delors son éminence grise,ardent libéral de conviction qui a construit à Bruxelles les règles européennes sur la concurrence. Jospin a visiblement évolué assez spectaculairement et rejoint Straus-Kahn.
Peu de débats pour ne pas saluer sa conversion et lui en faire crédit à droite, éviter qu'elle revienne en arrière et pour essayer de le cacher à gauche afin de ne pas être débordé comme en Allemagne. On a donc un PS qui sait que le marché assure seul la croissance mais continue pour ne pas perdre de voix à parler le vieux langage d'avant-guerre. Cela ne gêne personne!

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Message Publié : 16 Déc 2009 19:00 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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la position de M Alain G me semble soutenable mais j'apporterais quelques nuances : d'une part, je pense que Mitterrand fondamentalement ne croyait pas en son programme - toute sa vie jusqu'en 1968 montre qu'il s'inscrit dans une tradition centriste (à la rigueur de centre gauche) méfiante à l'égard du capitalisme libéral certes mais pas au point de croire sincèrement aux excès du programme commun et aux 110 propositions. Mitterrand est de plus sincèrement européen dès la IV è république : en 1983 d'ailleurs quand il doit choisir entre ses engagements et l'Europe il choisit l'Europe.
Je pense que c'est en 68 (au plus tard - peut-être dès 65 ou même 62) qu'il a compris que de Gaulle ne pouvait être battu par un candidat centriste et qu'il fallait que lui Mitterrand se positionne tres à gauche pour prendre le contrôle du PS et bâtir l'union de la gauche quitte à adopter un programme insensé.

Secundo, ce virage à gauche de Mitterrand dans les années 60 correspond chronologiquement à l'apparition d'un puissant courant libertaire à gauche à partir de 68. Là encore c'est par souci tactique que Mitterrand a exprimé des attentes de ces milieux (peine de mort, décentralisation) qui en fait ne plaçait pas l'économie au centre de leurs préoccupations (et ce malgré le discours ouvriéristes des étudiants trotskistes) mais lui permettait de prendre le contrôle du PS contre Mollet et ses héritiers - tout en se distingant des communistes en soulignant le caractère non autoritaire du PS.

Au final on obtient le triangle du 10 mai 1981 :
- un angle "traditionnaliste" composé d'hommes de gauche "classiques" étatistes qui ont inspiré le programme économique (nationalisation, deficit budgétaire, embauches massives de fonctionnaires, impôt sur la fortune)
- un angle "gauchiste" composé de 68ards qui inspirent les mesures sociétales (au demeurant peu nombreuses)
- au sommet un homme seul, intelligent, cultivé, manipulateur et sans scrupules.

Au fil du temps le courant tradi va s'affaiblir : discrédité par l'échec économique de 82/83, affaibli par la mauvaise image du PCF (qui quitte le Gouvernement en 1984) et la marginalisation progressive du CERES... tandis que le courant gauchiste va se renforcer, notamment en transformant son antipatriotisme et son antiétatisme fondamental en un engagement pro-européen d'atant plus résolu qu'à l'époque nul ne comprend que l'Europe se fonde sur des bases libérales !!! Je suggère à tous de lire LIBE de la période 1981/1988 pour le sentir.

La réeléction de 1988 se fait sur un programme digne du parti radical : "ni ni" et "l'Europe !!! l'Europe !!!". Mitterrand a jeté son masque. Il n'a jamais été autant sincère qu'en proposant l'ouverture à Soisson et compagnie...

ce que Chirac et son camp n'ont pas compris selon moi c'est le rêve de Mitterrand c'est en quelque sorte un retour à la IVè république - mais pas pour sa constitution et son instabilité : un retour à la IVè pour sa politique économique et sa diplomatie...

L'erreur de Mitterrand a été de croire que l'Europe dont parlait Kohl était celle d'Adenauer et Monnet - que nenni... l'Europe de Kohl nolens volens a été celle de Thatcher.

Bon je synthétise à grands traits et j'exagère sans doute un peu !! soyez indulgents !


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Message Publié : 16 Déc 2009 19:09 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 08 Déc 2009 18:21
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Il faut avoir aussi que la politique de la gauche et la vue de Mitterand notamment a été de construire l'Europe dans une notion de paix et d'équilibre européen en faveur de la France notamment.
C'est dans ce sens que c'est établi les relations franco-allemandes, que ce soit de gauche ou non!

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"Il n'y a point de place faible, là où il y a des gens de coeur." Pierre du Terrail

"Qui est le numéro 1 ?
Vous, Numéro 6. " Le Prisonnier


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