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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 10:36 
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Polybe
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@ Tonnerre


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En effet, il n'y a guère que les élites pour affirmer que le pouvoir des élites est une bonne chose.


Kant, dans son fameux Qu'est-ce que les Lumières, critique d'abord les masses (ou peuple) elles mêmes parce qu'elles n'ont pas le courage de sortir elles mêmes de leur minorité et préfère se laisser guider par les autres Lumières. Tout simplement par paresse et par facilité et les Lumières sont ici l'élite.

On parle plus bas de Bourdieu, il fait partie de l'élite et pourtant il est très critique sur la reproduction sociale de ces mêmes élites. Les Héritiers. Les étudiants et la culture ou La Noblesse d'Etat. Grandes écoles et esprit de corps, sont des titres explicite.


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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 11:01 
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Pierre de L'Estoile
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Salammbô a écrit :
@ Tonnerre


Citer :
En effet, il n'y a guère que les élites pour affirmer que le pouvoir des élites est une bonne chose.


Kant, dans son fameux Qu'est-ce que les Lumières, critique d'abord les masses (ou peuple) elles mêmes parce qu'elles n'ont pas le courage de sortir elles mêmes de leur minorité et préfère se laisser guider par les autres Lumières. Tout simplement par paresse et par facilité et les Lumières sont ici l'élite.

On parle plus bas de Bourdieu, il fait partie de l'élite et pourtant il est très critique sur la reproduction sociale de ces mêmes élites. Les Héritiers. Les étudiants et la culture ou La Noblesse d'Etat. Grandes écoles et esprit de corps, sont des titres explicite.


précisément Salammbô, on a affaire à un phénomène pas forcément conscient...Il est simplificateur de dire que chacun pousse son chariot.Il y a aussi intériorisation de ces mécanismes.

Résultats d'une étude scientifuque sur la question(vidéo 6MN):

http://www.youtube.com/v/HH5fVD-1_I4

bien à vous

_________________
et tout le reste n'est que littérature


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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 11:22 
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Polybe
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Citer :
précisément Salammbô, on a affaire à un phénomène pas forcément conscient...Il est simplificateur de dire que chacun pousse son chariot.Il y a aussi intériorisation de ces mécanismes.


Bien sûr les deux existent probablement à la fois : conscient et inconscient. Il y a des gens dans leur "statut de minorité", pour reprendre Kant, qui ne se rendent compte de rien et d'autres qui en sont parfaitement conscient. :wink:

Je voulais juste souligner à Tonnerre que rien n'empêchait à des gens qui ne font pas partie de l'élite de trouver bon le pouvoir de ces élites. Pour diverses raisons d'ailleurs qui ne sont pas forcément toutes complémentaires.


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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 11:35 
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Jean Mabillon
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En effet, il n'y a guère que les élites pour affirmer que le pouvoir des élites est une bonne chose.
Kant, dans son fameux Qu'est-ce que les Lumières, critique d'abord les masses (ou peuple) elles mêmes parce qu'elles n'ont pas le courage de sortir elles mêmes de leur minorité et préfère se laisser guider par les autres Lumières. Tout simplement par paresse et par facilité et les Lumières sont ici l'élite.

On parle plus bas de Bourdieu, il fait partie de l'élite et pourtant il est très critique sur la reproduction sociale de ces mêmes élites. Les Héritiers. Les étudiants et la culture ou La Noblesse d'Etat. Grandes écoles et esprit de corps, sont des titres explicite.


Ce sont des intellectuels, catégorie pour laquelle la surdéterminations socio-économique de l'adhésion idéologique n'est justement pas du tout automatique, un intellectuel étant défini comme quelqu'un qui est capable, par sa capacité à une réflexion objective, de s'élever au-dessus de ces déterminations dont sont prisonniers les hommes ordinaires.
D'ailleurs, cette surdétermination n'est pas absolument rigide de toute façon, comme l'a souligné Marx, elle ne fonctionne à peu près que statistiquement, sur les grands nombres.
Mais cela dit, généralement et sauf cas à caractère exceptionnel, la plupart des gens pensent néanmoins à peu près ce que pense leur classe sociale.
Ce qui ne correspond pas toujours à l'intérêt de classe de leur classe proprement dit, et parfois même s'y oppose--et c'est la beauté de la démocratie :mrgreen: d'amener un nombre important d'électeurs , par la manipulation de l'opinion publique, à voter contre leurs propres intérêts.
Processus d'aliénation des consciences indispensable, en système démocratique, pour que les élites puissent se maintenir au pouvoir: elles doivent apparaître comme exerçant le pouvoir qu'elles détiennent dans l'intérêt de tous, alors que parfois/souvent, elles l'exercent essentiellement dans leur intérêt propre, voire même directement contre l'intérêt du plus grand nombre.
Des théoriciens de la défense du pouvoir des élites, comme Renan ou Le Bon, considèrent que tout affaiblissement du pouvoir des classes dirigeantes, comme cela a été le cas durant la Révolution par exemple, affaiblit une Nation et la rend vulnérable, au moins jusqu'au moment où une nouvelle élite se reconstitue, ce qui finit toujours par arriver--car qui dit société dit nécessairement élite, selon eux .


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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 11:50 
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Polybe
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Ce sont des intellectuels, catégorie pour laquelle la surdéterminations socio-économique de l'adhésion idéologique n'est justement pas du tout automatique, un intellectuel étant défini comme quelqu'un qui est capable, par sa capacité à une réflexion objective, de s'élever au-dessus de ces déterminations dont sont prisonniers les hommes ordinaires.


J'aime beaucoup cette définition de l'intellectuel. Si vous le voulez bien je vais vous la piquer. :mrgreen:


Citer :
Ce qui ne correspond pas toujours à l'intérêt de classe de leur classe proprement dit, et parfois même s'y oppose--et c'est la beauté de la démocratie d'amener un nombre important d'électeurs , par la manipulation de l'opinion publique, à voter contre leurs propres intérêts.
Processus d'aliénation des consciences indispensable, en système démocratique, pour que les élites puissent se maintenir au pouvoir: elles doivent apparaître comme exerçant le pouvoir qu'elles détiennent dans l'intérêt de tous, alors que parfois/souvent, elles l'exercent essentiellement dans leur intérêt propre, voire même directement contre l'intérêt du plus grand nombre.

J'adore votre cynisme!!! >:)

Mais en fait là, vous venez vous-même d'admettre que les masses sont capables de considérer comme bon le pouvoir des élites en votant pour elles, et ce en dépit du fait que ça peut être contraire à leur intérêt de classe. Bon bien sûr elles ne s'en rendent pas compte qu'elles sont flouées dans l'histoire. :mrgreen:
Mais à mon avis une partie sait qu'elle vote pour une élite.


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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 11:55 
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Jean Mabillon
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Un extrait du texte "L'élite et la foule" (1910) de Gustave Le Bon:

"Donc, les civilisations du type moderne sont créées par des élites et ne peuvent vivre et évoluer que par elles. Il fallait d'abord mettre ce point en évidence pour comprendre le problème auquel j'ai fait allusion en commençant. Ce problème, le voici :

Alors que les progrès scientifiques ont amené les élites de mentalité supérieure à diriger le mécanisme de la vie moderne, les progrès des idées politiques ont donné à des foules de mentalité inférieure le droit de gouverner et de se livrer par l'intermédiaire de leurs représentants aux plus dangereuses fantaisies.

Sans doute, si la foule choisissait pour la conduire les élites qui mènent la civilisation, le problème actuel n'existerait pas, mais ce choix n'est qu'exceptionnel, parce qu'un antagonisme de plus en plus marqué sépare la foule des élites. Jamais les élites ne furent plus nécessaires qu'aujourd'hui ; jamais cependant elles ne furent aussi difficilement supportées. L'élite intellectuelle pauvre est à peu près tolérée parce qu'on ne la connaît guère. L'élite industrielle opulente n'est plus acceptée et les lois dites sociales, édictées par les représentants des multitudes, n'ont d'autre but que de la dépouiller de ses richesses."

http://www.bmlisieux.com/curiosa/lebon02.htm

A la fin de sa vie, Le Bon avait exprimé son soutien au fascisme mussolinien.


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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 12:00 
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Thucydide
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Tonnerre a écrit :
Processus d'aliénation des consciences indispensable, en système démocratique, pour que les élites puissent se maintenir au pouvoir: elles doivent apparaître comme exerçant le pouvoir qu'elles détiennent dans l'intérêt de tous, alors que parfois/souvent, elles l'exercent essentiellement dans leur intérêt propre, voire même directement contre l'intérêt du plus grand nombre.

C'est selon moi le principal problème de nos grands Etats modernes. Les élites occidentales défendent la mondialisation et le libre-échange, les nations sont presque des obstacles pour elles, alors que réfléchir à une politique faite pour et dans le cadre de la nation servirait bien davantage les intérêts du "peuple". Il y a une contradiction que seul ce "processus d'aliénation des consciences" dont vous parlez peut régler, en faisant croire au peuple que ses intérêts sont les mêmes que ceux des élites.

Je me trompe peut-être, mais j'ai le sentiment que dans l'histoire de l'occident, seules les petites communautés sans représentation politique (certaines cités grecques mais aussi les cantons suisses d'aujourd'hui, qui fonctionnent sur le principe de la démocratie directe) ont réussi à minimiser au maximum l'influence des élites sur la prise de décisions politiques (sans réussir à la rendre nulle pour autant, loin de là).

Edit : ce n'est pas étonnant que Le Bon finisse par soutenir le fascisme, car c'est l'alternative radicale à la cession totale du pouvoir politique aux élites (les objectifs poursuivis par la politique fasciste et par la politique des élites actuelles étant diamétralement opposés).


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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 13:00 
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Salluste
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Qui sont ces fameuses élites ?

a) ceux qui gouvernent.
b) ceux qui ont du pouvoir (ce qui peut être lié à la direction de l'Etat, mais pas nécessairement).
c) ceux qui ont réussi socialement, c'est-à-dire ceux qui sont au sommet de la pyramide sociale, grâce à leur compétence et/ou leur richesse.

L'idée d' "élites" regroupe le président, les ministres et parlementaires (a). C'est la partie qui est certainement la plus aisée à saisir. En font aussi partie les médias (b): le fameux quatrième pouvoir décrit dès le XIXème siècle. Par conséquent, les patrons des principales chaînes télévisées, radio et des titres de presse. Leur pouvoir réside dans le public de masse auxquels ils s'adressent, ce qui leur confère l' "oreille du peuple", si je puis ainsi m'exprimer. C'est la catégorie idéale pour les adeptes des théories du complot, dans laquelle ils peuvent ranger francs-maçons, juifs, jésuites et autres groupes censés posséder un pouvoir officieux mais non moins réel selon eux.
Enfin la dernière catégorie peut contenir sportifs de haut niveau, intellectuels et/ou universitaires, ainsi qu'agrégés et certifiés (tout dépend du point de vue, même si les certifiés d'aujourd'hui n'ont pas le prestige social des hussards noirs de la République d'hier), artistes reconnus.

Prenons maintenant des exemples connus. Van Gogh, si l'on s'en tient à cette ébauche de catégorisation (qui a ses limites, comme toute catégorisation, qui plus est pour une expression aussi complexe), n'aurait jamais été une élite. Nous connaissons ses difficultés et, bien que talentueux selon nos critères, il n'a jamais pu vendre qu'une petite toile de son vivant. L'élite s'inscrit donc dans son époque, elle ne le reste pas forcément toujours et peut s'éroder au contact du temps. Montaigne, lui, est une élite. Il appartient à une famille de petite noblesse, et a de surcroît été reconnu de son vivant comme un grand écrivain, comme une personne d'importance dont témoigne sa fonction de maire (b + c). On peut aussi être au sommet de l'Etat, sans le diriger, et toutefois être une élite. C'est le cas de toutes les épouses royales et impératrices qui étaient, hiérarchiquement, les premières femmes du pays (du moins dans de nombreux pays occidentaux à l'époque moderne, que l'on songe à Marie-Antoinette par exemple). L'abbé Pierre, qui revient sans cesse parmi les personnalités préférées des Français dans les sondages, bénéficie d'une sympathie collective dont il était déjà gratifié de son vivant. Il ne dirigeait pas directement le pays. Plus que d'avoir grimpé la pyramide sociale, c'était indéniablement un homme écouté, jusque par ceux qui étaient justement à la tête de l'Etat. En cela, l'abbé Pierre pourrait lui aussi être considéré comme une élite. Enfin, Jésus était-il une élite ? Il ne rentre ni dans les catégories a) et c). En revanche, il a indéniablement bouleversé la région dans laquelle il évoluait en étant à l'origine d'ardentes manifestations de soutien de la part des premiers groupes de fidèles et, encore plus, en suivant une courbe ascendante, des chrétiens des générations suivantes.

On voit que beaucoup peuvent être présentés comme des "élites". L'expression, selon que l'on adopte telle ou telle définition, peut encore en regrouper davantage. Il apparaît même presque hilarant de se demander si Jésus était une élite. La notion est, il faut le souligner, résolument contemporaine et très complexe et ma question ne visait évidemment qu'à remettre en cause notre définition courante et par trop basique.

N'est pas seulement une élite celui qui gouverne. Le pouvoir semble définir en premier lieu l'élite: est une élite celui qui détient plus de pouvoir que la majorité des autres. Pour autant, les autres disposent en démocratie, en république, bref dans tout régime se revendiquant de l'intérêt général, d'un pouvoir de gestion des affaires communes. Mais si le peuple gouverne, il ne peut faire partie de la première catégorie, qui ne regroupe que ceux qui ont plus de pouvoir que lui-même. Dans les démocraties indirectes, en le déléguant à un président, ministre, et autres chargés de l'exécutif, il a conféré un pouvoir supplémentaire qu'il n'a pas. Et c'est en cela qu'il n'est donc pas une élite, au contraire de ceux à qui il a délégué le pouvoir.

On lui délègue le pouvoir en raison d'une compétence reconnue. Deuxième trait caractéristique de l'élite: en plus d'être une minorité détenant un pouvoir, elle le détient grâce à sa compétence (la fameuse inscription figurant sur le fronton du Panthéon: "Aux grands hommes, la patrie reconnaissante" est évidemment une manifestation remarquable de cette reconnaissance publique aux forces des élites). Mais elle peut aussi le détenir par la richesse (c'est le cas en -c).

Là où le bât blesse concerne la légitimité que ce groupe possède. Une question que pose notamment Vilfredo Pareto, déjà cité. Pour Marx, ce pouvoir est quoiqu'il en soit illégitime puisqu'il sert à asservir la majorité. Bien évidemment, Marx condamne la catégorie a) et non les autres, dont il fait partie (tout le problème de définition des élites). On remarque d'ailleurs que seule cette catégorie passe, dans l'emploi courant de l'expression, pour désigner cette réalité des élites. Autrement dit, on ne retient bien souvent dans les emplois courants de l'expression que l'idée d'une oligarchie détenant le pouvoir (ce qui donne lieu à de magnifiques discours populistes opposant sommairement les élites et les autres). D'où résulte, je crois, que l'idée d'élite est devenue plus ou moins synonyme, dans son emploi courant, de l'opposition dominants/dominés.

Toujours concernant la légitimité, des protestations montrent bien ce problème de la compétence, soit de la légitimité, des élites qui ne seraient pas de droit juste qu'elles appartiennent à cette catégorie tantôt enviée tantôt décriée. Depuis une trentaine d'années, on voit surgir de véhémentes critiques des "nouveaux intellectuels" de la part des anciens (cf. La destitution des intellectuels, Y-C.Zarka). Dans les médias particulièrement, ceux qui constituaient il y a quelques décennies les "intellectuels", soit pour beaucoup d'entre-eux des universitaires, critiquent pour certains le rôle joué dans l'espace public - par l'intermédiaire des médias - par ces nouvelles figures qui ne laissent d'intervenir sur les plateaux. Il y a là une nette contestation de leurs compétences pour s'exprimer sur des sujets donnés, dans la droite ligne des problématiques soulevées par V.Pareto. Ils feraient partie d'une catégorie dans laquelle ils ne méritent pas de figurer, le fameux second trait qui la définit. Bref, en guise d'introduction, je définirais les élites comme un groupe minoritaire très hétérogène, disposant d'un pouvoir donné, acquis par la richesse et/ou les compétences, et bénéficiant d'une reconnaissance dans l'espace public.


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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 13:04 
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Jean Mabillon
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Edit : ce n'est pas étonnant que Le Bon finisse par soutenir le fascisme, car c'est l'alternative radicale à la cession totale du pouvoir politique aux élites (les objectifs poursuivis par la politique fasciste et par la politique des élites actuelles étant diamétralement opposés).


En fait, Le Bon considère que, dans des sociétés démocratiques, c'est à dire selon lui, où le peuple peut verser dans les pires utopies égalitaires, style communisme soviétique, le fascisme est le seul système qui permette aux élites traditionnelles de conserver l'essentiel de leur pouvoir, quitte à faire quelques compromis avec des hommes nouveaux , énergiques et sans scrupules, capables de leur redonner du sang neuf et de maintenir le peuple à sa place.
En fait, les fascismes aiment à se présenter comme populistes et antibourgeois, mais ils ne le sont qu'au niveau des superstructures--du discours tenu et du style d'intervention et decommunication-- pour employer de nouveau une terminologie marxiste.
Aucun membre des élites socio-économiques, grand capitaliste, banquier ou industriel allemand ou italien, pour peu qu'il ait accepté le régime en place, n'a jamais eu à se plaindre des nazis ou des mussoliniens, et la vaste majorité des classes supérieures s'y sont ralliés, souvent avec enthousiasme(du moins au début), parfois en se pinçant le nez.
Les régimes fascistes n'ont en tout cas pas changé grand'chose à la répartition de la propriété privée et aux modes de production en vigueur, bases économiques du pouvoir des élites en place.


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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 13:44 
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Pierre de L'Estoile
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Si vous le voulez bien, réinscrivons le débat dans une perspective historique :

Aujourd'hui, l'élite finit par désigner l'occupation d'une position enviable. « Les élites » au pluriel, est une expression construite par la sociologie contemporaine pour expliquer les transformations politiques des sociétés développées dans une perspective non marxiste. L'utilisation du syntagme "élites" « permet d’embrasser, sous un concept plus abstrait, les divers types de groupes dirigeants ou dominants qui se sont succédé […] et dont les appellations datées ont changé au fil des régimes. la forme plurielle des groupes en lutte dans le champ du pouvoir et leur légitimité en permanence contestée

(CHARLE (Christophe). « Légitimité en péril. Eléments pour une histoire comparée des élites et de l’Etat en France et en Europe occidentale (XIX-XXe siècles) » in Actes de la recherche en sciences sociales. N°116/117. Mars 1997. p. 39-52

Le constat de Christophe Charle est donc que le concept de d’élite à évolué mais est toujours confronté à une discussion de sa légitimité.Georges Dumézil a mis en avant trois fonctions dans la société indo-européenne ; c’est aujourd’hui en partie remis en question mais il est clair que dans l’Histoire indo-européenne (est-ce vraiment une particularitéde ces derniers ?) Les officiers du culte puis les officiers (au sens large) militaires ont la prééminence sur les paysans. Mais comme nous l’avons vu plus haut la légitimité est souvent remise en question.Donc tout naturellement,pour Dumézil, « le schéma tripartite est mort en Occident avec les États généraux de 1789, quand la noblesse et le clergé ont baissé le pavillon devant le tiers état. On a enfin répondu à la question : qu'est-ce que le tiers état ? Eh bien, c'était la ruine du système trifonctionnel»
Georges Dumézil, Le parcours initiatique d'un "parasite" des sciences humaines, interview de Didier Sanz pour Autrement, « Passion du passé ». Paris, 1987. p.57

Contrairement à Dumézil, je serai tenté de croire que l’investissement symbolique dont bénéficiaient les élites religieuses n'a pas disparu mais s’est simplement déplacé. Le symbolisme est devenu laïque mais n’en demeure pas moins symbolisme et marqueur d’une domination sociale. Voici la présentation d’un colloque organisé en 2001 auxquel j’aurais bien aimé assister :

S'il est vrai que " toute sociologie est une socioclastie ", que dire de la sociologie des pratiques culturelles ? L'artiste, l'écrivain, le philosophe, l'homme de science n'apprécient guère que soit percée à jour la part d'ombre et d'idéologie charismatique dont ils s'enveloppent. L'homme de culture et de savoir n'accepte pas non plus sans résistance que la libre subjectivité qu'il prête à ses goûts (ou au choix de ses objets et méthodes de recherche) soit renvoyée aux contraintes objectives dont ceux-ci portent les marques. Armé de concepts tels que ceux de champ, d'habitus, d'hexis, d'éthos, de violence symbolique ou d'illusio, Pierre Bourdieu procède depuis près de cinquante ans à ce démontage iconoclaste autant que nécessaire. Controversées ou désormais classiques, ses analyses demeurent de puissantes provocations à la réflexion, loin des études qui, s'emparant des phénomènes culturels comme d'autant d'objets substantiels, sans construire l'espace au sein duquel ils prennent forme et sens, conduisent, au mieux, à énumérer des marques sociales périphériques et, au pire, à entériner l'ordre culturel et ses classements.
Le colloque poursuit un double objectif. D'une part, il s'agira d'évaluer l'apport du sociologue à l'intelligibilité des pratiques symboliques et de prolonger cet apport dans des domaines tels que la littérature et les échanges linguistiques, les arts d'élite et les arts populaires, la culture politique et les stratégies médiatiques, ou encore les modes divers par lesquels s'opère l'incorporation des structures sociales. Comme il n'y a de science que dans la circulation et la mise à l'épreuve des méthodes et des concepts, il s'agira, d'autre part, de prendre la mesure de la diffusion internationale du travail de Pierre Bourdieu. Travaillant sur les cadres théoriques et méthodologiques qu'il a développés, bien des chercheurs aux Etats-Unis, au Japon, en Allemagne, en Angleterre ou encore en Amérique latine repensent ces cadres en fonction de leur aire culturelle ou scientifique d'appartenance. La confrontation de leurs points de vue constituera l'une des originalités de la rencontre.



Selon vous, la démocratie, au sens premier du terme, devrait elle tendre à une disparition des élites ? Il faut toujours se méfier de la notion de « naturels » en Histoire, néanmoins : les idéaux d’égalité ne vont-ils pas à l’encontre des penchants naturels de l’Homme ? C’est tout le débat entre Rousseau et Voltaire…

Bien à vous.

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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 14:01 
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Pierre de L'Estoile
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Bonjour Aponie

Je précise que j’avais posté le message précédent avant d'avoir lu que vous aviez problématisé le sujet sur le thème de la légitimité. Désolé pour la redite, bien que nos propos ne soient pas vraiment identiques, disons qu’ils sont complémentaires. ;)

Bien à vous

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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 15:01 
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Thucydide
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Yongle a écrit :
Selon vous, la démocratie, au sens premier du terme, devrait elle tendre à une disparition des élites ?

Je réinsère en réponse mon idée utilisée plus haut : dans les petits Etats où il est possible d'instaurer une démocratie directe (tous les citoyens forment l'Assemblée législative), les élites n'existent pas sur le plan politique (alors que lorsqu'il y a représentation, des élites politiques apparaissent ou bien les élites économiques deviennent également élites politiques).

La démocratie sous sa forme originelle étant la démocratie directe, je pense que la démocratie la plus pure doit faire disparaître les élites politiques. Mais pas les autres élites, qui existent dans n'importe quelle société. Sinon il faut supprimer les sociétés et que chacun vive comme Robinson.

edit : pardon de reparler toujours du politique, et pas de l'art, des sciences et de l'économie, mais la question m'oriente dans cette voie puisque Yongle pose la question des élites dans un régime politique précis : la démocratie.


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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 15:17 
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Phormion a écrit :
Je réinsère en réponse mon idée utilisée plus haut : dans les petits États où il est possible d'instaurer une démocratie directe (tous les citoyens forment l'Assemblée législative), les élites n'existent pas sur le plan politique (alors que lorsqu'il y a représentation, des élites politiques apparaissent ou bien les élites économiques deviennent également élites politiques).


Vous devriez vous intéresser à la vie politique suisse. Il y a encore 2 cantons qui maintiennent une Landsgemeinde.

Image

Et pourtant, il y a bien des élites politiques. Il y a toujours des élites politiques qui fédèrent des gens autour d'eux, soit par clientélisme, soit par leur force de conviction. Il semblerait même que ce soit l'explication la plus convaincante sur la naissance du langage. Pour aucune autre application on n'a besoin d'autant de mots. Le langage s'explique par le besoin de convaincre les gens que si on est plus faibles séparément, on peut devenir les plus forts si on est assez nombreux.

En fait, il existait une méthode pour obtenir le bon score à ces assemblées, mais ça ne fonctionne plus de nos jours. A l'époque médiévale, lors de telles assemblées, il suffisait de poster en nombre des hommes d'armes ... derrière les votants. C'est fou comme quelques dizaines d'hommes costaud qui lèvent la main bruyamment pour signaler qu'ils votent pour le seigneur Trucmuche peuvent entrainer un consensus en sa faveur ...

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 15:28 
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Je connais ce système, j'ai mentionné plus haut l'existence de la démocratie directe dans les cantons suisses. Mais vous avez raison, le principal problème de la démocratie directe des Grecs (comme c'est apparemment le cas en Suisse) a été le clientélisme. Mais on peut toujours se dire que comme les citoyens sont directement acteurs de la vie politique, il s'agrègent pour chaque vote aux groupes qui défendent les mêmes opinions qu'eux (ça paraît certes un peu utopique).

Le principal atout d'un tel régime pour moi, c'est que le citoyen lambda a potentiellement le même pouvoir de décision que le citoyen millionnaire : les élites économiques ont moins de pouvoir politique. En démocratie représentative, les élites économiques sont majoritaires parmi les élus, et font un peu "ce qu'elles veulent" à l'Assemblée.


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 Sujet du message : Re: La théorie des élites.
Message Publié : 17 Août 2011 16:22 
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Voici un article assez complet qui étudie la situation. Le premier paragraphe de la première partie en est, je trouve, assez représentatif :

Quel que soit le mot désignant les groupes dirigeants – patriciat, aristocratie, noblesse, oligarchie[10] [10] Bernard CHEVALIER, Les bonnes villes de France du XIVe...
suite, gérontocratie, ploutocratie, gouvernants, dominants, classe dirigeante, notabilités –, ceux-ci détiennent une légitimité accordée par la naissance, la compétence, qui leur donnent l’accès à la scène publique (détention de charges municipales, d’État, activité intellectuelle, mécénat).



http://www.cairn.info/revue-rives-medit ... page-7.htm

Bien à vous

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