jovien a écrit :
... et s'il y a une chose que le boulangisme évoque, c'est le Rpf (lequel, lui aussi, est rapidement retombé, mais dont les succès, ont témoigné, entre autres, d'une insatisfaction devant les exécutifs précaires) - il évoque aussi, dans une moindre mesure, les Croix de feu et le Psf, eux aussi nourris d'aversion pour l'ultra-parlementarisme (dans une moindre mesure, à cause du rythme : boulangisme et Rpf ont immédiatement connu le succès, puis ont rapidement reflué, au contraire du mouvement de La Rocque, dont on s'attendait à ce qu'il fasse un tabac aux élections prévues pour 1940 ; et à cause de la moindre popularité ou du moindre culte de leur chef : il me semble que les Croix-de-feu ou le Psf étaient beaucoup moins dépendant de la figure de La Rocque que n'étaient dépendants le boulangisme et le Rpf des figures de leurs chefs respectifs)..
Deux remarques :
- Il paraît très discutable de comparer le mouvement boulangiste et le mouvement gaulliste d'après-guerre (Rassemblement du Peuple Français, RPF). Les premières succès du RPF, fondé en 1947, proviennent pour beaucoup de sa capacité intégratrice de tous les anciens de la Résistance, tant de l'intérieur que de l'extérieur, de la gauche comme de la droite (!), de l'image du Général de Gaulle auprès de la population française, et de la participation de héros locaux de la résistance aux campagnes d'élections des candidats du RPF, à l'exemple de la région Grand-Est. Certes, Boulanger dispose d'un fort capital sympathie auprès de la population française et de l'armée - grâce à son rôle dans les réformes de l'armée - mais il n'est pas un libérateur comme de Gaulle, il était plutôt un conquérant en puissance, le Général Revanche.
Le déclin du RPF, quant lui, s'explique par sa résolution jusqu’au-boutiste à lutter contre le système constitutionnel de la Quatrième République et à refuser toute entrée au gouvernement, et donc au tiraillement entre ligne politique du chef et ambitions politiques des sécessionnistes de 1952. Le déclin du boulangisme, par contre, s'explique par une certaine réalité du pouvoir, notamment au Parlement, et l'incapacité de conciliation entre un boulangisme de gauche et un boulangisme de droite - alors que le gaullisme quatro-républicain va outrepasser cette dualité d'un gaullisme de gauche et d'un gaullisme de droite en étouffant son aile gauche après 1949, faute de moyens financiers.
- Il paraît tout autant discutable de comparer le mouvement boulangiste et le Parti Social Français (PSF) du Colonel de la Rocque. D'ailleurs, il faut être méfiant car s'il y a des continuités, il y a aussi des ruptures entre le mouvement de masse des Croix-de-Feu (fondé en 1927 et dissous en 1936), son annexe politisée, le Mouvement Social Français (MSF) (créé en 1935 en annexe aux Croix-de-Feu et dissous en 1936) et l'entreprise politique plus engagée du Parti Social Français (créé en 1936, quasi-disparu après 1941 en dépit d'une tentative de résurgence à la Libération). Première conclusion sur cette partie, donc, trois réalités politiques et sociales, ce qui complexifie la situation et les éventuelles comparaisons.
Sur le PSF, et l'après-1936 donc, son apparition politique est quasi-intégralement tournée autour de son chef. Au bureau de l'exécutif, Vallin reste un transfuge de l'Action française, Ybarnegaray a une aura plus forte mais reste un chef local, proche de certains groupes fascisants auxquels de la Rocque n'accorde que peu de considération, quant à Mermoz, bien que très courus par les Volontaires Nationaux des Croix-de-Feu, il manque d'envergure au niveau de l'ensemble du mouvement, donc le PSF se construit autour du vieux chef des Croix-de-Feu et s'il gagne en indépendance après 1938-1939, il reste tourné autour de cette figure indissociable de son histoire et de sa ligne politique. Deuxième conclusion, une comparaison existe entre Boulangisme, PSF et RPF, la figure du chef est un élément de construction du groupe politique.
Sur l'aspect anti-parlementaire du PSF, que vous rapprochez du boulangisme, là encore, l'après-1936 demande des nuances : de la Rocque veut obtenir une certaine respectabilité pour le PSF, et éviter un nouvel interdit comme celui de 1936. Le discours parfois ouvriériste du MSF est édulcoré et si l'aspect social reste une grande ligne du PSF, il n'est plus l'élément de fond. Au Parlement, le rapprochement entre le PSF et le Parti radical est le témoin de cette volonté de se "réinsérer dans la République". Devenu le plus puissant parti français et un parti de masse menaçant, le PSF veut emporter le pouvoir par les urnes et la mise au ban des idées fascistes et des ligues les plus dangereuses participe à ce mouvement de normalisation du parti social français. Troisième et dernière conclusion, la comparaison sur l'anti-parlementarisme est plus compliquée qu'elle n'y paraît.