Arcadius a écrit :
Intéressant, je ne connaissais pas cette période de Syracuse : vous auriez quelques lectures à me recommander ?
Pour ce qui est des Gracques, crise politique, cela saute aux yeux ; révolution démocratique, vraiment je ne vois pas en quoi. Quant à l'idée d'une satisfaction d'ambition personnelle, c'est précisément ce à quoi Auguste va tenter de mettre un terme, mais les Gracques ne sont pas les premiers à s'y manifester : c'est un phénomène observable sur plusieurs siècles et qui commence au moins dès l'expansion romaine en Campanie.
Ma question était rhétorique sur les Gracques; il ne s'agit évidemment pas d'une révolution démocratique, quelle que soit la récupération qui en a été faite par Gracchus Babeuf; un bon article sur l'historiographie et la perception des Gracques résume ces débats
-M.RASKOLNIKOFF, « Caius Gracchus ou la révolution introuvable (Historiographie d’une « révolution ») » in C.NICOLET (dir.), Demokratia et Aristokratia : à propos de Caius Gracchus : mots grecs et réalités romaines, Paris, Publications de la Sorbonne, 1983, p.117-134.
Pour Syracuse, je ne suis pas spécialiste; en général, pour les cités de Grande Grèce, il est toujours bon de se reporter à
G.Nenci et G.Vallet, Bibliografia topografica della colonizzazione greca in Italia e nelle isole tirreniche, Pise, 1977, qui a l'avantage de recenser l'ensemble des sources à disposition (littéraires comme archéologiques)
Pour info, je vous laisse le discours du démocrate Athénagoras, qui défend Athènes et la démocratie contre les prétentions oligarques, au moment où les Athéniens préparent de manière incroyable une attaque contre une cité démocratique
En 415, pendant la Guerre du Péloponnèse, Athènes s’apprête à attaquer Syracuse, cité grecque de Sicile où le régime démocratique est fragile. L’annonce de cette expédition militaire athénienne surprend les Syracusains et provoque de vifs débats à l’Ekklèsia de cette cité. Le texte ici présenté est un extrait du discours d’Athénagoras, chef du parti populaire de Syracuse favorable à Athènes, et s’adresse aux jeunes partisans de son rival oligarque Hermocrate. « 38 Les Athéniens ne cherchent, j’en suis sûr, qu’à sauvegarder ce qu’ils possèdent ; mais il y a ici des gens pour faire des nouvelles de choses qui ne sont pas ni ne peuvent être. Ces gens-là veulent vous effrayer, vous le peuple, pour exercer eux-mêmes le pouvoir dans la cité. Et je crains qu’à force d’essayer, ils n’en viennent à bout. (...) Je vous demanderai donc, à vous qui êtes le nombre, de punir les artisans de pareilles manœuvres, non seulement quand vous les prenez sur le fait, mais déjà pour ce qu’ils veulent sans en avoir encore les moyens car, avec un ennemi, ce n’est pas seulement contre ses actes qu’il est nécessaire de se prémunir, mais d’avance contre ses intentions ; quant aux oligarques, je verrai à les confondre, à les tenir à l’œil, à leur faire même la leçon, ce qui serait, je crois, le meilleur pour conjurer leur malfaisance. Et tenez, je me le suis souvent demandé, que pouvez-vous bien prétendre, jeunes gens ? Exercer dès maintenant le pouvoir ? La loi s’y oppose, et la loi a été faite moins pour vous frapper d’indignité, alors que vous en seriez capables, que parce que vous en êtes incapables. Ne pas partager avec un grand nombre des droits égaux ? Mais est-il juste, quand on est les mêmes, qu’on n’ait pas les mêmes avantages ?
39 On me dira que la démocratie ne satisfait ni l’intelligence ni l’équité, et que ceux qui ont l’argent sont aussi meilleurs pour exercer au mieux le pouvoir. Mais je dis, moi, d’abord, que le mot de peuple désigne un tout complet et celui d’oligarchie une partie seulement, ensuite que si les riches sont les meilleurs pour veiller aux finances, à l’intelligence revient de donner les conseils les plus sûrs, et au grand nombre de décider au mieux après s’être éclairé, qu’enfin ces trois éléments ont indistinctement, chacun en particulier et tous les trois ensemble, part égale dans une démocratie. L’oligarchie, elle, partage bien les dangers avec le grand nombre, mais, pour ce qui est des avantages, elle n’en revendique pas seulement la grosse part, elle s’arroge le tout et le garde. C’est pour ce régime que se passionnent parmi vous aussi bien les riches que la jeunesse : le faire régner dans une grande cité est chose impossible. »
THUCYDIDE, La Guerre du Péloponnèse, VI, 38-39