Nebuchadnezar a écrit :
Je corrige un peu l'énoncé de départ. La non rétroactivité des lois est posée par l'article 2 du Code Civil, datant de 1803 : La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif. Ce code a une valeur législative. Il faut donc comprendre en terme moderne : par défaut, une loi n'est pas rétroactive, sauf si elle le mentionne explicitement
La rétroactivité est toutefois encadrée puisqu'elle est contraire à la sécurité juridique, mais je ne sais pas s'il y a eu un vrai contrôle avant la 5e république et le Conseil Constitutionnel. En revanche, elle ne s'applique pas (en principe) aux contrats conclus. Ceux-ci constituent la loi des parties.
En revanche, l'annulation d'un contrat est rétroactive, c'est le sens de la formule "nulle et non avenue", stipulant que tout effet qu'il a produit doit être annulé, et donc, les biens échangés doivent être restitués...
Contrôle de constitutionnalité.Il n'y avait pas de contrôle de constitutionnalité avant la cinquième République. Sous le Consulat, le Sénat Conservateur exerçait un contrôle des lois mais il s'agissait plutôt d'un pouvoir de censure sur le Corps Législatif qu'un contrôle de constitutionnalité au sens actuel.
L'idée de soumettre les lois adoptées par le parlement à une juridiction quelconque aurait été inacceptable pour les concepteurs de la constitution de 1875 pour deux raisons. Tout d'abord, cela aurait été perçu comme un retour du pouvoir des juges et ensuite la constitution n'avait pas alors le caractère de loi suprême qu'elle acquerra à partir de 1946.
L'histoire politique de Louis XIV à Louis XVI est marquée par le conflit qui a opposé en permanence le roi et le parlement qui se revendiquait comme le garant de l'état de droit. Loin de se manifester comme une gardienne des libertés au contraire de ce qui a pu se passer en Angleterre, l'institution judiciaire a été perçue lors de la Révolution comme une entrave systématique aux réformes et la conservatrice d'un ordre féodal à abolir. Aussi les révolutionnaires se sont-ils hâtés de supprimer les parlements et de mettre en place des tribunaux à la compétence limitée aux règlements des seuls litiges individuels. Une application stricte du principe de séparation des pouvoirs interdisait formellement aux juges tout contrôle sur le pouvoir législatif ainsi que sur le pouvoir exécutif. Un ordre de justice administrative a tout de même été assez vite institué afin de régler les litiges entre les particuliers et l'administration, mais il n'était pas question de soumettre à aucune censure les représentants du peuple souverain. C'est pourquoi les tribunaux se sont toujours refusé à porter aucun jugement sur la loi. Il en est autrement aux Etats-Unis où, pour le règlement d'une affaire particulière, une demande d'écarter une loi pour inconstitutionnalité est toujours recevable devant n'importe quel tribunal.
La théorie de la hiérarchie des normes est une notion assez récente, formulée par le juriste autrichien Hans Kelsen dans son ouvrage
Théorie pure du droit publié en 1934. On n'avait pas, en 1865, le souci de vérifier la conformité d'une norme législative à une autre norme d'un rang supérieur. Ce souci n'existait que pour les normes réglementaires. Ce qui pouvait tenir lieu de norme supérieure étaient les principes de liberté proclamés sous la Révolution, mais ils avaient la valeur d'une éthique sociale et non celle d'une règle de droit au sens strict du terme. Il était certes attendu du législateur qu'il respectât les principes républicains mais son seul censeur était le peuple qui s'exprimait lors des élections. Le risque de dérive avait toutefois été prévu et c'était la raison d'être du Sénat, censé être composé de sages exerçant un rôle modérateur dans l'adoption des lois. A la différence des chambres hautes des Quatrième et Cinquième république, le Sénat de la Troisième avait un pouvoir de blocage, une loi ne pouvant être promulguée qu'adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées. N'ayant pas le caractère de loi suprême, la Constitution n'énonçait pas de principes généraux supérieurs. Elle ne faisait que définir les organes de gouvernements de la nation et leurs règles de fonctionnement. En fait, la question de la constitutionnalité des lois ne se posait pas. Elle n'a commencé à se poser qu'à compter de 1946, la constitution étant désormais précédée d'un préambule, comme l'avaient été longtemps auparavant celles du Directoire, de l'Empire et du Consulat, exposant les principes fondamentaux de la République. Mais un contrôle de constitutionnalité n'a été établi que sous la Cinquième République. La constitution comporte dès lors deux volets distincts, le premier contenant les principes supérieurs intégrés dans le droit positif, le second décrivant la mécanique des pouvoirs et en traçant les limites. Le premier est intangible, le second peut être modifié lorsque le besoin s'en fait sentir. Le contrôle de constitutionnalité n'a porté tout d'abord que sur les lois adoptées et avant leur promulgation puis, à partir de 2008, il est devenu possible, à l'occasion d'une affaire portée devant la justice, de demander un contrôle de constitutionnalité de toute loi n'ayant pas déjà fait l'objet d'un contrôle. Dans les deux cas, il s'agit d'un contrôle par voie d'action. Le contrôle par voie d'exception reste exclu de la législation française quoiqu'il puisse arriver que les juges en exercent un sans le dire.
Application de la loi dans le temps en matière non pénale.
Le principe de non-rétro-activité des lois fut d'ordre constitutionnel sous le Directoire, le Consulat et l'Empire mais cessa de l'être par la suite. N'étant pas une disposition constitutionnelle, ce principe ne contraint pas le législateur de façon absolue, mais, en y dérogeant, celui-ci risque fort de violer des principes supérieurs. Le conseil constitutionnel a été amené à préciser à plusieurs reprises dans quelles limites une mesure législative pouvait, du fait de sa rétroactivité, porter atteinte à des droits acquis : ce ne peut être justifié que par un intérêt général suffisant.
L'article 2 du code civil étant d'un laconisme extrême, les règles d'application de la loi dans le temps ont été définies par la doctrine. Dans un premier temps fut formée la théorie de l'intangibilité des droits acquis. Celle-ci fut révisée dans les années 1920 par le juriste Paul Roubier qui substitua à la notion de droits acquis celle de situation juridique constituée. Les règles d'application d'une loi nouvelle non expressément rétroactive se résument comme suit.
La loi ancienne continue à régir les effets passés d'une situation établie.
La loi nouvelle s'applique immédiatement aux effets des situations établies extra-contractuelles.
La loi ancienne continue à s'appliquer aux situations contractuelles établies jusqu'à leur extinction, c'est à dire jusqu'à l'expiration du contrat.
En principe, la loi nouvelle ne s'applique donc pas immédiatement aux contrats en cours. Cette règle résulte du principe de la liberté contractuelle : la loi ne doit pas déséquilibrer l'économie d'un contrat entièrement déterminé par la volonté commune des parties.
Ces principes étaient rarement transgressés par le législateur à l'époque de l'entrée en vigueur du code civil. Les exceptions sont devenues plus fréquentes avec la multiplication des normes techniques et des dispositifs de protection contenus dans le droit de la consommation, du travail, de l'habitation, etc.