liber censualis a écrit :
En 1895, dans sa leçon inaugurale à l'université de Fribourg, Weber "se prononce pour l'expansion allemande dans le monde", et parmi ses idées on trouve "une conception darwiniste d'une histoire marquée par la lutte pour l'existence entre les races"
Là encore, attention au sens des termes.
La leçon inaugurale prononcée par Max Weber à l'Université de Fribourg en 1895 sanctionne ce que les spécialistes de la question nomment la genèse de l' "impérialisme libéral". En ce sens que les libéraux allemands souscrivent désormais - au même titre que les conservateurs, déjà ralliés à la
Weltpolitik de Guillaume II depuis plusieurs années - à la défense de la politique impérialiste du
kaiser.
En effet, pour une grande partie des libéraux allemands cet impérialisme permettrait de relancer le courant libéral allemand, en pleine déconfiture électoralement et, surtout, intellectuellement.
Certes, cet impérialisme se fonde sur le fait que des peuples - ou des "races" (terme mis à la mode) - soient inférieurs à d'autres et que les premiers devraient dominer les seconds, suite à ce fossé technologique, économique et social béant produit par l'industrialisation à l'échelle mondiale.
Mais, encore une fois, vous lirez les mêmes justifications chez les autres puissances coloniales et "impérialistes" du moment : Angleterre, France, Italie, Russie, Espagne, Etats-Unis et même Japon.
Ces justifications s'accompagnant assez souvent de clichés et jugements pseudo-scientifiques sur les différentes "races" du monde. Nous avons l'exemple célèbre de Renan en France.
liber censualis a écrit :
La Weltpolitik est précisément la manifestation de ce sentiment d'injustice ressenti en Allemagne. Voici un pays en expansion dans tous les domaines, démographique, industriel et scientifique, qui n'a pas sa place (qui devrait être la 1ere du reste)
Ce n'est là que de la propagande wilhelmienne - qui a malheureusement bien infesté toutes les couches de la population allemande - et de représentants de commerce à la courte vue.
Bismarck n'avait pas tout fait pour empêcher l'Allemagne de se lancer dans l'aventure coloniale pour rien : il savait que cela entrainerait d'inévitables hostilités anglo-allemandes et que les sujets de sa majesté risqueraient fort de se rapprocher des Français.
Mais encore une fois, nous revenons ici sur certaines manifestations de l'impérialisme allemand - dans un contexte plus large de l'impérialisme des pays industrialisés - je ne vois pas encore de liens avec le nazisme...
liber censualis a écrit :
c'est l'existence d'une masse slave, ennemi historique, pouvant pervertir la germanité, et par sa présence empêchant son expansion vers l'Est qui est honnie
Vous trouverez la même chose chez les Russes, exactement à la même époque. Pourquoi ?
Car les années 1880 signent la prise de distance, pour ne pas dire un sérieux refroidissement entre les Allemands et les Russes. Chacun va trouver ses justifications (on ressort les vieilles boites à outils) pour se préparer psychologiquement dans le cas où un conflit viendrait à poindre dans un avenir proche.
Même la SPD, par le truchement de Bebel, refusa au début des années 1910 que l'Internationale socialiste prenne des décisions néfastes à l'Allemagne - au moment même où les socialistes français débattaient sur la manière d'empêcher un conflit, de proclamer la grève générale, etc.. La défense de la nation allemande dépasse les clivages politiques, une fois l'unité achevée.
Cette défense identitaire ne peut être retenue comme la composante d'un terreau favorable au nazisme (ou alors c'est un "ramasse-tout" incroyable). D'une part car elle est commune à de nombreux pays d'Europe et d'autre part, car elle est transpartisane.
liber censualis a écrit :
Pour autant, le terreau intellectuel rassemblé à partir d'éléments venu d'ailleurs a su y faire prospérer la plante que vous savez.
On retombe sur le
sonderweg là. Il existe déjà de nombreux sujets là-dessus et je pense qu'il serait bon de les reprendre si nous devions partir là-dessus.
Une question : quelle place laissez-vous aux êtres humains dans tout ceci ? Sont-ils libres de leurs actes ou ne se contentent-ils, comme les chiens de Pavlov, que de suivre des logiques de groupes dans un sens écrit à l'avance ?
Les structures politiques, sociales, économiques et culturelles d'une population sont réelles et produisent certainement des conséquences sur leurs membres, mais les actes des humains qui les composent en dépassent souvent les cadres.