Jerôme a écrit :
Je me demande si un point clef ne fut pas l'extrémisme de Staline- sa dictature fut profondément nationaliste et militariste- et donc infidèle à Lenine mais finalement d'un esprit comparable à Mussolini et Hitler ?
Je ne sais pas si Staline peut être qualifié de plus "extrême" que ses deux collègues dictateurs. Par contre, dire qu'il a été "infidèle" à Lénine est quelque chose d'extrême, car tout compte fait, en dehors de se débarrasser de ses rivaux, il a
grosso modo suivi le programme à la lettre et conservé les structures installées par Lénine. Ce dernier avait placé la collectivisation entre parenthèses car le pays sortait d'une guerre civile meurtrière et que la population mourrait littéralement de faim. Personne - en dehors de Trotsky, empêtré dans une quête permanente de légitimité - ne peut avancer de manière objective que Staline a trahi l'héritage de Lénine. Les contextes étaient trop différents. Par contre la dictature communiste était déjà bien installée avant même que Lénine ne meure : les marins de Kronstadt et les diverses région rurales russes soulevés en 1921 ne disent pas autre chose. La répression, d'une sauvagerie extrême, qui en résulta annonçait finalement bien les suivantes, Staline ou pas.
Quant à Mussolini, même s'il fut le vrai théoricien d'une pensée politique rationnelle (Hitler délire totalement dans son pseudo-darwinisme social et racial et personne n'est en mesure de comprendre quelle idéologie véhicule
Mein Kampf, tant cet ouvrage est un pot-pourri indigeste de choses qui existaient déjà et qu'il a mises bout à bout), il semble avoir été bien plus pragmatique que les deux autres.
Hitler, tel un gourou illuminé d'une secte antique ou un charmeur de serpents aurait pu faire aller son auditoire n'importe où, ce n'est pas un théoricien politique au sens premier du terme, mais il est très peu pragmatique d'un point de vue doctrinaire, ce qui explique sans doute ses premiers succès politiques et la mise au pas relativement rapide - et sans trop de massacres - qu'il a réussi à obtenir de l'Allemagne.
Sur le fond, peu de choses séparent le communisme et le fascisme en tant que modèle politiquement établi. Les deux souhaitent forger une société nouvelle et un homme nouveau, dégagés du libéralisme, du capitalisme (non régulé) et de la démocratie représentative, qui sont trois fléaux, que les populations concernées soient d'accord ou pas. En ce sens les fascistes - puis les nazis - ont vu comment des professionnels de la provocation pouvaient prendre le pouvoir par la force en domptant les foules. Les bolcheviques l'avaient bien fait, ils suivent le modèle.
Qui plus est, ils ne souhaitent aucun retour en arrière et utilisent donc des moyens coercitifs puissants, dont la déclinaison au sein de l'Etat et de la société concernés n'avait jamais été connue par le passé.
Bien entendu, le fascisme est une réponse au communisme et nait en luttant contre lui. Car malgré une similitude au niveau de certains buts sociaux, le communisme constitue en quelque sorte le révélateur des contradictions d'une société capitaliste et libérale, le repoussoir vers qui il ne faut surtout pas se diriger. Le fascisme souhaite la régénérer sans tomber dans l'inévitable lutte des classes : c'est au nom de l'Etat (Italie) ou de la race (Allemagne) qu'il faut fédérer cette nouvelle société, régulant l'économie et la société pour dépasser les conflits sociaux traditionnels.
Ce n'est pas pour rien qu'il est parfois fait allusion d'une révolution conservatrice dans les années 1920 : changer la société capitaliste et libérale, totalement "pourrie" selon eux, mais en ne tombant surtout pas dans une révolution de type bolchevique.