Duc de Raguse a écrit :
Je trouve que vous faites preuve d'une certaine désinvolture sur le jugement du travail de l'enseignant du supérieur. En TD, par exemple, il doit aussi encadrer les travaux de ses étudiants, veiller à ce qu'un maximum parvienne à comprendre les attentes méthodologiques et scientifiques de son enseignement, évaluer, etc.
La forme change peu.
J’ai l’impression de ne pas être clair, quant à ce qui me pose problème. Pour faire simple, je n’ai jamais vu un prof de fac ou un chargé de TD
envoyer chercher un billet de retard, ou donner une heure de colle, ou mettre un mot dans le carnet, ou téléphoner aux parents (ou menacer de le faire), parce qu’un étudiant n’aurait pas enlevé son bonnet ou son blouson, ou pas jeté sa gomme, ou pas fait ses devoirs, ou dessiné un phallus ou un personnage de manga sur son cahier. C’est précisément cet aspect qui me bouffe.
Ça n’empêche pas de râler, encourager, réfléchir à ses cours, expliquer… en gros de se battre pour en faire progresser le maximum, et pour avoir une ambiance correcte afin que les gens travaillent. Mais la fac n’éduque pas les étudiants (même si je conçois que certains en auraient encore besoin), ils sont majeurs, les relations ne sont plus faussées par ce rapport majeur/mineur.
Je veux bien reconnaître toute mon inexpérience, ma probable idéalisation de la fac, etc. mais je reste convaincu qu’il y a un fossé entre le secondaire et le supérieur sur cet aspect (enseignement d’un côté, éducation et enseignement de l’autre). Je sens que j’ai à progresser − et surtout que je peux progresser − en enseignement, je vois à peu près ce que je dois travailler, et ça me semble dur mais accessible, alors que pour l’aspect éducatif, je bloque. Je ne me sens pas d’éduquer des gamins, surtout quand ils sont par paquets de trente-cinq : ça me semble juste insurmontable. Et absurde, dans ma situation.
En plus, pour ce que je connais, un bon nombre d’autres pays séparent beaucoup plus les voies vers le secondaire et vers le supérieur, et il ne me semble pas que les universitaires étrangers, bien que non-agrégés, soient de plus mauvais enseignants.
D’un autre côté, ce sujet me redonne du courage, parce que les réactions m’énervent (positivement) et me donnent envie de (me) prouver que j’ai raison, ce qui nécessite dans les faits de tenir, pour pouvoir comparer. C’est un défi. Puis ça me permet d’avancer, je n’avais pas, jusqu’à présent, trop pensé à la distinction enseignement/éducation.
Arkenciel a écrit :
C'est être impliqué, investi, et pas se dire "c'est leur problème moi je fais juste mon cours et basta, le reste les regarde".
Sans tomber dans un aspect caricatural ou dans son opposé, il me semble qu’il y a un moment où les étudiants doivent prendre leurs responsabilités. On aura beau faire tout ce que l’on veut et peut, on ne pourra jamais apprendre le cours à leur place, ni faire les exercices, ni leur mettre le crayon dans la main. Chaque prof place le curseur où il le souhaite, et en tant qu’étudiant, j’ai effectivement croisé des profs et des chargés de TD plus ou moins investis.
L’autre jour, un élève ne prenait pas la correction. Bon, je me dis qu’il n’a peut-être pas compris, donc je répète qu’ils doivent noter, j’explique pourquoi (en gros, ça va les rendre beaux, intelligents, c’est une notion fondamentale pour leur compréhension du monde, toute leur orientation post-bac en dépend, ainsi que la survie de l’humanité, et accessoirement, ça risque de tomber au contrôle), et je répète à nouveau, lentement, ce qu’il faut mettre précisément. Le type ne prend toujours pas en note, donc je l’interpelle, je vérifie qu’il note… et dès que j’ai le dos tourné, il arrête. Pour moi, j’ai fait mon job, et largement. Pour le formateur, j’aurais dû le prendre en fin d’heure, et partir dans une logique de rattrapage/vérification du cahier. Et il me semble qu’un prof de fac correctement investi se serait arrêté au maximum à l’étape « je répète à nouveau, lentement, ce qu’il faut mettre précisément ».
Par ailleurs, dans le reste qui les regarde, honnêtement, si un type garde son bonnet et sa veste alors qu’il fait 40° dans la salle, je n’ai vraiment pas envie de me battre (c’est-à-dire d’en faire un sujet de résistance, de combat ou de provoc’), mais apparemment, en lycée, c’est un scandale de laisser passer un tel comportement.