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Message Publié : 31 Août 2014 19:42 
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Inscription : 31 Août 2014 11:57
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Avec les travaux, toujours en cours de réalisation, de la Tour Eiffel, l'ampleur de sa commercialisation est pour le moins édifiante ! Comment a-t-on pu laisser mettre en œuvre un tel projet sur un site classé ? Si un plancher panoramique donne une autre dimension, une autre envergure à la tour, pour autant, l'implantation de cuisine rapide, de boutique de bric et de broc, d'affichage ultra-moderne renvoie un appétit marchand consternant.


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Message Publié : 07 Sep 2014 16:16 
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Hérodote
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Inscription : 31 Août 2014 11:57
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Bonjour à vous tous !
Je pensais que mon sujet aurait provoqué une interaction... et bien, pas du tout.
Bigre, suis-je donc la seule à trouver médiocre l'implantation de cuisine rapide, de boutiques etc sur la Tour Eiffel ?
Moi, ça a gâché mon plaisir lors de ma dernière visite.

Bien à vous


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Message Publié : 07 Sep 2014 18:56 
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Inscription : 29 Juil 2007 13:23
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Localisation : Tours
Il y a toujours eu des boutiques non ?

Pour la restauration rapide, s'il y a aussi d'autres restaurants ça ne me dérange pas du tout.


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Message Publié : 07 Sep 2014 19:54 
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Inscription : 20 Déc 2008 14:01
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Localisation : Bourgogne
En quoi ce message, qui critique une pratique actuelle, concerne-t-il l'Histoire ?

CNE EMB

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Message Publié : 08 Sep 2014 10:19 
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Inscription : 15 Avr 2004 22:26
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Localisation : Alsace, Zillisheim
Ce qui est consternant, c'est de vouloir défendre la Tour Eiffel en oubliant son histoire. Disons les choses clairement, c'est un objet commercial et touristique. Elle a été construite dans ce but : faire de la publicité pour le savoir-faire français lors d'une exposition universelle. Si les fast-food avaient existé à l'époque, il est à parier qu'Eiffel lui-même leur aurait décerné une place. On ne peut pas chercher à tout sacraliser en oubliant son histoire. Mais, vous avez raison sur un point : l'inculture historique de la majorité de la population est consternante. Cette population, et vous en êtes un parfait exemple, compense cette inculture en créant une pseudo-culture historique fondée sur des fantasmes. Et, au nom de cette pseudo-culture demande que l'on respecte un idéal virginal qui n'a jamais existé dans l'esprit des concepteurs de ces œuvres. Quelque part, vous niez la vrai raison d'être de la Tour Eiffel en prétendant la défendre. Sa vraie raison d'être n'est pas de témoigner pour les générations futures du savoir faire de ceux qui la concurrent et qui la réalisèrent. Puisqu'à l'origine ou avait prévu de la détruire lorsqu'elle aurait rempli son usage. Sa vraie raison d'être est d'être un objet publicitaire et touristique qui devait attirer des clients à la Société Eiffel et donc à ses fournisseurs français et aux ouvriers français. Elle devait aussi montrer à la face du monde ce que les ingénieurs et ouvriers français étaient capables de réaliser.

Puisqu'on ne l'a pas détruite, elle reste un témoin d'une période faste de l'industrie française, ainsi qu'un témoin dans l'histoire des communications. Quelque part, une partie de sa force fût qu'elle a toujours réussi d'être de son temps. Pourquoi voulez-vous la ringardiser en la renvoyant dans un passé idéal qui n'a jamais existé ?

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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Message Publié : 08 Sep 2014 13:45 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
Le projet de grand Louvre inauguré en 1989 comporte bien en sous-sol des restaurants, des services pour les visiteurs et des espaces divers de vente, qui correspondent aux besoins d'un grand musée moderne.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 08 Sep 2014 17:25 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 16 Déc 2006 15:45
Message(s) : 490
Pour prendre un exemple plus proche avec l’Atomium, qui est la tour Eiffel belge. En plus du bar et du restaurant qui y sont présent. Il est même permis de louer entièrement l'atomium pour une réunion, banquet, ... (pour 12.000 € la journée/soirée si jamais vous êtes intéressée)

Vous avez donc encore du chemin à faire avant de rattraper notre "marchandisation" de monuments lol

Et de manière générale, ce genre de services participe à la popularité du monument (il faut reconnaitre que diner au sommet de la tour Eiffel ou de l’Atomium ça à "de la gueule") tout en finançant une partie de son entretient. Donc tout le monde est gagnant.


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Message Publié : 08 Sep 2014 18:43 
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Thucydide
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Inscription : 25 Août 2014 22:07
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Localisation : Ici et là
Cette question, dans sa naïveté (selon moi), soulève la question de la perception du patrimoine national.

Il faudrait peut être évoquer l'histoire récente des monuments.
Un petit exemple : la politique de ravalement ne date que des années soixante.
Habitué que j'étais a voir les monuments de couleur noire, je pensais que c'était la seule vraie couleur, et pendant un temps, j'ai trouvé étrange qu'on leur enlève la couleur que j'avais toujours connue. Je ne savais pas à l'époque que ce n'était pas la couleur originelle... Il suffit de revoir des cartes postales des années 50, 60 pour réaliser la différence...

Je pourrais donc bien compléter cette question par celles-ci :

Les monuments doivent ils rester comme on croit qu'ils étaient avant ? C'est peut-être bien la question posée...
Faut il consolider les ruines pittoresques ou les laisser s'écrouler peu à peu ?
Faut il restituer Carcassonne dans son état antérieur à sa restauration par Viollet le Duc ? mais à quelle époque ? ou encore reconstruire les maisons insalubres adossées à ses remparts au début du XXème siècle ?
Faut-il repeindre les cathédrales ?
etc. etc.

Nos monuments ne sont que des reflets du passé qui disposent de couches successives. Inutile de rechercher la pureté qui n'existe pas...

Il ne s'agissait peut être pas d'une question sur l'histoire, mais bien d'une question sur la perception de l'histoire.


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Message Publié : 08 Sep 2014 18:59 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 15 Août 2012 20:56
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Localisation : Suisse
Excellente remarque Guilhabert. Et si on remonte encore plus loin avec l'Antiquité, je pense que les spécialistes du forum nous expliqueront que les vestiges qui nous sont parvenus étaient très colorés.

Il y a quelques années, les statues grecques ou romaines incomplètes étaient parfois "complétées" par des restaurateurs. On voulait montrer une oeuvre finie, quitte à avoir la moitié qui était neuve. Maintenant on laisse les vides et on ne fait tenir la main, par exemple, qu'avec un bout de fer.

Ca serait intéressant d'avoir vos différents avis sur la manière dont vous percevez ou aimeriez voir les constructions ou oeuvres d'art qui nous viennent du passé.

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Comme disaient les Kennedy, "faut pas se laisser abattre"


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Message Publié : 08 Sep 2014 19:10 
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Thucydide
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Inscription : 25 Août 2014 22:07
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Localisation : Ici et là
Adulith a écrit :
... Maintenant on laisse les vides et on ne fait tenir la main, par exemple, qu'avec un bout de fer.

Ca serait intéressant d'avoir vos différents avis sur la manière dont vous percevez ou aimeriez voir les constructions ou oeuvres d'art qui nous viennent du passé.

Ma foi... avec les progrès des mathématiques, la théorie des cordes et tout le reste, nous pouvons imaginer que nous sommes inclus dans une dimension plutôt que d'autres. Pourquoi le monde s'est dirigé dans le sens que nous connaissons plutôt qu'un autre ?

Personnellement, je serais plutôt d'accord avec la représentation brute (vénus sans bras et victoire sans tête) avec tout à côté, pour ce qui manque, les multiples représentations possibles de tous les artistes possibles...


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Message Publié : 08 Sep 2014 23:05 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
Message(s) : 7445
Localisation : Montrouge
Guilhabert a écrit :
Je pourrais donc bien compléter cette question par celles-ci :
Les monuments doivent ils rester comme on croit qu'ils étaient avant ? C'est peut-être bien la question posée...
Faut il consolider les ruines pittoresques ou les laisser s'écrouler peu à peu ?
Faut il restituer Carcassonne dans son état antérieur à sa restauration par Viollet le Duc ? mais à quelle époque ? ou encore reconstruire les maisons insalubres adossées à ses remparts au début du XXème siècle ?
Faut-il repeindre les cathédrales ?
etc. etc.
Nos monuments ne sont que des reflets du passé qui disposent de couches successives. Inutile de rechercher la pureté qui n'existe pas...
Il ne s'agissait peut être pas d'une question sur l'histoire, mais bien d'une question sur la perception de l'histoire.

1/ La doctrine actuelle des MH est qu'un monument doit être restauré dans l'un des états normaux auxquels il a existé, soit à l'origine, soit ultérieurement. Le choix est effectué par la commission nationale des MH sur proposition d'un Inspecteur et d'un architecte en chef des MH. Ce n'est pas toujours l'état de la première construction. Mais pas de fantaisie en slalomant entre les époques.
2/ On ne laisse pas s'écrouler les ruines d' un MH classé ou inscrit. On peut le mettre hors d'eau pour le sauver dans son état actuel comme vestige s'il n'y a pas de crédits de restauration.
3/ Voir le choix décrit plus haut: on choisit un stade du monument. Violet de duc est accepté. On ne remet pas les vieilles maisons accolées évidemment sauf cas particulier le justifiant.
Une restauration est une épreuve de vérité historique et architecturale mais aussi de bon gout et de bon sens. La CNMH tranche les débats qui sont fréquents.
4/ Repeindre églises et cathédrales est possible, tout comme crépir les pierres nues à l'intérieur, comme autrefois puis peindre. Mais au risque de choquer les habitants ... qui adorent voir la belle pierre de talille avec sa couleur changeante de pierre ancienne qui vieillit bien; en Auvergne notamment.

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Message Publié : 08 Sep 2014 23:09 
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Thucydide
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Inscription : 25 Août 2014 22:07
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Localisation : Ici et là
Alain.g a écrit :
Guilhabert a écrit :
Je pourrais donc bien compléter cette question par celles-ci :
Les monuments doivent ils rester comme on croit qu'ils étaient avant ? C'est peut-être bien la question posée...
Faut il consolider les ruines pittoresques ou les laisser s'écrouler peu à peu ?
Faut il restituer Carcassonne dans son état antérieur à sa restauration par Viollet le Duc ? mais à quelle époque ? ou encore reconstruire les maisons insalubres adossées à ses remparts au début du XXème siècle ?
Faut-il repeindre les cathédrales ?
etc. etc.
Nos monuments ne sont que des reflets du passé qui disposent de couches successives. Inutile de rechercher la pureté qui n'existe pas...
Il ne s'agissait peut être pas d'une question sur l'histoire, mais bien d'une question sur la perception de l'histoire.

1/ La doctrine actuelle des MH est qu'un monument doit être restauré dans l'un des états normaux auxquels il a existé, soit à l'origine, soit ultérieurement. Le choix est effectué par la commission nationale des MH sur proposition d'un Inspecteur et d'un architecte en chef des MH. Ce n'est pas toujours l'état de la première construction.
2/ On ne laisse pas s'écrouler les ruines d' un MH classé ou inscrit. On peut le mettre hors d'eau pour le sauver dans son état actuel comme vestige
3/ Voir le choix décrit plus haut: on choisit un stade du monument. Violet de duc est accepté. On ne remet pas les vieilles maisons accolées évidemment sauf cas particulier le justifiant. Une restauration est une épreuve de vérité historique et architecturale mais aussi de bon gout et de bon sens. La CNMH tranche les débats qui sont fréquents.
4/ Repeindre églises et cathédrales est possible, tout comme crépir les pierres nues à l'intérieur, comme autrefois puis peindre. Mais au risque de choquer les habitants ... qui adorent la belle pierre de talille avec sa couloir de pierre ancienne qui vieillit bien; en Auvergne notamment.

Réponse très intéressante et documentée. Merci !


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Message Publié : 09 Sep 2014 7:44 
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Inscription : 23 Jan 2009 15:49
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Alain.g a écrit :
Guilhabert a écrit :
Je pourrais donc bien compléter cette question par celles-ci :
Les monuments doivent ils rester comme on croit qu'ils étaient avant ? C'est peut-être bien la question posée...
Faut il consolider les ruines pittoresques ou les laisser s'écrouler peu à peu ?
Faut il restituer Carcassonne dans son état antérieur à sa restauration par Viollet le Duc ? mais à quelle époque ? ou encore reconstruire les maisons insalubres adossées à ses remparts au début du XXème siècle ?
Faut-il repeindre les cathédrales ?
etc. etc.
Nos monuments ne sont que des reflets du passé qui disposent de couches successives. Inutile de rechercher la pureté qui n'existe pas...
Il ne s'agissait peut être pas d'une question sur l'histoire, mais bien d'une question sur la perception de l'histoire.

1/ La doctrine actuelle des MH est qu'un monument doit être restauré dans l'un des états normaux auxquels il a existé, soit à l'origine, soit ultérieurement. Le choix est effectué par la commission nationale des MH sur proposition d'un Inspecteur et d'un architecte en chef des MH. Ce n'est pas toujours l'état de la première construction. Mais pas de fantaisie en slalomant entre les époques.
2/ On ne laisse pas s'écrouler les ruines d' un MH classé ou inscrit. On peut le mettre hors d'eau pour le sauver dans son état actuel comme vestige s'il n'y a pas de crédits de restauration.
3/ Voir le choix décrit plus haut: on choisit un stade du monument. Violet de duc est accepté. On ne remet pas les vieilles maisons accolées évidemment sauf cas particulier le justifiant.
Une restauration est une épreuve de vérité historique et architecturale mais aussi de bon gout et de bon sens. La CNMH tranche les débats qui sont fréquents.
4/ Repeindre églises et cathédrales est possible, tout comme crépir les pierres nues à l'intérieur, comme autrefois puis peindre. Mais au risque de choquer les habitants ... qui adorent voir la belle pierre de taille avec sa couleur changeante de pierre ancienne qui vieillit bien; en Auvergne notamment.


Euh, alors là désolée, mais pas du tout ! C'est même à peu près l'inverse.

Si on laisse de côté quelques précurseurs depuis l'antiquité, les querelles sur la restauration remontent essentiellement au XIXe siècle, avec l'opposition de deux grandes tendances :
- d'un côté, Viollet le Duc, qui estime que "Restaurer un édifice, ce n'est pas l'entretenir, le réparer ou le refaire, c'est le rétablir dans un état complet qui peut n'avoir jamais existé à un moment donné." D'où les restaurations invasives du Monsieur à Carcassonne ou à Pierrefonds, par exemple. Viollet le Duc raisonne en architecte du XIXe : pour lui, l'architecture, c'est avant tout un projet, et le bâtiment n'en est que le résultat. Restaurer pour retrouver le projet originel (et pas nécessairement le bâtiment construit à l'origine) est pour lui respecter l'acte de l'architecte.
- de l'autre côté, John Ruskin et Williman Morris, deux artistes anglais, ont une vision diamétralement opposée. Dans les Sept lampes de la sagesse, Ruskin explique que les monuments n'appartiennent à personne, et qu'il ne faut pas y toucher, nous n'en avons pas le droit moral. Les monuments doivent, en quelque sorte, mourir de leur belle mort, si l'on peut dire. A rattacher, bien sûr, au romantisme anglais et à son amour des ruines, ainsi qu'à l'ensemble des mouvements artistiques qui, marqués par la révolution industrielle, s'y opposent en se réfugiant dans un passé rêvé (pré-raphaëlisme, etc.).

La querelle se poursuit au long du XIXe siècle, et est tranchée au cours du XXe, notamment dans le livre de Cesaro Brandi, Théories de la restauration (1963). Grosso-modo, celui-ci trouve un juste milieu entre Viollet et Ruskin, tout en affirmant très nettement que l'idée d'"état original" n'est qu'un mythe, et qu'il est impossible d'un revenir. Quels sont les grands principes mis en place par C. Brandi ?
- L’œuvre d'art n'est pas intellectuelle, mais matérielle. Elle n'existe que parce qu'elle a un support matériel. Il faut donc en conserver le plus possible les matériaux originaux.
- l'histoire du monument prime sur son aspect esthétique : l'histoire d'un monument ou d'un objet ne peut pas être effacée, et ne doit pas être jugée à l'aune des critères d'une période qui a son propre goût et ses propres modes. Ainsi, il faut respecter tout trace du temps dans le monument.
- La restauration s'arrête où commence l'hypothèse. C'est à dire que sans connaissance d'un état antérieur de l'oeuvre ou du monument, on n'invente pas, on laisse ! Quand une oeuvre est une ruine, on conserve une ruine.
- les restaurations doivent être décelables à l'oeil nu (sinon, c'est de la falsification) et réversible (on doit choisir des matériaux qui peuvent être ôtés sans dommage pour l'oeuvre originelle).
Ces grands principes sont toujours ceux suivis aujourd'hui par les restaurateurs.

Le XXe siècle voit également éclore deux actes fondamentaux
- la charte d'Athènes de 1931 (voir ici : http://www.icomos.org/fr/chartes-et-nor ... iques-1931), qui a notamment eu un rôle très important en Italie, pays à la pointe en matière de restauration au cours du XXe jusqu'à assez récemment. C'est cette charte qui met en place l'idée qu'une restauration doit être précédée d'études critiques et d'un diagnostic, qu'il doit exister une législation et des actions de protection, que la restauration ne doit pas chercher à réutiliser des manières anciennes, mais au contraire, employer des techniques modernes. La charte d'Athènes préconise surtout la priorité de l'entretien d'un bâtiment sur sa restauration (notamment en utilisant les bâtiments), la conservation des éléments in situ, et le respect du bâtiment dans l'ensemble de sa construction chronologique (pour le dire autrement, on ne cherche pas à revenir à une époque particulière, on respecte même les changements effectués au XXe siècle).
Charte d'Athènes, article 1 a écrit :
Au cas où une restauration apparaît indispensable par suite de dégradations ou de destruction, elle recommande de respecter l'oeuvre historique et artistique du passé, sans proscrire le style d'aucune époque.


- La Charte de Venise de 1964, qui réaffirme les principes de la charte d'Athènes, et qui ajoute la nécessité de tester les matériaux avant de les utiliser, ainsi que l'obligation que la restauration soit décelable.

On n'est donc absolument pas, de nos jours, dans une démarche à la Viollet le Duc, bien au contraire ! C'est pour cela que la "restauration" de la grille de Versailles a fait scandale, de même que d'autres interventions dans le château. C'est pour cela aussi que certaines églises inscrites ou classées MH restent à l'abandon, faute de pouvoir être restaurées dans de bonnes conditions. La médaille et son revers...


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Message Publié : 09 Sep 2014 8:18 
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Grégoire de Tours
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Merci Calame pour ce message très intéressant.

Je souscris personnellement à cette vision. Par contre, je m'interroge sur la restauration de fresques qui ornent de nombreux bâtiments. Est-ce que l'on repeint par dessus l'œuvre originale pour lui donner du lustre ou pour avoir de nouveau le dessin complet? N'est-ce pas de la falsification via une méthode irréversible?

Que pensez-vous de la restauration du pont de Lucerne, qui a brûlé il y a quelques années et qui a été reconstruit à l'identique? Il s'agit certes d'une opération invasive, mais qui a permis de présenter à nouveau au public les ex-votos qui avaient brûlé.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Kapellbr%C3%BCcke

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Message Publié : 09 Sep 2014 8:36 
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Inscription : 23 Jan 2009 15:49
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Adulith a écrit :
Merci Calame pour ce message très intéressant.

Je souscris personnellement à cette vision. Par contre, je m'interroge sur la restauration de fresques qui ornent de nombreux bâtiments. Est-ce que l'on repeint par dessus l'œuvre originale pour lui donner du lustre ou pour avoir de nouveau le dessin complet? N'est-ce pas de la falsification via une méthode irréversible?

Que pensez-vous de la restauration du pont de Lucerne, qui a brûlé il y a quelques années et qui a été reconstruit à l'identique? Il s'agit certes d'une opération invasive, mais qui a permis de présenter à nouveau au public les ex-votos qui avaient brûlé.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Kapellbr%C3%BCcke

On en repeint pas au dessus d'une fresque. On peut les nettoyer - ça a été le cas pour celles de Michel Age à la chapelle Sixtine, et ça a été un grand choc de voir les couleurs originelles -, on comble aussi les manques, avec la technique dite du trattegio : des traits très fins de couleurs pures, qui de loin donnent l'illusion de la couleur, et de près sont facilement discernables.

Sur les peintures vernies, il arrive aussi qu'on incise ou qu'on allège le vernis, qui jaunit avec le temps et altère les couleurs. Mais c'est toujours très délicat et discuté. Le cas Joconde est à l'étude depuis plusieurs années, et pour l'instant, on n'y touche pas, autant par crainte d'erreurs, que parce que Léonard avait des recettes de vernis personnelles que parce que le retour aux couleurs originelles risquerait de choquer l'oeil du spectateur.
La prise en compte des personnes extérieures (j'emploie ce terme très général à dessein, car il peut recouvrer des touristes, des personnes investies dans le patrimoine, des élus, etc.) peut être à la fois le meilleur et le pire moteur pour les restaurations.

Pour le pont de Lucerne, c'est un cas que je ne connais pas assez pour me prononcer précisément ; mais de manière générale, il arrive parfois qu'on reconstruise à l'identique, souvent parce qu'une destruction a été un traumatisme pour la population. Ca a été le cas en Pologne après la guerre, à Varsovie notamment, la question s'est posée beaucoup plus récemment pour les twin towers - et a été tranchée en faveur du non. On entre là dans des considérations plus politiques que purement dans la déontologie de la restauration, puisqu'une fois qu'une oeuvre a été détruite, elle ne peut pas être refaite réellement. Sa matérialité perdue, l'oeuvre est perdue. La copie n'est jamais qu'une réalisation de son époque, qui donne des indications intéressantes sur le rapport au passé : pourquoi refaire au lieu de remplacer ?

Il est intéressant de décentrer le regard et d'observer les sociétés d'extrême-orient à cet égard, qui n'ont pas du tout le même rapport à l'oeuvre et au caractère "original". En Chine comme au Japon, remplacer des matériaux en conservant les techniques n'altère en rien l'ancienneté de l'oeuvre. Ainsi, on peut vous présenter des tempes du XIIe ou du XIIIe siècle reconstruits 5 ou 6 ans auparavant. Au Moyen-Orient, la notion d'art a été très influencée par les colonisateurs ; les restaurations sont souvent très invasives.


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