Louis, comte de Frontenac a écrit :
... Quel édifice en construction à l'heure actuelle peut rivaliser avec cet exemple de démesure, de génie et de folie à la fois?
Je me permets de réactiver ce fil après un long temps de sommeil.
Louis, comte de Frontenac a écrit :
... Ce qui m'impressionne dans cet édifice c'est que c'est le dernier exemple de cathédrale en construction qui existe, les autres ayant été achevées (où le chantier ayant été interrompu). Je n'ai pas encore eu la chance de la visiter mais il me tarde de la voir achevée (vers 2026-2030) ... J'espère pouvoir avoir la chance de voir un jour le résultat achevé!
Vous avez mille fois raison ! C'est une bonne occasion de comprendre l'histoire en regardant le présent.
Tout d'abord, une petite précision : il ne s'agit pas d'une cathédrale, mais d'une église votive appelée à devenir basilique (je n'insiste pas sur ces points de terminologie, évoqués ailleurs sur ce forum). Néanmoins, l'observation de sa construction est particulièrement instructive pour comprendre ce qu'on appelle (bien trop vite) le siècle des cathédrales :
- un chantier gigantesque, sur plusieurs générations : nulle personne vivante n'en aura vue la réalisation de bout en bout (un concept bien surprenant dans notre époque d'immédiateté),
- un projet visionnaire, lancé par un architecte génial mais qui, en même temps, n'a pas encore pris le temps de valider tous les moyens techniques de sa mise en oeuvre,
- des interruptions de chantiers, des reprises, des maîtres d'oeuvre successifs, toujours dans le respect d'un plan directeur défini une bonne fois pour toutes, et toujours avec des inconnues techniques,
- entre temps, une évolution des techniques et des savoir-faire, face à une interrogation récurrente, qui débouche d'un coup sur un nouveau coup de génie,
- et toujours le respect de la charte de départ ...
Des exemples :
- dans le cas de la cathédrale de Florence, le plan et l'élévation (qui ne pouvait trouver sa solution que dans une coupole) sont dressés en 1296 par Arnoldo di Cambio. Cinq maîtres d'oeuvre successifs butent tous sur le même problème et du coup remettent à plus tard tous de s'attaquer à la croisée, le concours de 1419 permet à Fillipo Brunelleschi de trouver LA solution, cet incroyable dôme à deux parois autoportantes .
- les cathédrales de Paris, Chartres, Bourges, Amiens ? Ces édifices seraient par terre depuis longtemps si, en cours de chantier, devant la peur que leur inspirait le vent dans les maçonneries hautes, les maîtres d'oeuvre n'avaient eu l'idée géniale d'inventer les arcs-boutants (rien que ça ). Et pourtant, à chaque fois, le plan et l'élévation était déterminés de longue date.
A la Sagrada Familia, ce n'est pas médire de Gaudi que de prétendre qu'il ne maîtrisait pas la totalité des moyens de la mise en oeuvre. La reprise du chantier et les réelles perspectives de le voir achevé un jour n'ont été rendues possibles que par une maîtrise parfaite des dernières générations du béton (alors que tout ce qui avait été bâti auparavant reposait sur la technique traditionnelle de la pierre taillée, et que l'érosion des parties les plus anciennes en témoigne déjà).
Et toujours dans le respect, outre du plan et de l'élévation, des deux mêmes principes directeurs fixés de manière par Gaudi :
- les piliers arborescents
- et la voûte en chaînette.
C'est ce qu'on appelle être visionnaire, non
?
Pour bien comprendre, il faut ajouter que les images que l'on voit actuellement de la Sagrada Familia (quatre tours ajourées) ne sont que l'une des façades latérales et que la tour de croisée les dépassera de 40 ou 50 mètres
.
Enfin, dernier parallèle avec la construction des cathédrales (du moins ce qu'on entend habituellement par là) :
- pendant ce temps-là, le culte est déjà instauré dans une partie déjà achevée,
- pendant ce temps-là, nombreux sont les visiteurs (et à Barcelone, il faut le dire, à grande échelle),
- pendant ce temps-là, les recettes générées par les visiteurs et les dévots sont affectées au chantier.
C'est décidément l'histoire en direct
.
sur l'état du chantier :
http://www.gaudiallgaudi.com/FA012.htm