Aprés un long travail de mise en forme, voila le premier chapitre de notre excursion de balnéothérapie à Versailles, cher Marquis.
L’appartement des bains de Louis XIV à Versailles.
Entre 1672 et 1678, après l’agrandissement du château de Versailles avec la construction, appelée à l’époque le « Château Neuf » ou enveloppe, Louis XIV disposait en même temps dans ce château agrandi, de plusieurs appartements pour son usage personnel répartis de la manière suivante :
1. D’un appartement de parade, composé de l’enfilade du premier étage du « Pavillon du Roi » au château-Neuf, qui servait aux représentations d’étiquette composé d’une salle des gardes, d’une antichambre, d’une chambre et d’un grand cabinet.
2. Des cabinets semi-officiels qui dépendaient de ce dernier appartement, composé d’une petite chambre, d’un cabinet et d’une garde-robe ( qui ne seront jamais totalement achevés suite à l’aménagement de la Grande Galerie )
3. D’un petit appartement de commodité, situé dans son ancien logement du château Vieux qu’il occupait déjà durant ses premiers séjours depuis 1660, composé d’une antichambre, d’un grand cabinet et d’une chambre à coucher – qui constituait sa véritable résidence quand il venait à Versailles. Cet appartement était complété par un autre appartement encore plus intime et quasiment méconnu des historiens, JC Le Guillou, historien architecte de Versailles, a évoqué la présence de deux logements privés à l’usage exclusivement du roi , d’abord dans l’attique au dessus des cabinets semi officiels puis, après la construction de la voûte de la grande galerie et du salon de la Guerre qui le détruira, son transfert dans les combles au-dessus du cabinet du conseil et du cabinet des perruques.
4. D’un appartement des Bains, aménagé en même temps que l’appartement de parade, situé juste au-dessus à l’étage noble, dont le nom suffit à déterminer l’usage et sa dépendance à l’appartement de commodité. C’est par cette suite somptueuse et disparue que nous allons commencer notre excursion de balnéothérapie dans le Versailles royal. Ce raffinement des bains fait douter de la saleté du roi et de la puanteur de Versailles. Quoi qu’il en soit, Louis XIV posséda une étonnante installation de bains de trois pièces à Versailles.
Commencé en 1671, définitivement meublé en 1680, cet appartement était destiné, selon le langage de la cour, aux « plaisirs des bains » .On sait ce que cela voulait dire au XVIIe siècle où l’hygiène du roi était particulièrement absente.
Louis XIV aimait l’eau et se baigna dans la Seine quand il était jeune, mais on sait, de sources sûres, qu’il ne prit des « bains de chambre » que sous prescriptions médicales. Il se cantonnait à une toilette de chat à base d’alcool dite esprit de vin chaque matin à son lever. Il n’était pas le premier roi de France à posséder des bains dans ses châteaux. Aussi cette installation ne servit pas réellement à la toilette royale au sens moderne du mot... Le logement servit plutôt comme une sorte d’appartement privé où Louis XIV aimait à se retirer au milieu d’un luxe inouï, en compagnie de jolies femmes dont la favorite en titre tenait le premier rôle.
C’était, en réalité, une extension de l’appartement de la favorite et son véritable royaume où elle entretenait sa beauté éblouissante légendaire. Aussi on peut conclure que ce fut probablement les femmes de la Cour qui usèrent de cet appartement de bains tel le hammam du harem du sultan …
Il trouvait déjà des « estuves » dans les châteaux forts des premiers rois de France, il en existait sous Charles V au Louvre et à l’hôtel royal des Tournelles à Paris, résidence parisienne d’Isabeau de Bavière. C’est François 1er qui posséda le premier un appartement complet des Bains d’un luxe inouï et d’une recherche inattendue à Fontainebleau.
La propre mère du roi, Anne d’Autriche, très soucieuse de sa propreté, eut des bains dans ses appartements du palais du Louvre très somptueusement décoré . Louis XIV s’en inspira quand il fit aménager, comme une chose jugée courante, cet appartement des Bains.
Ce secteur fut, sans doute, une des merveilles de Versailles, avec son décor de marbres polychromes, ses bronzes dorés et ses peintures. Sa distribution est parfaitement connue ainsi que son décor. Malheureusement pour nous, sa faveur fut de courte durée et le bel ensemble fut outrageusement détruit par Louis XV. Fort heureusement, de nombreux témoignages ont conservé son souvenir, aussi bien grâce à des descriptions anciennes que des études contemporaines.
Le peintre Le Brun a pu donner toute la mesure de son talent dans l’aménagement de ce fameux appartement. Ce logement était situé au rez-de-chaussée, sous l’appartement des Planètes ou Grand appartement du Roi.
L’entrée était située au centre de la façade sur le parterre du nord, par un perron, avec un vestibule orné de pilastres, coupé de huit colonnes de marbre rance avec des chapiteaux doriques qui lui valut cette appellation. C’était l’antichambre de cet appartement.
Ce « vestibule Dorique » était dallé de marbre blanc et noir. Le peintre Bon Boulogne en peignit le plafond. Les murs étaient peints à fresques par Lemoyne et Houasse. Les niches étaient ornées de quatre statues : Apollon, Vénus, Diane et Flore.
J’ai eu la chance, il y a cinq ans, lors d’une visite spéciale, de découvrir derrière les actuelles boiseries des deux cabinets intérieurs et la bibliothèque entresolée de Mesdames, qui en occupent l’emprise aujourd’hui, deux colonnes de cet ancien vestibule, miraculeusement préservées dans des coffrages ainsi que l’ancienne corniche du vestibule, au-dessus des plafonds de plâtres des cabinets actuels.
La seconde pièce était la « Salle de Diane ou Salon Ionique » et était située dans l’actuelle chambre de Mme Victoire, fille de Louis XV.
Elle avait été aménagée entre 1671 et 1676. Elle était décorée de douze colonnes de marbre de Charlemont (marbre des Flandres) et de marbre des Pyrénées, placées contre les murs devant des pilastres de marbre aux chapiteaux de marbre blanc.
La pièce avait reçu deux statues de Pallas et de Flore et une riche décoration peinte et sculptée, dans le mène style que les salons de Vénus et de Diane situés au dessus.
Les meubles de bois doré et argenté ( dont deux lits de repos ornés des attributs sculptés de Diane ) étaient tendus d’un brocart très richement brodé d’or et d’argent. Le Musée conserve les deux statues qui ont figuré ici.
La pièce d’angle située dans l’actuel grand cabinet de Mme Victoire, éclairée par trois fenêtres au nord et trois à l’ouest, était dénommée le « Cabinet des Mois ou Salon Octogone ».
Ce dernier nom lui venait de la forme octogonale du plafond, qu’avait peint Lemoyne. Le long des murs contre les trumeaux des portes et des fenêtres, on plaça douze statues d’adolescents ailés en grandeur nature, en métal doré, symbolisant les Mois portant chacune des cornes d’abondance et des torchères.
On imagine l’extraordinaire richesse de cette illumination reflétée dans les glaces, les marbres blancs et rouge et le métal. Elles étaient exécutées d’après les dessins de Le Brun et servaient de plateaux pour des candélabres en cristal de roche. Ces figures avaient été sculptées par les meilleurs artistes tel Tuby, Le Hongre, Girardon, Desjardins, Houzeau ou Regnaudin.
Les murs étaient revêtus de marbres de couleur. Le dessus de cheminée était orné d’un grand tableau ovale, peint par Houasse, représentant « Apollon et Daphné ».
Rien ne subsiste de ce décor : ni le plafond peint, ni le grand tableau ovale de la cheminée, ni les encadrements de portes et de fenêtres en marbre de Languedoc rouge et ni les douze figures du zodiaque d’étain doré sur autant de socles de marbres rares, hélas fondues sous Louis XV.
Ces deux salons, dont on ignore les destinations, ont peut être servi, à l’instar des thermes romains, de sorte de tepidarium, c’est à dire de pièce intermédiaire, destinée à une température attiédie pour passer de la chaleur et de la vapeur du bain à une atmosphère normale. On y faisait peut être la toilette ordinaire qui suivait les séances de baignades.
L’avant dernière pièce était d’une grande somptuosité, c’était la « chambre des Bains » c'est-à-dire une chambre destinée à la méridienne après le bain et les soins de toilette comme l’épilation du corps ou le massage. Elle occupait l’actuelle antichambre des Nobles de la princesse Victoire, réduite de son alcôve primitive qui était placée en vis-à-vis des fenêtres.
Cette chambre contenait un lit de repos mais dans quel décor ! Le sol était couvert d’un dallage à compartiments de marbre, les colonnes corinthiennes de marbre brèche isabelle avaient leurs bases et leurs chapiteaux en bronze dorés, ciselés par Caffièri , Lespagnandel et Temporeti.
Quatre pilastres de brèche violette aux chapiteaux dorés et aux colonnes semblables encadraient la couche. Tous les murs, comme ceux des pièces voisines, étaient plaqués de marbre de couleur. L’orfèvre Cucci avait travaillé aux décors sculptés des portes, des volets, des dessus de porte de bronze doré.
En 1678 , on y plaça un « grandissime » miroir – chose très rare et très coûteuse à l’époque – dont le cadre de bronze doré était ciselé par Cucci. Le lit, les deux fauteuils, les douze carreaux, ainsi que les murs de l’alcôve, étaient tendus d’un des plus riche brocart jamais fabriqué pour le roi . Ce meuble textile , dit « aux bergers et bergères » était si somptueux qu’on le jugea fort convenable pour meubler ensuite la grande chambre de Louis XIV au premier étage. De tout ce décor somptueux, seuls restent les volets intérieurs sculptés par Temporeti avec leurs dauphins, leurs jets d’eau et leurs coquilles sculptés.
L’appartement des Bains se terminait enfin par la pièce extraordinaire qui nous intéresse le plus : le cabinet des Bains de Louis XIV . Cette immense salle de bains qui ouvrait sur la galerie basse correspondait à l’emprise actuelle de la première antichambre de la princesse Victoire. Elle était d‘égale somptuosité que la chambre contiguë : plafond peint par De Séve, dessus de porte de bronze doré de Cucci, lambris mêlés de marbres de couleur et de stuc …
La salle de bains était divisée en deux parties, dans la première partie destinée aux bains collectifs, était encastrée dans le sol l’énorme baignoire, cette surprenante piscine taillée dans un seul bloc de marbre monolithe de marbre de Rance de forme octogonale qui coûta 15 000 livres., dans laquelle plusieurs personnes pouvaient se baigner assises dans l’eau sur une banquette de marbre qui en faisait le tour. C’était une cuve immense telle un jacuzzi avant l’heure ! La piscine était alimentée en eau courante chaude et froide à volonté reliée par une tuyauterie à une chaudière et à un réservoir, disposés dans une pièce de service , située au revers de l’alcôve surélevée.
L’eau salie était évacuée par un égout vers le lac des Suisses au delà de l’Orangerie au moyen d’une canalisation d’adduction souterraine. La seconde partie, formant une alcôve et surélevée de quelques marches, était destinée, à l’origine, aux bains individuels.
Louis XIV avait commandé deux baignoires de marbre blanc orné de bronze doré, placées à gauche et à droite. Mais il semblerait, qu’une fois livrées, elles ne furent pas scellées sur le dallage car Louis XIV venait de transformer sa salle de bains en supprimant les marbres et en repoussant la piscine dans cette alcove du fond.
Cette piscine existe encore, miraculeusement préservée au cours des siècles sous les parquets et déplacée, avec beaucoup de difficultés, si on se réfère à que raconte le duc de Luynes sous Louis XV, de cet appartement à l’ermitage de la marquise de Pompadour derrière le bassin de Neptune à Versailles qui la convertit en bassin de jardin avant de finir au Palais Rose de Paris chez le poète Robert de Montesquieu.
On la retrouve aujourd’hui conservée, mais non visible, dans la galerie de l’orangerie du château. En 1678, le roi fit ajouter deux cuves allongées en marbre blanc enrichies de bronze doré.
Cet ensemble magnifique correspond à la faveur de Mme de Montespan. On pouvait visiter cet appartement. Quand la marquise fut disgraciée, ce logement lui servit de premier exil. On le transformera en logement habitable en enlevant plusieurs panneaux de marbre, en le parquetant.
A cette époque, on cacha la cuve sous un parquet. Petit à petit, les décors disparaîtront, sous le règne de Louis XV, quand on cloisonna les grandes pièces pour loger les membres de la famille du comte de Toulouse, du duc de Penthièvre et enfin les propres filles du roi, Mesdames de France.
Tout changera avec Louis XV : avec des habitudes hygiéniques totalement différentes, des installations exclusivement personnelles, plus intimes et plus fonctionnelles et surtout la manie de la bougeotte : Louis XV eut sept salles de bains différentes entre 1722 et 1774 dans ses « cabinets » ou petits appartements de Versailles.
|