La manière de conduire une visite évolue avec le guide également. On ne maîtrise pas un sujet de la même manière quand on est sur un site depuis un mois / depuis 5 ans. Pour ma part, en tant que conférencière, je vois bien que je n'aborde pas / que je développe beaucoup plus certains points sur des sites que maîtrise très bien. Cela en fonction de mes lectures, de mes dernières recherches, et aussi bien sûr de l'intérêt du groupe. Ce qui me paraît primordial est, dans tous les cas, la préparation du sujet. Un guide parachuté là, parce qu'il cherche un job d'appoint et n'y connaît rien, fait beaucoup de mal à l'ensemble du domaine : le public n'apprend rien, voire est pris pour un c**, et repart avec l'idée que (mal) conduire une visite guidée est à la portée de tous. En soi, ça l'est, mais c'est comme le permis de conduire : tout le monde peut le passer, mais il faut bien le préparer pour l'obtenir, et quand bien même l'a-t-on obtenu, on n'est pas forcément un bon conducteur.
Cette part "sombre" décrédibilise ceux qui font un bon boulot, et heureusement, ils sont nombreux. Pour ma part, en tant que conférencière, je laisse rarement repartir un groupe morose, et je trouve moi-même dans ces visites une source d'énergie qui augmente au fil des années. La rigueur intellectuelle, loin des clichés, peut s'accompagner de l'humour et de la bonne humeur. En effet, on fait rarement ce métier par dépit, et il faut aussi y prendre plaisir. C'est une profession en montagnes russes et elle a de nombreux mauvais côtés, supplantés par les moments magiques qui font vibrer le groupe + le guide dans son ensemble. En ce qui concerne les pourboires, je dirais plutôt que ça dépend des sites, et pas tellement du guide (hélas). Sur des sites de la RMN, je n'ai jamais rien ; ailleurs, ça dépend (musée de l'armée + opéra : très souvent, collections privées : rien du tout également). Dans tous les cas pourtant, les commentaires des visiteurs sont très semblables.
J'ajouterai que les visiteurs jouent un rôle qu'ils ne soupçonnent pas dans la tenue d'une visite. D'un groupe à l'autre, la place pour l'humour et la convivialité n'est pas la même. Dernièrement, une grand-mère m'a reproché de "prendre son petit-fils à parti" parce que je lui ai demandé comment il s'appelait (!), alors que la plupart du temps, les adultes sont ravis ravis ravis quand leurs enfants passent -à leurs yeux- sous les "feux de la rampe". L'attitude des visiteurs, tendue ou décontractée, souriants ou faisant une mine d'enterrement, joue beaucoup sur l'atmosphère. Le conférencier, en face, fait, la plupart du temps, toujours son maximum. Mais quand on ne lui répond même pas (et ça arrive aussi) quand il dit simplement "bonjour" ou qu'il pose une question et tente de créer un dialogue, c'est compliqué à gérer. Avec le temps, on apprend de mieux en mieux à gérer cet aspect des choses, mais on passe là dans un domaine qui rejoint presque celui des relations publiques. Et la pierre n'est pas toujours à jeter au guide quand il a 35 visages sombres en face de lui avant même d'avoir pris le groupe en charge...
Nombreux sont les conférenciers qui n'exercent qu'à temps partiel, étant donné la difficulté du métier, et qui ont un poste fixe par ailleurs. Lorsque j'en suis arrivée à ce choix-là, et que j'aurais pu abandonner toute mon activité de conférencière, pour rien au monde pourtant, je n'y aurais renoncé. En effet, cette énergie, cette magie du patrimoine et du contact des objets, des yeux émerveillés des enfants (mais aussi des adultes !), sont le sel de la médiation culturelle. L'excellence et la rigueur de la connaissance, alliées à l'humour et la joie de vivre doivent en être la colonne vertébrale. Gardez en mémoire les bons conférenciers ! Parce qu'eux aussi, une fois les visiteurs partis, se rappelleront pour longtemps leurs "chouchous" et en particulier ceux qui les ont le plus faits rire ;-)
(doublon "d'édition" corrigé calame)