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Message Publié : 03 Août 2015 13:08 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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Chers amis, je ne sais si ma question va vous intéresser mais j'ai été très frappé ces dernières semaines par les propos tenus au cours des visites guidées que j'ai suivies dans des monuments historiques (châteaux de Maison laffitte, Mirosmenil et Pau).

Deux détails tout d'abord : les guides se sont beaucoup attardés sur la vie quotidienne des occupants des lieux - et en particulier sur la vie quotidienne des femmes. Ils ont ainsi laissé (presque complètement ) de côté les aspects politiques des lieux présentés et le rôle de leurs occupants.

Plus gênant : à plusieurs reprises, les règles de l'étiquette ou disons plus largement le mode de vie aristocratique ont été présentés de façon péjorative, comme s'il s'agissait de règles cocasses, incompréhensibles voire absurdes, ...le record a été atteint à Maison Laffitte où le guide a tout simplement expliqué que le meilleur moyen de comprendre l'ancien régime était de voir le film "la Folie des grandeurs" avec Louis de Funes et Yves Montand.

Mes fils me disent qu'il s'agit de faciliter la compréhension de notre passé en neutralisant l'appréhension que peut ressentir un public peu cultivé . Je n'en suis pas certain. Suis je un vieux ronchon ou faut il tirer le signal d'alarme ? Je précise néanmoins que par rapport à ma jeunesse, la qualité des visites guidées me semblaient avoir beaucoup monté pendant ces dernières décennies. Assistons nous à un renversement de tendance ?


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Message Publié : 03 Août 2015 15:02 
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Eginhard
Eginhard
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Inscription : 21 Nov 2008 17:01
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Localisation : Nevers
En ce qui concerne la visite des édifices religieux, la dérision est, hélas, aussi parfois de mise.

Le pire exemple que j'ai connu est une visite du Mont-Saint-Michel avec un guide officiel du Monum : les moines étaient au mieux des imbéciles et des naïfs, plus souvent des hypocrites et des paillards. Un partie du public était pliée de rire, l'autre était consternée devant la monstrueuse bêtise de ce one-man-show prétentieux.

Nous en sommes arrivés à espérer la fin de la visite tellement c'était
    1/ irrespectueux des convictions des personnes (celles présentes et celles évoquées dans le commentaire)
    2/ inapproprié pour expliquer et éclairer quoi que ce soit de ce que nous avions sous les yeux.

Depuis, je ne me suis plus jamais inscrit pour suivre une visite organisée par le Monum ... Je préfère de loin les visites conduites par des bénévoles de la paroisse, parfois moins documentées (quoique ...!?) mais au moins avec quelqu'un qui aime ce dont il parle.

Entre temps, avec deux ami(e)s, nous avons créé une association pour accueillir visiteurs, touristes et pèlerins dans la cathédrale de Nevers, et depuis six ans le diocèse publie chaque été un dépliant répertoriant les dates et heures d'ouverture des églises de la Nièvre (130 sur les 350 du département/diocèse) et la publication est relayée par les instances départementales du tourisme.

Au moins, l'affligeante expérience du Mont-Saint-Michel aura servi à quelque chose :P !
Jean-Michel

_________________
Heureux ceux qui savent rire d'eux-mêmes, ils n'ont pas fini de rigoler !


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Message Publié : 03 Août 2015 22:09 
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Modérateur
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Inscription : 23 Jan 2009 15:49
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Faire une visite, c'est comme faire un cours : il faut trouver le ton qui permette de faire passer du fond sans lasser par la forme, et le tout, avec un ensemble de personnes aux niveaux et aux intérêts divers et difficiles à cerner. Le positionnement n'est jamais facile. L'humour est sans doute l'un des ressorts les plus utiles. Ca ne me choque pas de présenter des règles de l'étiquette en accentuant le contraste avec notre époque, ou de faire l'inverse, tant que ça reste dans l'anecdote. Il y a des choses ridicules dans le passé comme dans le présent, poser tout ce qui est ancien sur un piédestal est une mauvaise habitude, de même que tout juger à l'aune de son propre contexte. Le problème naît quand la forme prend le pas sur le fond, ou quand la prestation du guide prend le pas sur ce qu'il montre. Le meilleur indicateur de la satisfaction des visiteurs étant généralement le pourboire qu'ils laissent - ou pas - à la fin. :mrgreen:

Après, il y a une question de formation et de mise à jour des connaissances, toutes choses qui ne sont pas toujours matériellement évidentes, et prennent du temps, temps qui est (littéralement) de l'argent.

Quant à accuser les guides professionnels de ne pas aimer leur boulot, c'est, je crois, un procès bien vain ; étant donné le niveau des rémunération et la précarité du travail, c'est rarement une carrière choisie par dépit.


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Message Publié : 05 Août 2015 16:12 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 08 Nov 2010 17:01
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Localisation : sur le cardo d'une cité de la Gaulle romaine
J’ai visité quelques châteaux au mois de juillet (Losse, Puymartin…) et je n’ai eu qu’à me louer des prestations et du niveau des guides.
J’ai même eu droit, une fois, à une visite guidée par le maître des lieux. Un régal.
Honneur aux guides !

_________________
Je n'ai pas cru que tes édits pussent l'emporter sur les lois non écrites et immuables des dieux. Sophocle


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Message Publié : 05 Août 2015 18:37 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 18 Jan 2008 13:49
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Localisation : Paris
Un problème vieux comme la notion de patrimoine, la visite des monuments religieux, entre la visite par l'affectataire (le clergé ou les associations religieuses et para-religieuses) ou par le propriétaire (la commune ou l'État), qui se recoupe aujourd'hui entre primat du scientifique ou du religieux. Cela dépasse d'ailleurs la question des guides et concerne tous les supports de médiation et de valorisation ou au-dehors l'édifice.

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Ira principis mors est


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Message Publié : 06 Août 2015 7:11 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 22 Sep 2005 18:53
Message(s) : 1947
Bonjour

je ne peux que parler de mon expérience personnelle.

J'ai visité plusieurs châteaux médiévaux en France ou le guide racontait n'importe quoi sur le Moyen Age !!! (les fameuses idées reçues sur le poids des armures et des épées, ... j'en passe et des meilleurs).

Ces guides étaient parfois de jeunes filles en job étudiant, on peut pas leur en vouloir.
Je n'intervient plus quand le guide dit une connerie. la dernière fois que je l'ai fait, ça s'est mal passé !!!!!!
De toute façon, je préfère les visites sans guide mais parfois c'est impossible.


Je resterais discret sur les châteaux concernés !! :mrgreen:


Par contre, une très bonne surprise sur le guide du château de Germolles (et qui est aussi le proprio). On voit que ce monsieur s'est bien renseigné sur le sujet.

-> http://www.chateaudegermolles.fr/

Bien à tous.

_________________
Hugues de Hador.


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Message Publié : 07 Août 2015 13:49 
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Plutarque
Plutarque

Inscription : 08 Mars 2009 21:18
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Localisation : Lutèce
La manière de conduire une visite évolue avec le guide également. On ne maîtrise pas un sujet de la même manière quand on est sur un site depuis un mois / depuis 5 ans. Pour ma part, en tant que conférencière, je vois bien que je n'aborde pas / que je développe beaucoup plus certains points sur des sites que maîtrise très bien. Cela en fonction de mes lectures, de mes dernières recherches, et aussi bien sûr de l'intérêt du groupe. Ce qui me paraît primordial est, dans tous les cas, la préparation du sujet. Un guide parachuté là, parce qu'il cherche un job d'appoint et n'y connaît rien, fait beaucoup de mal à l'ensemble du domaine : le public n'apprend rien, voire est pris pour un c**, et repart avec l'idée que (mal) conduire une visite guidée est à la portée de tous. En soi, ça l'est, mais c'est comme le permis de conduire : tout le monde peut le passer, mais il faut bien le préparer pour l'obtenir, et quand bien même l'a-t-on obtenu, on n'est pas forcément un bon conducteur.
Cette part "sombre" décrédibilise ceux qui font un bon boulot, et heureusement, ils sont nombreux. Pour ma part, en tant que conférencière, je laisse rarement repartir un groupe morose, et je trouve moi-même dans ces visites une source d'énergie qui augmente au fil des années. La rigueur intellectuelle, loin des clichés, peut s'accompagner de l'humour et de la bonne humeur. En effet, on fait rarement ce métier par dépit, et il faut aussi y prendre plaisir. C'est une profession en montagnes russes et elle a de nombreux mauvais côtés, supplantés par les moments magiques qui font vibrer le groupe + le guide dans son ensemble. En ce qui concerne les pourboires, je dirais plutôt que ça dépend des sites, et pas tellement du guide (hélas). Sur des sites de la RMN, je n'ai jamais rien ; ailleurs, ça dépend (musée de l'armée + opéra : très souvent, collections privées : rien du tout également). Dans tous les cas pourtant, les commentaires des visiteurs sont très semblables.
J'ajouterai que les visiteurs jouent un rôle qu'ils ne soupçonnent pas dans la tenue d'une visite. D'un groupe à l'autre, la place pour l'humour et la convivialité n'est pas la même. Dernièrement, une grand-mère m'a reproché de "prendre son petit-fils à parti" parce que je lui ai demandé comment il s'appelait (!), alors que la plupart du temps, les adultes sont ravis ravis ravis quand leurs enfants passent -à leurs yeux- sous les "feux de la rampe". L'attitude des visiteurs, tendue ou décontractée, souriants ou faisant une mine d'enterrement, joue beaucoup sur l'atmosphère. Le conférencier, en face, fait, la plupart du temps, toujours son maximum. Mais quand on ne lui répond même pas (et ça arrive aussi) quand il dit simplement "bonjour" ou qu'il pose une question et tente de créer un dialogue, c'est compliqué à gérer. Avec le temps, on apprend de mieux en mieux à gérer cet aspect des choses, mais on passe là dans un domaine qui rejoint presque celui des relations publiques. Et la pierre n'est pas toujours à jeter au guide quand il a 35 visages sombres en face de lui avant même d'avoir pris le groupe en charge...
Nombreux sont les conférenciers qui n'exercent qu'à temps partiel, étant donné la difficulté du métier, et qui ont un poste fixe par ailleurs. Lorsque j'en suis arrivée à ce choix-là, et que j'aurais pu abandonner toute mon activité de conférencière, pour rien au monde pourtant, je n'y aurais renoncé. En effet, cette énergie, cette magie du patrimoine et du contact des objets, des yeux émerveillés des enfants (mais aussi des adultes !), sont le sel de la médiation culturelle. L'excellence et la rigueur de la connaissance, alliées à l'humour et la joie de vivre doivent en être la colonne vertébrale. Gardez en mémoire les bons conférenciers ! Parce qu'eux aussi, une fois les visiteurs partis, se rappelleront pour longtemps leurs "chouchous" et en particulier ceux qui les ont le plus faits rire ;-)

(doublon "d'édition" corrigé ;) calame)

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"Je souhaite que les conquérants à venir apprennent à ne pas dépouiller les villes qu'ils soumettent, et à ne pas faire des calamités d'autrui l'ornement de leur patrie"

Polybe, Histoires, Livre IX (chap.3).


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Message Publié : 07 Août 2015 14:02 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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Merci Obelix pour ce témoignage très vivant et sincère !


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Message Publié : 07 Août 2015 17:53 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Localisation : 13
Les problèmes ne sont pas uniquement dus aux conférenciers mais aussi voire surtout aux visiteurs.

1- mes constats
a - les visites s'axent c'est vrai de plus en plus sur les aspects techniques secondaires. Le pire : comment faire pipi ou caca dans un château ?
b - les aspects les plus traditionnels et en particulier les éléments religieux sont passés sous silence ou tournés en dérision ou présentés de façon à les rendre incompréhensibles ou aberrants : à la chartreuse de Villeneuve lès Avignon la conférencière a fortement souligné l'interdiction faite aux femmes de rendre visite aux moines ... Sans rappeler que ceux ci faisaient vœu de chasteté ... Plusieurs visiteuses se sont montrées scandalisées par cette atteinte aux droits de la femme (au 14e siècle !!!) !

2- mes explications
a- les conférenciers font du marketing et disent ce qui plait au public lequel aime entendre parler des toilettes, du sommeil, de la sexualité, et se moque un peu de la féodalité, du grand schisme d'Occident ou de la Trinité
b- les conférenciers comme les visiteurs ne veulent surtout pas avoir l'air de bourgeois pédants. On est là pour se détendre. C'est la "disneylandisation" du monde ou le résultat des idées de Bourdieu
c - certains aussi veulent faire croire qu'ils sont mondialisés et ne connaissent pas plus la culture de leurs grands parents que celle des aborigènes d'Australie

Mais il n'y a pas de problèmes partout - on trouve encore beaucoup de guides passionnés et passionnants. Parfois professionnels. Parfois des étudiants qui travaillent l'été. Merci à eux !


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Message Publié : 07 Août 2015 20:09 
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Plutarque
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Inscription : 08 Mars 2009 21:18
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Localisation : Lutèce
Le problème réside surtout dans la formation des guides (ou plutôt dans son absence ou sa mauvaise qualité) et dans leur statut. À partir du moment où on choisit de se passer des services d'un véritable spécialiste, un historien d'art ou a minima, un historien, et ben oui, on a une mauvaise prestation. Il ne suffit pas non plus d'avoir la carte de guide pour être un "bon" guide, mais c'est déjà un début. Cette carte s'obtient à l'heure actuelle après une formation au ras des pâquerettes (et "grâce à" la réforme actuelle, cela pourrait s'empirer), et les visites de certains qui en sont titulaires, mais n'ont pas suivi d'autres formations plus approfondies, font peur. Des non-sens, des raccourcis, une absence criante de remise en contexte... Tout simplement parce que ces connaissances basiques ne sont plus exigées pour obtenir le fameux sésame.
À cela s'ajoute que des guides peu scrupuleux acceptent de travailler au black. En soi, je comprends qu'on soit assommé par les charges, mais ça + le mauvais boulot, quand tous ces facteurs se rencontrent, le grand public a une fausse idée de la réalité pratique du métier : un métier d'appoint, appris sur le tas, qui peut s'improviser. La situation est pire si on rémunère le guide au pourboire : cela veut dire qu'il n'est pas formé (au mieux, on lui a donné un livret la veille de sa 1ère visite, et il a eu la soirée pour le potasser). Il y a bien sûr des exceptions (heureusement !), et nombreux sont les étudiants en histoire de l'art qui font ainsi leurs premières armes ! Mais dans l'ensemble, quand on recours aux services d'un non-professionnel, et bien il ne faut pas s'étonner d'avoir un mauvais boulot. Vous l'avez constaté pour certains, les pipi-caca et la Disneylandisation sont bien plus faciles ! Pour faire une métaphore, si vous demandez à votre voisin bricoleur de réparer votre voiture, il fera peut-être de son mieux, mais ce ne sera qu'une réparation de fortune. C'est comme cela que je le vois : les mauvaises visites décrites sur ce post sont des "visites de fortune".
Je considère que ce sont aux conférenciers historiens d'art, et parmi les meilleurs, de donner une vraie image du métier. Celui de la passion, du savoir, de la rigueur, de la transmission, des langues (travailler en anglais est indispensable), et comme je le disais plus haut, de la rencontre et de l'humour, autour d'une découverte patrimoniale. Le tout bien sûr en s'adaptant à l'auditoire que l'on a en face. Un conférencier peut successivement avoir un groupe de grands mécènes et passer sans transition à un groupe de maternelles. Ces grands écarts font partie de la variété du métier, et c'est ce pari, si ce n'est ce défi, qui en fait le côté "challengeant" :-)

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Message Publié : 08 Août 2015 8:38 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 12 Nov 2009 21:20
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Localisation : 13
Pas sûr que la formation soit la solution. Les conférenciers les plus démagogiques on les trouve dans les grands monuments où des conservateurs très bien formés élaborent des visites soignées ...intégrant parfaitement un double objectif
- marketing à la Disney: comment vivait on dans le lieu au nième siècle?
- orientation idéologique visant à discréditer (au choix) l'Eglise, la Royauté, la Noblesse, la Bourgeoisie, l'Armée, ...pour sous entendre à quel point la vie est meilleure au XXI e siècle


Les meilleurs guides sont parfois des étudiants, parfois des propriétaires, parfois des salariés, ... Toujours des passionnés !

PS : J'etais moi même guide dans un château en juillet !!


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Message Publié : 08 Août 2015 12:38 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 18 Jan 2008 13:49
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Localisation : Paris
Marc30, vous avez manifestement des idées très arrêtées sur ce qui est juste ou bon, et ces idées vous amènent à écrire des choses très fausses, à la limite de la calomnie, sur les guides des monuments nationaux ou les conservateurs d'iceux. Il n'y a pas, dans l'administration du ministère de la Culture, d'obscur complot - alimenté par les idées subversives de Bourdieu ! - cherchant à amener les monuments au niveau de "Disneyland" et à discréditer la Royauté ou l'Église.

Simplement, il faut prendre en compte ce qu'est la visite d'un monument particulier, qui n'est pas l'occasion d'une conférence ou d'un cours - encore moins d'un panégyrique - sur la féodalité ou la vie religieuse. À ce titre, bien que cela vous choque, la vie matérielle est un sujet légitime, pas un disneylandisation, qui serait la recréation d'un lieu idéal, qui par exemple présenterait les moines d'une abbaye comme de purs esprits tournés vers Dieu, sans besoins naturels ni tentations contre la règle. Or, l'histoire d'un monastère n'est jamais linéaire, sans contradiction ou changement de destination. Si la fondation de la chartreuse de Villeneuve insiste tant sur la clôture et la règle, c'est que l'abbaye Saint-André, plus ancienne et voisine, a été mise en commende par les mêmes papes d'Avignon au détriment de la vie monastique. Insister sur l'interdiction aux femmes se comprend donc particulièrement à la chartreuse, par rapport à certaines abbayes de la région au moment de sa fondation.

Quand à l'idée d'une volonté de discréditer une institution ou une autre, j'ai peur que vous la confondiez avec la remise en perspective historique de ces mêmes institutions. La "passion" ne remplace pas la connaissance et la maîtrise des sciences historiques. Être passionné par l'histoire, ce n'est pas la même chose qu'être un croyant et on ne peut faire visiter un monument historique de la même manière qu'on accueille un pèlerin dans une église.

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Message Publié : 16 Août 2015 13:39 
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Marc Bloch
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Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Localisation : Versailles
Ce sujet est intéressant et m'a conduit à réfléchir avant de répondre car il correspond à quelque chose que je ressens confusément en hésitant toutefois à proposer une interprétation définitive.

Tout d'abord il n'y a jamais eu d'âge d'or : quand jetais enfant bien des visites guidées était de''une grande médiocrité et fort ennuyeuse, avec un guide (et non un conférencier) qui n'en savait pas plus que les visiteurs (et souvent moins) et se contentait d'une récitation d'un texte écrit par d'autres.

Aujourd hui, c'est vrai, je note par exemple que les commentaires concernent moins le décor et l'esthétique et plus l'histoire ou l'architecture. Peut être parce que le public s'intéresse peu à la question de savoir si une commode est de Boulle ou Jacob et si une tapisserie est des Gobelins ou d'Aubusson. Mais les visiteurs veulent plutôt savoir à quoi servait telle pièce ou pourquoi tel meuble a une forme bizarre.

En revanche plus récemment, je note une petite tendance à la politisation des visites. Notamment un certain féminisme des guides femmes comme des conférencières.et c'est vrai une certaine prise de distance à l'égard de la religion catholique soit qu'elle soit quasiment exclue du propos soit qu'elle soit présentée comme quelque chose de complexe, incompréhensible voie ridicule. Je me demande si ce phénomène récent n'est pas un contre coup de la "manif pour tous " dont on ne peut pas dire qu'elle ait eu des échos favorables dans les milieux culturels. Je l'ai noté dans mes rapports professionnels avec des "fonctionnaires culturels" qui manifestent désormais une grande nervosité sur la "laïcité". Peut on l'élargir aux guides et çonferençiers ?

Cela dit jadis nous subissions souvent les convictions républicaines des guides qui évoquaient souvent la misère de "nos ancêtres paysans libères en 1789" comme si tous les visiteurs avaient toujours des ancêtres paysans révolutionnaires et jamais d'ancêtres royalistes ou châtelains (ou les deux) , ce qui faisait beaucoup rire ma mère et a quasiment disparu aujourd'hui me semble t il.


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Message Publié : 16 Août 2015 13:40 
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Plutarque
Plutarque

Inscription : 08 Mars 2009 21:18
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Localisation : Lutèce
marc30 a écrit :
Pas sûr que la formation soit la solution.

Quelle autre voyez-vous à la place ?
marc30 a écrit :
Les conférenciers les plus démagogiques on les trouve dans les grands monuments où des conservateurs très bien formés élaborent des visites soignées ...

Sans faire de la délation, de quels monuments parlez-vous ? Et avez-vous assisté à cela à de si multiples reprises qu'il soit possible d'en tirer une telle généralité ? Au passage, mais c'est peut-être juste une légère incompréhension : un conservateur établit le projet scientifique et culturel du musée, mais pas la visite des conférenciers (qui sont loin de simplement répéter "bêtement" ce que leur dirait un conservateur). C'est du moins tout à fait contraire à ma propre expérience.
marc30 a écrit :
PS : J'etais moi même guide dans un château en juillet !!

Je serais curieuse d'entendre un retour sur votre expérience, en MP si vous préférez.
Cornelis a écrit :
La "passion" ne remplace pas la connaissance et la maîtrise des sciences historiques. Être passionné par l'histoire, ce n'est pas la même chose qu'être un croyant et on ne peut faire visiter un monument historique de la même manière qu'on accueille un pèlerin dans une église.

Tout à fait d'accord.

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Message Publié : 16 Août 2015 14:12 
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Plutarque
Plutarque

Inscription : 08 Mars 2009 21:18
Message(s) : 150
Localisation : Lutèce
Jerôme a écrit :
Aujourd hui, c'est vrai, je note par exemple que les commentaires concernent moins le décor et l'esthétique et plus l'histoire ou l'architecture. Peut être parce que le public s'intéresse peu à la question de savoir si une commode est de Boulle ou Jacob et si une tapisserie est des Gobelins ou d'Aubusson. Mais les visiteurs veulent plutôt savoir à quoi servait telle pièce ou pourquoi tel meuble a une forme bizarre.

Les deux peuvent aller ensemble. Par exemple, dans le cabinet intérieur de Louis XV à Versailles, je peux tout à fait faire un présentation technique du secrétaire à cylindre de Oeben et Riesener, et la plupart du temps, les visiteurs me "suivent" (on sent très vite s'ils décrochent, auquel cas on rectifie le tir).
Jerôme a écrit :
En revanche plus récemment, je note une petite tendance à la politisation des visites.

Pour le féminisme, je ne sais pas trop (je n'ai jamais vraiment tiré matière de ce sujet dans mes visites), mais il est vrai que je me risque parfois à faire s'interroger les visiteurs sur des sujets d'actualité, tout en marchant sur des oeufs. Par exemple, devant le plafond de Chagall à Garnier, j'invite les visiteurs à garder en mémoire la prudence de Malraux, sur la possibilité de "revenir en arrière" plutôt que de détruire sans garde-fou, comme cela a été le cas plus tard pour les halles de Baltard. L'émoi de ce souvenir sème un frisson sur les visiteurs, et le rapprochement actuel avec les serres d'Auteuil est là souvent de mise. J'ajoute que je parle rarement de ça aux visiteurs anglophones, qui sont préoccupés par d'autres sujets mais très peu par celui-ci(et j'ai donc d'autres "cartouches" pour eux). En revanche, pour les Français, ça tombe rarement à plat (avec la formation des petits rats à l'École de danse, qui pourrait les tenir en haleine pendant quasiment une heure).
Jerôme a écrit :
Je me demande si ce phénomène récent n'est pas un contre coup de la "manif pour tous " dont on ne peut pas dire qu'elle ait eu des échos favorables dans les milieux culturels. Je l'ai noté dans mes rapports professionnels avec des "fonctionnaires culturels" qui manifestent désormais une grande nervosité sur la "laïcité". Peut on l'élargir aux guides et çonferençiers ?

La question est intéressante : j'essaierai d'en parler avec des collègues prochainement.
Jerôme a écrit :
Cela dit jadis nous subissions souvent les convictions républicaines des guides qui évoquaient souvent la misère de "nos ancêtres paysans libères en 1789" comme si tous les visiteurs avaient toujours des ancêtres paysans révolutionnaires et jamais d'ancêtres royalistes ou châtelains (ou les deux) , ce qui faisait beaucoup rire ma mère et a quasiment disparu aujourd'hui me semble t il.

Du côté des guides peut-être, mais pas chez les visiteurs... Je ne compte plus les fois où j'ai entendu, à Versailles, des visiteurs me dire d'un air inspiré qu'une telle démesure était mal venue "alors que le peuple meurt de faim" (comme s'ils descendaient de sans-culottes et venaient d'inventer cette formule usée jusqu'à la corde). J'ai même le sentiment que la laïcisation à outrance, l'anticléricalisme et le féminisme hors de propos sont davantage du côté des visiteurs que ceux des guides. C'est du moins mon ressenti, et auquel cas, mon boulot sert aussi à aller contre les idées reçues : à inciter à voir le site tel qu'il est, et non selon les images d'Épinal qui, par définition, forment un imagine collectif et peuvent altérer la compréhension.

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