Je souhaite discuter ici de l'esclavage musulman en général, donc j'y réponds
ce message.
Massinissa a écrit :
Je distinguait simplement l'Islam en tant que tel et sa vision de l'esclavage qui accentue au maximum la libération des esclaves, faisant l'inverse que d'encourager l'esclavage. Et c'est mieux pour vous d'affranchir un esclave répète le Coran, par rapport à l'action des musulmans eux mêmes qui était souvent contradictoire, tellement l'esclavage était un atout commercial non négligeable.
Le "au maximum" est à mon avis un peu léger.
En droit musulman, il y a une gradation dans les actions. Certaines sont interdites, voire assorties de sanctions pénales (boire du vin, voler, forniquer...) D'autres sont obligatoires (les piliers, le jihad selon certains...) et sanctionnées par l'Enfer.
D'autres sont seulement recommandées (comme le pardon de l'homicide), ou déconseillées. Et c'est à ce niveau qu'appartient l'affranchissement.
Il est plus juste de dire que l'islam a toujours conforté
l'institution de l'esclavage tout en conseillant aux musulmans
individuellement de pratiquer l'affranchissement à titre de bonne action :
Le Coran a écrit :
Sourate 24, la lumière
33. [...]Ceux de vos esclaves qui cherchent un contrat d'affranchissement, concluez ce contrat avec eux si vous reconnaissez du bien en eux; et donnez-leur des biens d'Allah qu'Il vous a accordés. Et dans votre recherche des profits passagers de la vie présente, ne contraignez pas vos femmes esclaves à la prostitution, si elles veulent rester chastes . Si on les y contraint, Allah leur accorde après qu'elles aient été contraintes, Son pardon et Sa miséricorde.
Sourate 90, la cité
11. Or, il ne s'engage pas dans la voie difficile! 12. Et qui te dira ce qu'est la voie difficile? 13. C'est délier un joug [affranchir un esclave], 14. ou nourrir, en un jour de famine, 15. un orphelin proche parent 16. ou un pauvre dans le dénouement. 17. Et c'est être, en outre, de ceux qui croient et s'enjoignent mutuellement l'endurance, et s'enjoignent mutuellement la miséricorde. 18. Ceux-là sont les gens de la droite;
... ou à titre de pénitence :
Le Coran a écrit :
Sourate 4, les femmes
92. Il n'appartient pas à un croyant de tuer un autre croyant, si ce n'est par erreur. Quiconque tue par erreur un croyant, qu'il affranchisse alors un esclave croyant et remette à sa famille le prix du sang, à moins que celle-ci n'y renonce par charité. Mais si [le tué] appartenait à un peuple ennemi à vous et qu'il soit croyant, qu'on affranchisse alors un esclave croyant. S'il appartenait à un peuple auquel vous êtes liés par un pacte, qu'on verse alors à sa famille le prix du sang et qu'on affranchisse un esclave croyant. Celui qui n'en trouve pas les moyens, qu'il jeûne deux mois d'affilée pour être pardonné par Allah. Allah est Omniscient et Sage.
Sourate 5, la Table Servie
89. Allah ne vous sanctionne pas pour la frivolité dans vos serments, mais Il vous sanctionne pour les serments que vous avez l'intention d'exécuter. L'expiation en sera de nourrir dix pauvres, de ce dont vous nourrissez normalement vos familles, ou de les habiller, ou de libérer un esclave. Quiconque n'en trouve pas les moyens devra jeûner trois jours. Voilà l'expiation pour vos serments, lorsque vous avez juré. Et tenez à vos serments, Ainsi Allah vous explique Ses versets, afin que vous soyez reconnaissants!
Sourate 58, la discussion
3. Ceux qui comparent leurs femmes au dos de leurs mères, puis reviennent sur ce qu'ils ont dit, doivent affranchir un esclave avant d'avoir aucun contact [conjugal] avec leur femme. C'est ce dont on vous exhorte. Et Allah est Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites.
Il n'y a donc aucune contradiction avec les lois du commerce. Au contraire : les affranchis accroissent la demande, puisque leurs anciens maîtres ont besoin de les remplacer. De plus, on sait depuis l'Antiquité que lorsqu'un esclave est doué et réussit en affaire, il est très sain de lui promettre l'affranchissement pour le motiver. Une fois libre, il intègrera le réseau de clientèle de son ancien maître (
mawali) et celui-ci en tirera un profit plus grand.
Ištar Elāny a écrit :
Certains esclaves dans le monde Arabe et l'Empire Ottoman devenaient plus riches que leurs maîtres , certains finissaient même par devenir gouverneurs (un des gouverneurs le plus celèbre du Bey de Tunis était fils d'esclave).
Pas plus riche : il n'avait pas de propriété - en dehors d'un pécule si le maître l'autorise - mais son maître peut lui déléguer légalement la gestion d'un capital.
Comme dans la Rome antique, les gouvernants ont souvent préféré s'entourer d'affranchis qui leur devaient tout plutôt que d'hommes libres potentiellement liés à des factions rivales. Il est donc normal que certains aient faits de belles carrières et aient assuré celles de leurs fils.
Le cas des Mamelouks était différent - on en parle ailleurs sur le forum, puisqu'ils avaient un statut particulier et que leurs enfants étaient sujets musulmans de droit - il était strictement interdit d'hériter du statut avantageux de Mamelouk -, mais ils ont certainement contribué à supprimer la tache d'infamie que la servilité faisait peser sur la descendance.
Massinissa a écrit :
En outre, n'oublions pas que la sexualité en Islam est loin d'être aussi négative que dans le christianisme, où la contraception est interdite et où les relations sexuelles sont quelque chose de malsain. Ce n'est pas un hasard par exemple si les moines et les prêtres en sont exclus.
Ça, c'est une vision un peu caricaturale du christianisme, qui mériterait un long développement. Les deux religions ne donnent pas le même type de discours, ni au même niveau, ni dans le même contexte (la monogamie exogame d'un côté, la polygamie endogame de l'autre).
Si on veut continuer dans le jugement de valeur totalement anachronique, on peut aussi évoquer ce passage des
Chrétiens d'Allah :
"Un musulman qui épouse une esclave est assuré d'avoir une femme docile car, bien que le sort d'une esclave ne soit pas enviable, la crainte de changer de maître la rend soucieuse de plaire à son mari et, s'il lui donne un enfant, le maître n'a plus le droit de la vendre."Sur ce dernier point, ajoutons deux choses : il faut que l'enfant ait été reconnu par le père, ce qui n'est pas obligatoire, et s'il ne peut vendre sa concubine, il peut la donner en mariage sans son consentement.