Florian:e souhaiterai approfondir un point brièvement évoqué par Daddycool dans cette discussion sur l'Origine des Berbères et qui la recoupe en partie.
-Comment explique-t-on que les Berbères aient été islamisés sans être arabisés (alors même qu'Yves-Marie Deshays m'expliquait il y a peu dans la discussion sur l'Asie du Sud-Est que "quels que soient le pays, la région ou la langue locale considérés, l'enseignement et la lecture du Coran ainsi que les prières se font toujours uniquement en arabe, jamais en traduction
en langue vernaculaire")?
-Est-ce que les Berbères ne sont pas plutôt une création de la romanisation puis de l'arabisation: en clair, on appelle "Berbères" ceux qui resistent à ces deux processus et qui ne forment donc pas un groupe préexistant ethniquement parlant. Ce serait alors l'arabisation qui a créé la berbérité.
-Enfin, surtout si on accepte le point précédent, peut-on encore parler de "Berbères" pour des peuples arabisés? Peut-on être à la fois berbère et arabe si ces deux réalités, dans le cas du Maghreb, sont d'abord linguistiques? Ou faut-il distinguer berbère et berbèrophone?
Skipp:Florian a écrit:
-Comment explique-t-on que les Berbères aient été islamisés sans être arabisés (alors même qu'Yves-Marie Deshays m'expliquait il y a peu dans la discussion sur l'Asie du Sud-Est que "quels que soient le pays, la région ou la langue locale considérés, l'enseignement et la lecture du Coran ainsi que les prières se font toujours uniquement en arabe, jamais en traduction en langue vernaculaire")?
La plus forte population musulmane est située en Indonésie... et pourtant les indonésiens n'ont pas été arabisés. D'ailleurs, si l'on retrouve un peu partout dans les pays musulmans une influence plus ou moins grande de la culture arabe, l'on trouve partout des particularismes. Les turques sont ils arabes ? Et les iraniens ? Et les musulmans des balkans ? Non... Je ne le pense pas.
Florian a écrit:
-Est-ce que les Berbères ne sont pas plutôt une création de la romanisation puis de l'arabisation: en clair, on appelle "Berbères" ceux qui resistent à ces deux processus et qui ne forment donc pas un groupe préexistant ethniquement parlant. Ce serait alors l'arabisation qui a créé la berbérité.
Je pense plutôt que la romanisation et l'arabisation (partielle du maghreb) n'ont fait que cristaliser l'identité berbère. Souvent face à un envahisseur potentiel les identités culturelles se révélent. Je ne pense donc pas que l'identité berbère soit une "création" des romains ou des arabes. Iriez vous dire à un basque que la culture basque est une invention ou création espagnole ou française ?
Florian a écrit:
-Enfin, surtout si on accepte le point précédent, peut-on encore parler de "Berbères" pour des peuples arabisés? Peut-on être à la fois berbère et arabe si ces deux réalités, dans le cas du Maghreb, sont d'abord linguistiques? Ou faut-il distinguer berbère et berbèrophone?
Je ne comprend pas trop le sens de vos questions... Il est clair que les cultures et les langues berbères n'ont rien d'arabe... Les anglais ne sont pas des latins et pourtant le sud de l'Angleterre fut colonie romaine et la langue anglaise comporte quasiment la moitié de mots d'origines latines... Je doute que les langues berbères aient été autant influencées par la langue et la culture arabe. Les langues berbères appartiennent à la famille afro-asiatique tout comme l'arabe... mais cette parenté est lointaine... Et je pense bien plus lointaine que la parenté entre le sanskrit et l'espagnol par exemple. Les amazhigs (peuples de la famille berbère) cherchent maintenant à retrouver leur fierté passé perdu suite à la main mise arabe sur le Maghreb... et il est clair que celà ne plaît pas spécialement aux arabes de la région...
Florian:Oui, mais justement, ce qui fait problème pour moi, c'est que si on prend le cas asiatique, turc, ou iranien, il y a eu islamisation sans arabisation. Or dans le cas maghrébin, les choses sont beaucoup plus compliquées puisque ceux que l'on qualifie d' "arabes" sont en fait essentiellement des Berbères arabisés.
Comment expliquer que l'islamisation soit ici passée par l'arabisation pour une partie des autochtones (devenus des "Arabes") et pas pour d'autres (devenus des "Berbères"): voilà ma question.
Dhu Shara:Bonjour/
Quelques faits historiques qui permettraient éventuellement de comprendre la particularité du maghréb.
1- Le bilan humain: l'apport arabe ne se limite pas aux seuls descendants des conquérants qui se limitaient à quelques milliers de soldats, pas plus. En effet, l'apport humain majeur est celui des tribus HILALIENNES (Banu Hilal), s'étalant du 11ème au 13ème siècle.
Les Hilaliens étaient des arabes du nord de la péninsule arabiques, donc apparentés aux quoreichites (tribu de mahomet). Ayant participé à plusieurs révoltes en orient dont celles des "qaramita", ils ont été refoulés d'arabie. Les fatimides, maitres de l'Egypte à l'époque, les ont installés en haute-Egypte. Ces bédouins allaient par la suite être utilisés , par ces mêmes fatimides, pour "contrecarrer" les tentatives "d'émancipation" de leurs vassaux zirides dans le maghreb.
Et c'est en 1048 que les hilaliens ont été autorisés à franchir le désert de libye pour s'octroyer le maghreb. Selon les estimations, ils étaient entre 250 000 et 900 000 âmes! Chose, qui fit dire à beaucoup d'historiens que les Hilaliens ne constituaient pas qu'une simple tribu, mais qu'il était un peuple ("chaab", en arabe) constitué de plusieurs tribu (qabila), dont la plus importante; les "Ryah".
Tous les arabophones de l'intérieur de la tunisie, des hauts-plateaux en algérie, du nord du sahara (de biskra à bechar) prétendent descendre des hilaliens.
Les Algérois du 15ème siècle étaient des arabes proches des hilaliens : les "Tsaaliba", rameau de la tribu des "maaqil" dont on retrouve des traces au maroc, du coté de casablanca. Le saint patron d'Alger, "Sidi Abderrahmane Tsaalbi", était l'un des "cheikhs" de cette tribu.
Pour conclure concernant ce premier point, l'on peut dire que l'apport humain arabe au maghreb est conséquent. Et l'apport majuer fut celui des invasions hilaliennes.
2- Ibn Khaldoun, quoi que témoin "partial", (puisqu'il était au service des roitelets qui essayaient de leur faire face) nous décrit les conséquences de cette invasion hilalienne et nous fait part d'un autre phénomène déjà enclenché à l'époque: Les tribus bérbères "zénètes" (des nomades berbères) tenaient un mode de vie similaire aux hilaliens. C'est pour cette raison qu'ils ont été d'une résistance farouche à leur invasion. Néanmoins, les zénètes ont aussi été les plus influencés par les hilaliens. Arabisés progressivement, ils étaient tellement mêlés aux hilaliens que déjà à l'époque d'Ibn Khaldoun on assistait à des jeux d'alliances. Des zénètes s'alliaient à des Hilaliens pour combattre d'autres zénètes, ou d'autres Hilaliens.
3- Le processus d'arabisation était aussi accompagné d'un processus de "sédentarisation". Les villageois étant pour la plupart des berbères au 11ème siècle, ils devaient faire face à des vagues de sédentarisation massives durant les années de disette. Les bédouins les plus faibles, abaondonnaient la transhumance pour s'établir comme agriculteurs ...
Ce phénomène s'est poursuivi jusque durant l'occupation française.
4- Le cas de la kabylie est très intéressant. A l'origine peuplée des bérbères Zwawa et Koutama. D'autres berbères fuyant l'invasion hilalienne sont venus se "grefffer" à ce substrat. Citons, par exemple, les "Adjissa" originaires de la région de sétif.
Il faut dire que la région de sétif, était devenue le pays de l'une des plus puissantes tribus hilalienne : les Dwawda - ou Dhawawéda.
L'épopée de cette invasion hilalienne fut mieux préservée dans la tradition orale en Egypte, où leurs "exploits " étaient chantés. C'est l'épopée de "AbiZeyd Al hilali" et du "roi zénète = Zénati Khalifa", qui raconte en fait, des épisodes qui se sont bien déroulés, vraisemblablement, dans la région des zibane (biskra) et le nord du sahara (laghouat), avec des personnages fictifs. Sauf p-ê pour le chevalier "Dhiab Bin Ghanim".
L'épisode qui permettrait de comprendre le phénomène +/- particulier d'arabisation du maghreb, c'est celui relatif aux invasions hilaliennes. Qui ont eu des conséquences politiques et économiques très graves. Les hilaliens n'ont pas écrit sur eux-mêmes. Le témoin principal demeure Ibn Khaldoun, qui n'était certainement pas très favorale à leur établissement bien que leur reconnaissant certaines qualités, poésie, courage, bon sens, simplicité .. mais surtout ce qu'il appelle "la Assabia", le lien tribal qui leur a permis de dominer ce grand espace. Les princes almohades, puis hafsides, mérinides et zianides se pressaient de trouver chez eux des alliés sûrs en contractant des mariages ... Les ottomans firent de même plus tard. La mère du dernier bey de constantine était une hilalienne de la tribu des "Ben Gana".
5- Un autre point très essentiel:
Citation:
Il est clair que les cultures et les langues berbères n'ont rien d'arabe
Non ce n'est pas vraiment clair Confused
Bien avant la conquête musulmane, le berbère était déjà influencé par le "punique". Saint augustin ne disait-il pas que si l'on interrogeait n'importe quel paysan dans la région, il répondrait "je suis cananéen"!
Donc, l'influence moyen-orientale, ne date pas que du 7ème siècle.
De plus, le kabyle aujourd'hui comporte beaucoup de mots arabes, si bien qu'il est possible pour un arabophone habitué à l'accent kabyle de "deviner" autour de quel sujet tourne une discussion en kabyle.
6- Un autre facteur d'arabisation du maghreb : Les immigrants andalousiens (à ne pas confondre avec andalous) établis dans les cités du littoral.
Citation:
Comment explique-t-on que les Berbères aient été islamisés sans être arabisés (alors même qu'Yves-Marie Deshays m'expliquait il y a peu dans la discussion sur l'Asie du Sud-Est que "quels que soient le pays, la région ou la langue locale considérés, l'enseignement et la lecture du Coran ainsi que les prières se font toujours uniquement en arabe, jamais en traduction en langue vernaculaire")?
Oui, mais vous avez des traductions. La liturgie, les prières se font en arabe. mais le sens est traduit pour que la personne puisse comprendre. En résumé, pour certains peuples, le coran est appris par coeur, parfois sans comprendre exactement le sens de chaque mot, mais en ayant comme support une traduction qui permet de saisir le sens du verset.
Florian:Merci pour ces précisions. Pour plus de détails sur les invasions hilaliennes, je signale cet article de François Décret:
http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/les_inv ... riqiya.aspSkipp:Florian a écrit:
Oui, mais justement, ce qui fait problème pour moi, c'est que si on prend le cas asiatique, turc, ou iranien, il y a eu islamisation sans arabisation. Or dans le cas maghrébin, les choses sont beaucoup plus compliquées puisque ceux que l'on qualifie d' "arabes" sont en fait essentiellement des Berbères arabisés.
Là je suis d'accord avec vous. De nombreux berbères ont bien été arabisés. Nous sommes d'accord.
Florian a écrit:
Comment expliquer que l'islamisation soit ici passée par l'arabisation pour une partie des autochtones (devenus des "Arabes") et pas pour d'autres (devenus des "Berbères"): voilà ma question.
Il me semble avoir déja lu une discussion sur ce forum au sujet de ce qui fait qu'un "envahisseur" impose sa culture ou perd sa culture face aux autochtones. L'on a la même problématique avec les romains qui imposèrent leur culture aux gaulois, aux francs qui perdirent leur culture pour adopter celle des gallo-romains, aux normands qui s'imposèrent en partie aux anglo-saxons, etc... En fait, il semblerait que ce soit la culture présentant le plus d'avantages (économique, militaire, culturel au sens large: science, philosophie, etc...) qui prenne le dessus. L'arrivée des arabes au Maghreb ré-ouvrit des routes commerciales qui s'étaient vraissemblablement effondrée à la chute de l'Empire romain. Avec les arabes, une certaine cohésion se restaura et les routes commerciales devinrent alors probablement plus sûres. Plusieurs siècles avant, l'épopée d'Alexandre le Grand à travers l'Orient et l'Asie centrale correspond à la réouverture, à l'intensification, du traffic sur la route de la soie.
Dhu shara a écrit:
Bien avant la conquête musulmane, le berbère était déjà influencé par le "punique". Saint augustin ne disait-il pas que si l'on interrogeait n'importe quel paysan dans la région, il répondrait "je suis cananéen"!
Il y'a bien un témoignage de St Augustin à ce sujet... Mais il se limite aux environs immédiats de Carthage et non à l'ensemble du Maghreb. Rolling Eyes
Dhu shara a écrit:
De plus, le kabyle aujourd'hui comporte beaucoup de mots arabes, si bien qu'il est possible pour un arabophone habitué à l'accent kabyle de "deviner" autour de quel sujet tourne une discussion en kabyle.
Rien d'étonnant à celà... L'on appelle celà des emprunts...
Je ne nie pas l'influence arabe au Maghreb, pas plus que l'arrivée réelle de migrants venus d'Arabie. Mais il n'est pas possible de nier le caractère autochtone des kabyles et autres amazighs au Maghreb. Les arabes ne sont arrivés que bien plus tard alors même que les amazighs étaient déja présents de l'Égypte jusqu'aux îles Canaries. Dans le contexte actuel où l'on voit refleurir la fierté Amazigh, il est douteux de voir les arabisés du Maghreb rejeter, nier, la culture de leurs ancêtres... Le nationalisme arabe a toujours essayé de nier tout droit aux kabyles... Et bien sûr l'Histoire est comme bien souvent instrumentalisé pour servir de justificatif. Confused (à savoir que je ne suis ni berbère, ni arabe, ni juif, mais que j'ai de la sympathie pour la culture berbère... bien sûr je ne suis pas non plus pour un nationalisme amazigh mais plutôt pour un respect mutuel amazigh/arabe)
Dhu Shara:Citation:
(à savoir que je ne suis ni berbère, ni arabe, ni juif, mais que j'ai de la sympathie pour la culture berbère... bien sûr je ne suis pas non plus pour un nationalisme amazigh mais plutôt pour un respect mutuel amazigh/arabe)
Pourquoi vous sentez vous obligé de vous justifier Smile
Il n'est nullement question de nationalismes Wink
Citation:
Il y'a bien un témoignage de St Augustin à ce sujet... Mais il se limite aux environs immédiats de Carthage et non à l'ensemble du Maghreb.
Oui. Effectivement ça devait se limiter à la tunisie et au constantinois.
Réf : André Chouraqui : Histoire des juifs en afrique du nord. Ed. du rocher
Citation:
Mais il n'est pas possible de nier le caractère autochtone des kabyles et autres amazighs au Maghreb. Les arabes ne sont arrivés que bien plus tard alors même que les amazighs étaient déja présents de l'Égypte jusqu'aux îles Canaries.
Ce que vous dites est valable aussi pour l'Egypte! Comment expliquer cette arabisation quasi-totale en Egypte, terre des pharaons.
Au maghreb tout comme en Egypte, il y a eu "infiltration" de centaines de milliers de bédouins arabes au 11ème siècle. En d'autres termes, l'arabisation au maghreb et en Egypte ne s'est pas limitée à l'élite citadine. Elle a touché le monde rural et les nomades berbères aussi.
Maintenant, il est légitime de se poser la question suivante: Pourquoi c'est la langue des bédouins arabes qui a été transmise aux berbères et non pas l'inverse? Ibn Khaldoun a essayé de comprendre ce phénomène.
Pour ce qui est de la culture berbère, il est clair qu'elle est très ancienne, qu'elle est toujours présente et pas uniquement en kabylie.
Skipp:Dhu shara a écrit:
Citation:
(à savoir que je ne suis ni berbère, ni arabe, ni juif, mais que j'ai de la sympathie pour la culture berbère... bien sûr je ne suis pas non plus pour un nationalisme amazigh mais plutôt pour un respect mutuel amazigh/arabe)
Pourquoi vous sentez vous obligé de vous justifier Smile
Il n'est nullement question de nationalismes Wink
De nos jours il faut se méfier Laughing ... L'on trouve des nationalistes partout sur le Net (afrocentristes, panturcs, ultanationalistes serbes, etc...)...
Dhu shara a écrit:
Citation:
Mais il n'est pas possible de nier le caractère autochtone des kabyles et autres amazighs au Maghreb. Les arabes ne sont arrivés que bien plus tard alors même que les amazighs étaient déja présents de l'Égypte jusqu'aux îles Canaries.
Ce que vous dites est valable aussi pour l'Egypte! Comment expliquer cette arabisation quasi-totale en Egypte, terre des pharaons.
L'Égypte était de part sa proximité géographique avec l'Arabie, la plus exposée aux influences arabes.
Dhu shara a écrit:
Maintenant, il est légitime de se poser la question suivante: Pourquoi c'est la langue des bédouins arabes qui a été transmise aux berbères et non pas l'inverse? Ibn Khaldoun a essayé de comprendre ce phénomène.
Peut être pour les raisons évoquées plus haut ? Il nous faudrait retrouver le fil de discussion où l'on avait un sujet similaire sur ce forum. L'on y parlait des raisons qui font que la langue d'une population conquérante s'impose ou non. Le latin a supplanté bon nombre de langue, les francs quant à eux ont adoptés la langue des gallo-romains qu'ils avaient assujettis.
Daddy Cool:C'est un sujet difficile à aborder étant donné qu'en Algérie et en Tunisie, on fait tout pour étouffer la spécificité berbère au profit d'une assimilation aux Arabes. En gros, on essaie de développer une thèse complétement fumeuse selon laquelle les Berbères seraient un peuple apparenté aux Arabes mais primitifs. Donc, il y a à la fois une volonté de sous-estimer la culture berbère mais de ne pas trop l'éloigner des Arabes de sorte que les Arabes se confèrent un certain prestige (en gros, les "meilleurs" de la race afro-asaitique). Tout ça pour dire qu'il est très difficile d'avoir un avis objectif venant du Maghreb.
Une majorité des Algériens sont des Berbères arabisés: dans les Aurès, l'arabisation date du 19ème-20 ème siècle, en Petite Kabylie arabophone (région de Collo, El Milia), le berbère était parlé jusqu'au 18ème-19ème siècle mais l'arabe aussi. Sans compter l'Ouest de l'Algérie (vers Cherchell, d'où est originaire la jolie écrivaine berbère Assia Djebar) .Tout ça pour dire une chose: l'arabisation des Berbères (de l'Est algérien en particulier) est assez récente et remonte au 18ème-19ème siècle. C'est pour cela que l'on trouve dans l'Est algérien (comme en Kabylie) ungrand nombre de personnes aux cheveux et au teint clairs.
Donc, l'arabisation des population berbère est assez récente et a connu trois causes historiques:
- La conquète coloniale: voyant que les Berbères étaient plus résistants aux Français que les Arabes et compte tenu du projet de Napoléon III de constituer un grand Empire arabe pour contrecarrer les positions égyptiennes de la GB, une arabisation massive a été entamée (exemple: fin du droit coutumier dans les Aurès, les plus farouches Berbères, au profit du droit coranique en 1898).
- L'essor du nationalisme algérien dans la 1ère moitié du 20ème siècle qui s'est vite identifié au panarabisme. L'idéologie conquérente arabe, basée sur des principes progressistes et laïcs, a convaincu de nombreux Berbères des villes à s'assmilier à la culture arabe car cette dernière était vue comme la seule apte à amener une Algérie indépendante et pouvant se lancer solidement dans la modernité. A noter que le déclin récent des Arabes (échec du panarabisme et de la laïcité, retour à l'intégrisme, impossibilité d'imposer la démocratie, maintien des monarchies, dfaite devant Israël...) va de pair avec un regain d'intérêt des Berbères pour leur propre culture: voyant les Arabes évoluer vers la déperdition, le complexe d'infériorité a disparu.
- Le racisme plus ou moins latent des Arabes à l'encontre des Berbères: c'est un élément qui est difficile à cerner car il relève du non-dit. Les Arabes ont affiché de plus en plus un mépris vis-à-vis des Berbères et ont assimilé leurs légitimes revendications démocratiques à un rejet de l'Islam. Il est vrai qu'historiquement parlant, l'humiliation et l'usage de la violence a été un instrument politique utilisé par les Arabes pour asseoir leur domination.
Comme il a été dit justement, les Arabes d'Algérie et de Tunisie sont descendants des Beni Hilel, tribu arabe réputée incontrôlable qui a été envoyée par les Fatimides pour "punir" les Berbères de leur manque de collaboration.
Désolé de vous abandonner à ce stade intéressant du débat mais je dois partir.
Je reviens pour apporter quelques précisions au sujet des remarques qui ont été faites sur le forum:
- D'un point de vue linguistique, l'arabe et le berbère sont deux langues complétement distinctes, qui n'ont rien à voir. Le berbère est aussi (si ce n'est moins) proche de l'arabe que l'irlandais ne l'est du kurde. La structure grammaticale est bien distincte (bien qu'il y ait quelques éléments communs liant toutes les langues afroasiatiques). Ce qui s'est passé, c'est que peu à peu des mots arabes (notamment relatifs au vocabulaire religieux) sont entrés dans la langue berbère. Un peu comme des mots d'anglais sont rentrés dans le français. Mais ce qui est sûr, c'est que si un yéménite écoute deux kabyles parler, il ne comprendra rien (un peu comme un Italien qui écoute deux Allemands parler qui ne pourra reconnaître que quelques mots).
Chez les maghrébins, cet éloignement linguistique n'est pas encore entré dans les moeurs car beaucoup croient à tort que la langue berbère n'est qu'un patois, une sorte d'"arabe de paysan" alors que ce sont deux langues différentes.
- Ce que l'on appelle le "Berbère arabisé" est un concept qui est sujet surtout à des débats idéologiques.
Les Berbéristes refusent (à tors) de reconnaître l'existence d'Arabes de "race" en Algérie alors que les descendants des Beni Hilel existent bel et bien et constituent un très grand nombre d'arabophones. De l'autre côté, les "arabistes" sont toujours là pour sortir des tribus de nulle part ou de sources douteuses (Ibn Khaldun, écrivains arabes, racontars venant de personnes essayant de s'inventer une origine orientale réputée plus noble) ou en relativisant les différences entre les Arabes et les Berbères, niant en conséquence l'idée-même d'un Berbère arabisé. Tout ça pour dire qu'il est difficile d'avoir une analyse objective venant d'un des deux camps.
- Le Berbère arabisé est une notion qui n'a que de sens que lorsque l'on identifie clairement les éléments culturels et généalogiques d'une appartenance à la culture berbère. Par exemple, beaucoup de tribus de souche berbère du Nord Constantinois et du Sétifois ont gardé des coutumes et un artisanat typiquement berbère: bien qu'arabisé, beaucoup savent que leurs ancêtres étaient des Berbères. Ce sont ce genre de personnes-là qui constituent les authentiques Berbères arabophones. Les autres arabophones sont soit issus des terribles Beni Hilel, soit sont tellement acculturés qu'il est difficile de parler d'eux comme des Berbères arabisés. P-ê que dans un futur proche la génétique pourra nous révéler des choses (on a déjà réussi à isoler un gène berbère je crois).
- Je ne parle pas non plus de l'islamisation car certaines tribus du Constantinois ou des Aurès ont des origines juives et chrétiennes bien que totalement assimilés à l'Islam depuis longtemps. Ceci témoigne d'un apport non arabe car il est absolument indiscutable que les Arabes venus en Algérie étaient musulmans (d'ailleurs, le but de leur arrivée en Afrique du Nord était d'islamiser).
- Je pense que l'on ne peut pas traiter le débat sur l'arabisation et l'islamisation des autochtones nord-africains en se référant à la civilisation punique qui n'a pas provoqué une acculturation aussi significative que celle des Arabes. Je pense que c'est un peu hors sujet.
J'espère avoir contribué à la discussion comme le voulait celui qui a posté ce débat.
Skipp:Daddycool a écrit:
D'un point de vue linguistique, l'arabe et le berbère sont deux langues complétement distinctes, qui n'ont rien à voir. Le berbère est aussi (si ce n'est moins) proche de l'arabe que l'irlandais ne l'est du kurde.
J'aurais même tendance à dire que l'éloignement est encore plus grand entre l'arabe et les langues berbères.
Daddycool a écrit:
beaucoup de tribus de souche berbère du Nord Constantinois et du Sétifois ont gardé des coutumes et un artisanat typiquement berbère: bien qu'arabisé, beaucoup savent que leurs ancêtres étaient des Berbères.
Malheureusement, aux dires des kabyles, il y'aurait beaucoup de berbères arabisés qui réfutent complétement toute origine berbère...
Daddycool a écrit:
Je ne parle pas non plus de l'islamisation car certaines tribus du Constantinois ou des Aurès ont des origines juives et chrétiennes
Ce qui ne veux pas dire que ces juifs et ces chrétiens n'étaient pas berbères d'origine. La Kahina par exemple est parfois décrite comme étant juive et parfois comme étant chrétienne (mais il est également possible qu'elle ai été polythéïste).
Le Maghreb y gagnerait je pense à la reconnaissance de ses cultures berbères. L'on assiste malheureusement au Maghreb comme ailleurs à une homogénéïsation des cultures qui peu à peu fait disparaître les plus rares et qui tend à accroître le ressembiment contre la culture dominante qu'elle soit arabe, américaine, ou autre.
Dhu Shara:Citation:
D'un point de vue linguistique, l'arabe et le berbère sont deux langues complétement distinctes, qui n'ont rien à voir. Le berbère est aussi (si ce n'est moins) proche de l'arabe que l'irlandais ne l'est du kurde.
Citation:
J'aurais même tendance à dire que l'éloignement est encore plus grand entre l'arabe et les langues berbères.
Alors tous les linguistes doivent revoir leurs conclusions Smile
Sérieux. Les langues berbères sont proches des autres langues appartenant à la même famille, dont l'arabe. Ce que "voudraient" (intentions) faire, dire ou penser des panarabistes ou des berbéristes ne devrait pas occulter cette vérité.
Citation:
l'arabisation des Berbères (de l'Est algérien en particulier) est assez récente et remonte au 18ème-19ème siècle. C'est pour cela que l'on trouve dans l'Est algérien (comme en Kabylie) ungrand nombre de personnes aux cheveux et au teint clairs.
Les touaregs sont les berbères les MOINS arabisés dans toute l'afrique du nord. Et ils n'ont pas le teint clair pour autant! L'appartenance à la culture berbère n'est pas physionomique! Je dirais même que c'est une dérive de considérer cette appartenance sous cet angle.
Citation:
Le racisme plus ou moins latent des Arabes à l'encontre des Berbères: c'est un élément qui est difficile à cerner car il relève du non-dit. Les Arabes ont affiché de plus en plus un mépris vis-à-vis des Berbères et ont assimilé leurs légitimes revendications démocratiques à un rejet de l'Islam. Il est vrai qu'historiquement parlant, l'humiliation et l'usage de la violence a été un instrument politique utilisé par les Arabes pour asseoir leur domination.
Doucement Smile Ne vous emportez pas! Vous parlez des ARABES comme s'il s'agissait d'un ensemble cohérent, d'accord sur tous les points, et menant la vie dure aux berbères ! Shocked
1- L'appartenance à cet ensemble arabe est d'abord CULTURELLE. C'est la langue qui fait le lien. Dans cet ensemble vous trouverez des laïcs, des chrétiens, des juifs (oui des juifs arabes!), des communistes, des intégristes, des monarchistes, des républicains Laughing
2- Les arabes n'ont pas tous la même attitude vis-à-vis de la culture berbère.
3- L'opposition "berbère, démocrate vs arabe intégriste" est caricaturale Wink Pour ne pas faire de la politique ici, rappelons juste que les islamistes les plus acquis aux thèses de benladen sont des kabyles dans les maquis du djurdjura, la communauté la plus rigoriste est celle du Mzab (berbères) ... moralité il n'y a pas de ligne de démarcation berbère - arabe.
Revenons à notre sujet :
Il ne s'agit ni de faire le procès des méchants arabes ni de gagner la cause des berbères opprimés Laughing
Il est question d'un phénomène : L'arabisation des berbères. Pourquoi et comment?
Citation:
Une majorité des Algériens sont des Berbères arabisés: dans les Aurès, l'arabisation date du 19ème-20 ème siècle, en Petite Kabylie arabophone (région de Collo, El Milia), le berbère était parlé jusqu'au 18ème-19ème siècle mais l'arabe aussi
Je ne suis pas d'accord: L'arabisation des berbères a été un long processus étalé sur une bonne dizaine de siècles. Et c'est surtout l'apport humain (les invasions hilaliennes) qui a fait que ce phénomène soit si important en afrique du nord.
Skipp:Dhu shara a écrit:
Citation:
D'un point de vue linguistique, l'arabe et le berbère sont deux langues complétement distinctes, qui n'ont rien à voir. Le berbère est aussi (si ce n'est moins) proche de l'arabe que l'irlandais ne l'est du kurde.
Citation:
J'aurais même tendance à dire que l'éloignement est encore plus grand entre l'arabe et les langues berbères.
Alors tous les linguistes doivent revoir leurs conclusions Smile
Attention... Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas parenté entre langues berbères et l'arabe. Mais que la proximité était relativement plus éloignée. Personne ne niera, par exemple, que l'italien est assez proche de l'espagnol. La différentiation s'est effectuée il y'a près de 15 siècles... Moins proche, l'irlandais et le kurde ont dû se différencier (indirectement puisqu'ils sont passés par des phases de plusieurs langues) il y'a probablement 6 à 8 millénaires. Mais pourtant, l'on retrouve nombre de ressemblances... Ces ressemblances sont bien moindre entre les langues berbères et l'arabe. Tant par le vocabulaire que par la structure de la langue. Les langues berbères sont plus facilement transcriscible (là à mon avis je fais du néologisme Wink ) dans l'alphabet latin que dans un alphabet sémitique (arabe ou hébreu).
L'on sait également que les concordances entre génétique et langues existe... bien sûr tout ne colle pas parfaitement... Mais... Les berbères sont bien plus proches des européens que des arabes. De nombreuses études l'ont montrées.
Dhu shara a écrit:
Sérieux. Les langues berbères sont proches des autres langues appartenant à la même famille, dont l'arabe. Ce que "voudraient" (intentions) faire, dire ou penser des panarabistes ou des berbéristes ne devrait pas occulter cette vérité.
Mais c'est loin de justifier le fait que la culture arabe s'impose aux berbères... parfois par la force... Ce serait un peu justifier l'anschlüss de l'Autriche par l'Allemagne nazie (bon là j'exagère un peu je le sais... Rolling Eyes )
Dhu shara a écrit:
Les touaregs sont les berbères les MOINS arabisés dans toute l'afrique du nord. Et ils n'ont pas le teint clair pour autant! L'appartenance à la culture berbère n'est pas physionomique! Je dirais même que c'est une dérive de considérer cette appartenance sous cet angle.
Les touaregs ont été préservés de l'arabisation du fait de leur éloignement de la méditérranée et donc de leur proximité de l'Afrique noire. Ce qui implique qu'il y'ai eu brassage de population. Mais il est en tout cas certains que les égyptiens antiques décrivaient les libous comme étant clairs de peaux et de cheveux et que nombre d'entre eux avaient les yeux bleus. Lorsque les espagnols arrivèrent dans les îles Canaries ils rencontrèrent une population claires de peaux et de cheveux ayant une langue... très proche des langues berbères (quand je dit proche s'est effectivement très proche bien plus qu'avec l'arabe). Après, bien sûr, je ne veux certainement pas faire passer les berbères pour le peuple aryen grand, blond aux yeux bleus chers aux extrémistes nazionalistes... loin de là. Rolling Eyes
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Doucement Smile Ne vous emportez pas! Vous parlez des ARABES comme s'il s'agissait d'un ensemble cohérent, d'accord sur tous les points, et menant la vie dure aux berbères ! Shocked
Il ne suffit que de faire un petit tour sur les forums et sites berbères pour les entendre se plaindre des vexations et humiliations qu'ils endurent... jusqu'en France !!!
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1- L'appartenance à cet ensemble arabe est d'abord CULTURELLE. C'est la langue qui fait le lien. Dans cet ensemble vous trouverez des laïcs, des chrétiens, des juifs (oui des juifs arabes!), des communistes, des intégristes, des monarchistes, des républicains Laughing
Là je suis d'accord... Il n'est en effet pas bon de généraliser. Et parmi tout ceux ci il y'en a des plus ou moins tolérant, plus ou moins intégristes, et ceux quels qu'ils soient: musulmans, chrétiens, juifs ou autres.
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3- L'opposition "berbère, démocrate vs arabe intégriste" est caricaturale Wink
La propagande est effectivement source de mauvais jugement.
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Pour ne pas faire de la politique ici, rappelons juste que les islamistes les plus acquis aux thèses de benladen sont des kabyles dans les maquis du djurdjura, la communauté la plus rigoriste est celle du Mzab (berbères) ... moralité il n'y a pas de ligne de démarcation berbère - arabe.
Pourvu que ces extrémistes n'entraînent pas à leur suite d'autres dans leur folie. Confused
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Il ne s'agit ni de faire le procès des méchants arabes ni de gagner la cause des berbères opprimés Laughing
Peut être juste donner un peu plus de liberté à des populations qui ne demandent que celà ? Peut être juste déclarer le kabyle comme 2e langue nationale dans certains pays du Maghreb ?
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Une majorité des Algériens sont des Berbères arabisés: dans les Aurès, l'arabisation date du 19ème-20 ème siècle, en Petite Kabylie arabophone (région de Collo, El Milia), le berbère était parlé jusqu'au 18ème-19ème siècle mais l'arabe aussi
Je ne suis pas d'accord: L'arabisation des berbères a été un long processus étalé sur une bonne dizaine de siècles. Et c'est surtout l'apport humain (les invasions hilaliennes) qui a fait que ce phénomène soit si important en afrique du nord.
Ce processus d'arabisation a été long, étalé sur plusieurs siècles... mais à néanmoins pu s'accélérer ces derniers siècles ? Exemple: en Afganistan, les populations polythéïstes du Kafiristan ont été islamisés de force au XIXe... bien peu d'entre elles sont encore polythéïstes. Et l'espoir de voir leurs cultures perdurer est nul puisque les enfants de ces non-musulmans sont scolarisés de force dans... des écoles islamiques.
Daddy cool:Je pense que nous sommes à un stade intéressant du débat car on voit vraiment qu'il y a une difficulté à cerner de manière précise un phénomène existant et élément majeur de la géographie humaine d'Afrique du Nord: le Berbère arabisé.
Je ne reviendrai pas sur l’éloignement linguistique entre l’arabe et le berbère. Des études récentes ont été assez convaincantes et ne peuvent être remises en cause par la présence récente de quelques mots d’arabe.
Autre point sur lequel je ne veux pas faire d’amalgame : l’attribut physionomique des Berbères. Il est évident –et j’en suis le 1er à en être conscient- que ça n’a pas de sens de définir un peuple strictement en fonction de son apparence physique. Toutefois, il ne faut pas refuser les tabous et adopter un relativisme insensé allant à l’encontre d’une approche anthropologique des peuples. Ce que je dis, c’est que la présence de personnes au teint clair, aux cheveux clairs et aux yeux clairs dans certaines régions de souche berbère (en particulier le Nord Est algérien) nous amène forcément à nous interroger. La plupart des Arabes « pure souche » qui sont en Afrique du Nord sont issus de la tribu des Beni Hilel. Or les Beni Hilel sont des Arabes du Nord de l’Egypte et ce sont des tribus, comme la plupart des tribus bédouines arabes, d’un type physique bien défini : peau brune, yeux noirs, cheveux très noirs… Bien sûr, ils ne sont pas tous comme ça mais c’est le trait dominant. On ne fait pas preuve de racisme en constatant qu’un nombre très important d’arabophones du Nord Est algérien ne correspond pas du tout à ces caractéristiques physiques, et en conséquence, leur appartenance à la descendance arabe des Beni Hilel est plus que discutable. Encore une fois, il n’agit pas de catégoriser bêtement mais de s’interroger à partir de ce que l’on constate.
Or, lorsqu’on constate qu’un certain nombre d’arabophones d’Algérie vivent dans des villes ou villages ayant un nom berbère, ayant certains traits culturels berbères…, on est forcément amené (surtout lorsqu’on fait preuve de probité intellectuelle) à assimiler ces gens à des Berbères, bien que parlant le dialecte arabe (une langue reste quand même quelque chose d’assez superficiel). Un Ivoirien a beau avoir le français comme langue maternelle, mais sa physionomie et ses traditions ancestrales témoignent du fait qu’il n’est pas français. C’est tout.
Le problème, c’est qu’un certain nombre d’arabes refusent de considérer qu’un grand nombre d’arabophones sont culturellement et généalogiquement berbères et essayent de tout mélanger. Refuser d’accorder de la place à la culture ancestrale de bon nombre d’arabophones berbères, c’est faire preuve de révisionnisme et surtout disqualifier l’idée-même de sciences humaines comme l’histoire, l’ethnologie et l’anthropologie, qui « creusent » pour définir les peuples.
Pour bon nombre d’arabistes, un individu qui a été soumis aux Arabes est un Arabe. A noter aussi que lorsqu’on dit à un Syrien, à un Libanais ou à un Saoudien que les Algériens sont arabes, ils explosent de rire. Ils considèrent les Algériens comme des Berbères soumis aux Arabes. Tout cela pour dire qu’il est faux de dire qu’un Arabe est quelqu’un qui a pour langue maternelle l’arabe. Je pense qu’une appartenance ethnique (prouvé par la généalogie) est indispensable en plus d’une proximité culturelle forte.
En définitive, la notion de Berbère arabisé (ou du moins une référence sérieuse au Nord-Africain pré-arabe ayant subi une déculturation finalement assez superficielle), lorsqu’elle est bien cernée grâce à une définition ethnologique bien précise, est certes sujette à controverse mais elle constitue une pièce essentielle pour définir un espace géographique dont l’arabité a ses limites malgré tout ce que peuvent dire les discours officiels.
Sam:Je me demande comment on fait pour faire une filiation entre les langues arabe et berbère sans même savoir à quoi ressemblait la langue berbère sans influence arabe, vandale, viking ou autre.
Il est donc vain de chercher un lien réel entre le Berbère disons expurgé de ses emprunts arabes et l'Arabe qui, on ne peut le nier, a fortement influencé la langue berbère sachant que les Arabes n'ont pas tjrs été au contact des Berbères.
Pour ce qui est des catégories de langues, afro-asiatique, chamito-sémitique ou sémitique, je pense qu'elle est utile mais pas forcément conforme à la réalité. Le but est de créer des familles sans même savoir quelle langue a emprunté à l'autre et ce, même si l'on sait que telle langue existait avant telle autre mais cela n'est pas plus éclairant puisque la dite langue a dû être influencée par une autre langue ou par ce que l'on pourrait qualifier de dissidence(s) interne(s) à la langue. Il n'est pas difficile d'inventer une langue ou d'en remodeler une au sein même d'un groupe social.
Cela me rappelle les récents faits divers. Deux filles avaient été kidnappées en Allemagne pendant plusieurs années. Au bout d'un moment, pour préparer leur fuite, et par nécessité impérieuse, elles s'étaient mises spontanément à inventer une autre langue compréhensibles que par elles-mêmes., Naturellement, il ne s'agit pas de la création d'une langue ex nihilo et sans doute y avait il des emprunts à la langue allemande mais rien n'est sûr.
Les langues évoluent de manière endogène et intrinsèquement mais aussi par des apports exogènes et les traces archéologiques laissées (volontairement ou pas) ne suffisent pas à établir de filiation certaine, juste une ébauche de vérité parcellaire comme souvent en Histoire.
Revenons donc sur les aspects démographiques, les choses sont là un peu plus abordables.
Skipp:Sam_ a écrit:
Je me demande comment on fait pour faire une filiation entre les langues arabe et berbère sans même savoir à quoi ressemblait la langue berbère sans influence arabe, vandale, viking ou autre.
Êtes vous linguistes ? Les linguistes utilisent la linguistique comparée qui a su faire ses preuves pour de nombreuses autres familles de langues.
Sam_ a écrit:
Il est donc vain de chercher un lien réel entre le Berbère disons expurgé de ses emprunts arabes et l'Arabe qui, on ne peut le nier, a fortement influencé la langue berbère sachant que les Arabes n'ont pas tjrs été au contact des Berbères.
Surtout qu'il existe un degré de proximité et d'influences diverses suivant les populations amazhigs.
Sam_ a écrit:
Pour ce qui est des catégories de langues, afro-asiatique, chamito-sémitique ou sémitique, je pense qu'elle est utile mais pas forcément conforme à la réalité. Le but est de créer des familles sans même savoir quelle langue a emprunté à l'autre et ce, même si l'on sait que telle langue existait avant telle autre mais cela n'est pas plus éclairant puisque la dite langue a dû être influencée par une autre langue ou par ce que l'on pourrait qualifier de dissidence(s) interne(s) à la langue. Il n'est pas difficile d'inventer une langue ou d'en remodeler une au sein même d'un groupe social.
Prenez un simple dictionnaire d'étymologie. Et vous verrez que les linguistes retracent l'histoire d'un mot, ce qui permet de savoir dans quel sens a eû lieu l'emprunt et approximativement à quelle époque.
Sam_ a écrit:
Cela me rappelle les récents faits divers. Deux filles avaient été kidnappées en Allemagne pendant plusieurs années. Au bout d'un moment, pour préparer leur fuite, et par nécessité impérieuse, elles s'étaient mises spontanément à inventer une autre langue compréhensibles que par elles-mêmes., Naturellement, il ne s'agit pas de la création d'une langue ex nihilo et sans doute y avait il des emprunts à la langue allemande mais rien n'est sûr.
Ce n'est pas une nouveauté... L'on sait depuis longtemps qu'il arrive que par exemple des jumeaux développent spontanément une "langue" qui n'est compréhensible que par eux même.
Sam_ a écrit:
Les langues évoluent de manière endogène et intrinsèquement mais aussi par des apports exogènes et les traces archéologiques laissées (volontairement ou pas) ne suffisent pas à établir de filiation certaine, juste une ébauche de vérité parcellaire comme souvent en Histoire.
Personne ne dit le contraire. Le lien n'est pas toujours évident à faire. Mais parfois il est clair.
Sam_ a écrit:
Revenons donc sur les aspects démographiques, les choses sont là un peu plus abordables.
Pour appréhender une chose dans son ensemble n'est il pas préférable de l'analyser sous tout ses angles ?
Sam:L'on a souvent tendance à mélanger, à tort, langues et peuples. Or, le lien entre un peuple utilisant une langue et le peuple à proprement dit, c'est pas clairement établi.
Revenons aux Berbères. Comme je le soulignais plus haut, les Berbères ne sont pas un ensemble monolithique et homogène, loin de là.
Quel est le lien entre les Berbères du Rif parlant le zenata et ceux du Souss ?
D'un point de vue anatomique, la ressemblance n'est pas frappante. Les Berbères du Rif sont blancs, aux traits proches des Sémites. Les Berbères du Souss sont totalement différents plus proches des Blancs européens sans parler des Berbères nomades noirs ou encore les apparentés aux Peuls par brassage ethnique car rien n'empêche les brassages entre différentes ethnies tantôt ennemies, tantôt alliées.
D'un point de vue linguistique, tous les Berbères vous diront que certes entre le Souss et le Rifain, il y a des similitudes mais l'on considère ces derniers comme étant les plus proches de ce qu'était sensé être le Berbère originel.
On manque cruellement de données objectives concernant les Berbères car leur histoire est basée sur les travaux d'Ibn Khaldoun qui a le tort de les rattacher comme les linguistes aux Sémites. Difficile par ailleurs d'autant que l'écriture des Berbères "primitifs", le Tifinagh, forme de Lybique, que le Maroc - plus grande nation berbère - réhabilite, n'était vraisemblablement qu'une écriture sépulturale que Malika Hachid tente tant bien que mal de davantage honorer. [dont l'écriture sur les roches ou peintures sont à ce jour indéchiffrée même si on connaît la valeur d'une partie de ses signes]