J'ai l'impression que les sociétés musulmanes et chrétiennes n'ont pas la même vision de la sorcellerie. Dans les sociétés chrétiennes, pour le clergé tout au moins, la sorcellerie est une invention du Diable, dirigée explicitement contre la religion. C'est pourquoi à la fin du XIVe siècle - et pas avant - sa pratique est assimilée à l'hérésie et châtiée comme telle, comme cela est défini dans
le Marteau des Sorcières.
Dans les sociétés musulmanes, la sorcellerie consiste à faire appel aux djinns, qui ne sont pas forcément mauvais : certains suivent Allah, les autres Iblis, qui n'est que l'un d'entre eux. Le Coran et les Hadiths condamnent la sorcellerie, mais au même titre que d'autres délits.
Le Coran a écrit :
Sourate 2, la vache
102. Et ils suivirent ce que les diables racontent contre le règne de Solayman. Alors que Solayman n'a jamais été mécréant mais bien les diables : ils enseignent aux gens la magie ainsi que ce qui est descendu aux deux anges Harout et Marout, à Babylone; mais ceux-ci n'enseignaient rien à personne, qu'ils n'aient dit d'abord : "Nous ne sommes rien qu'une tentation : ne soit pas mécréant"; ils apprennent auprès d'eux ce qui sème la désunion entre l'homme et son épouse. Or ils ne sont capables de nuire à personne qu'avec la permission d'Allah. Et les gens apprennent ce qui leur nuit et ne leur est pas profitable. Et ils savent, très certainement, que celui qui acquiert [ce pouvoir] n'aura aucune part dans l'au-delà. Certes, quelle détestable marchandise pour laquelle ils ont vendu leurs âmes! Si seulement ils savaient !
Sourate 113, l'aube naissante
Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
1. Dis : "Je cherche protection auprès du Seigneur de l'aube naissante,
2. contre le mal des êtres qu'Il a créés,
3. contre le mal de l'obscurité quand elle s'approfondit,
4. contre le mal de celles qui soufflent (les sorcières) sur les nœuds,
5. et contre le mal de l'envieux quand il envie ".
Boukhari, volume 8, livre 82, hadith n°840 a écrit :
Rapporté par Abu Houreira.
Le Prophète disait : "Évitez les sept péchés capitaux [...] : associer des partenaires à Dieu, pratiquer la sorcellerie, supprimer la vie que Dieu a interdit de prendre - sauf pour une juste cause, pratiquer l'usure, dévorer le bien de l'orphelin, tourner le dos à l'ennemi et fuir du champ de bataille, et accuser des femmes chastes et croyantes."
C'est la pratique de la sorcellerie qui est visée, et non la personne du sorcier en lui-même. Il ne semble pas que les sociétés musulmanes aient tenté de supprimer cette pratique, qui répond à une demande sociale (guérir quand la médecine est impuissante, assouvir sa volonté de nuire à son voisin) sans menacer la société.
Dans l'Algérie coloniale, la magie était une réalité vécue, déclinée en plusieurs catégorie. Les marabouts étaient dits capables de prodiges, à force de sainteté. À telle point que la conquête de l'Algérie fut facilitée par l'intervention de Robert Houdin l'illusioniste, qui montrait que la magie française était plus forte que la magie maraboutique.
Des gens qui pouvaient avoir une occupation normale le jour pouvaient se dire sorciers la nuit, recevoir des visites et des offrandes en échange de leurs services.
Je tiens également de mes grands-parents, Pieds-Noirs, qu'il y avait de mystérieux sorciers appelés "Taleb", qui inspiraient la crainte. On prévenait tous les enfants de ne jamais leur serrer la main ou accepter de cadeaux de leur part.