Jean R a écrit :
ce rejet de l'ijtihad, dont j'admets qu'il a été un facteur essentiel, n'est-il pas aussi une réaction, soit au mutazilisme en tant que tel, soit aux répressions commises en son nom, qui ont apparemment laissé un traumatisme profond et durable ?
Tout à l'heure vous avanciez la thèse selon laquelle le mou'tazilisme aurait été un facteur de progrès scientifique en Islam et à présent vous soutenez qu'il aurait été un facteur de déclin.
Il faudrait plutôt commencer par nous dire pourquoi vous faites une telle fixation sur cette école théologique ? L'avez-vous étudier, avez-vous lu un livre traitant de la théologie mou'tazilite ? Si ce n'est pas le cas je vous conseil de débuter de cette façon.
Concernant l'arrêt progressif de l'ijtihad, à mon humble connaissance je ne connais aucun historien ni aucun savant qui l'est relié de quelque manière que ce soit avec le mou'tazilisme. Mais si vous en connaissez un ou plusieurs, je suis tout à fait réceptif.
Ce que l'on voit à travers l'historique de la jurisprudence islamique, c'est une forme de sacralisation exagérée des 4 (ou 6 si on y inclut les Imam dit "Alides") grands Imam fondateurs des 4 écoles de jurisprudence islamique traditionnelles ainsi que de leurs principaux disciples.
En contradiction flagrante avec les propos-même de ces Imam, leurs paroles et l'explication de leurs paroles par leurs disciples ont été progressivement sacralisées et prises comme des corpus infaillibles.
Or il faut savoir que dans les sciences du monde musulman, il y a les sciences dites "légales" (al 'ilm ash-shar'i) en l'occurrence ici la science de la jurisprudence, et les sciences dites "des réalités" (al 'ilm al-waqi') à savoir les sciences que dans la terminologie chrétienne nous appellerions "profanes".
Les unes sont reliées aux autres puisque les premières (Coran, paroles prophétiques, jurisprudence etc) déterminent le cadre, les limites, l'éthique et les objectifs des secondes (médecine, mathématique, histoire etc).
La sclérose intellectuelle venait donc de cette époque post-califienne (puisque dès 950, véritable début des fermetures de l'ijtihad, le Califat Abbasside n'était plus qu'un Califat symbolique) qui voulait que les grands Imam avaient tout élaboré, que personne ne pouvait plus atteindre leur niveau et que l'on devait à présent se concentrer sur les acquis et délaisser ainsi toute innovation intellectuelle "légale" ou des "réalités".
Mais il faut faire attention à ne pas faire un lien entre les écoles doctrinales (ayant rapport au dogme et donc considéré comme hérétique) comme le mou'tazilisme, et les écoles jurisprudentielles (ayant rapport à la jurisprudence et donc considéré comme divergence acceptable) comme le chafi'isme ou le hanbalisme. Vous pouviez trouver des mou'tazilite chafi'ite ou hanafite, des ach'arite chafi'ite, des mourjites hanafites etc.
Votre confusion vient peut-être de là ?