Alain.g a écrit :
Je persiste. La résurrection était le point fort du christianisme alors que la crucifixion, peine des voleurs et des criminels à Rome et ailleurs également semble t-il, en était le point faible. C'était bien ainsi à l'époque, les paiens se moquaient d'une religion dont le dieu est crucifié et semble donc sans pouvoir
cf par exemple chez Minucius Felix :
"Et qui leur prête, comme objet de vénération, un homme puni pour un forfait du dernier des supplices et le bois funeste d'une croix, leur attribue un autel qui convient à des dépravés et à des criminels, en leur faisant honorer ce qu'ils méritent" (Octavius IX, 4)
Jean R a écrit :
le thème d'un dieu massacré puis ressuscité était répandu dans le Paganisme : Orphée, Osiris, Tammouz, Dionysos
Certes, mais ce sont des dieux "glorieusement" massacrés. Le problème, du point de vue du monde antique, n'est pas le dieu mis à mort, mais le dieu
soumis à un supplice d'esclave ; cf ce passage de Cicéron qui nous montre à quel point c'était à ses yeux la pire des dégradations :
"Ces esclaves livrés alors pour être suppliciés suivant la coutume des ancêtres, tu as osé les arracher des bras même de la mort et les mettre en liberté. C'était sans doute afin de réserver à des citoyens romains frappés sans jugement cette croix que tu avais plantée pour des esclaves jugés et condamnés (...) Son titre de citoyen romain n'a même pas suffi à te faire hésiter sur la peine de la croix ou au moins à faire différer un peu l'exécution de ce supplice, le plus cruel et le plus horrible qui soit" (
in Verrem II,5 > aucun rapport avec le christianisme, mais très instructif sur la façon dont ce supplice était perçu)
Alain.g a écrit :
Et c'est bien pourquoi Mani invente que Jésus n'a pu être crucifié et trouve une solution.
Il n'invente rien, il s'inscrit là dans une longue tradition depuis le premier siècle, cf par exemple ce traité trouvé à Nag Hammadi :
"Moi j'étais dans la gueule des lions, mais je n'étais nullement affligé. Il m'ont châtié, ces gens-là, et je suis mort, mais non pas en réalité, mais en celui qui est manifesté. Car les outrages que je subis étaient issus de moi. Je rejetai loin de moi la honte et je ne faiblis point devant ce qu'ils m'infligèrent. J'aurais pu devenir esclave de la crainte. Moi j'ai souffert à leurs yeux et dans leur esprit afin qu'ils ne trouvent jamais nulle parole à dire à ce sujet. Cette mort qui est mienne et qu'ils pensent être arrivée, s'est produite pour eux dans leur erreur et dans leur aveuglement. Ils ont cloué leur homme pour leur propre mort, mais leurs pensées, en effet, ne me virent pas, car ils étaient sourds, aveugles et en faisant cela ils se condamnaient eux-mêmes. Ils m'ont vu. Ils m'ont vu infliger un châtiment mais c'était un autre. Celui qui buvait le fiel et le vinaigre, ce n'était pas moi. Ils me flagellaient avec un roseau: c'était un autre. Celui qui portait la croix sur son épaule, c'était Simon [de Cyrène]. Quant à moi je me réjouissais dans les hauteurs, au dessus de tout l'empire des archontes et de la semence de leur erreur. Et je me moquais de leur ignorance" (2e traité du grand Seth)
Ce que Mani invente, c'est sa propre explication de cette vieille croyance, en cohérence avec sa théologie personnelle.
...Bon, c'est sûr qu'à côté de tout ça, le Coran, hyper allusif, évite le problème, en assénant la croyance au faux-semblant sans donner aucune présicion ; ce qui amènera à des siècles de littérature musulmane pour débattre de l'explication de ce passage.
Alain.g a écrit :
Ce problème a été perçu comme important dans les premiers siècles pour les chrétiens.
Tout à fait. Et ce, dès les premiers écrits du Nouveau Testament, cf cette lettre de Paul :
"Nous, nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens" (1 Cor I, 23)
Epsilon a écrit :
OK pour le début ... mais pas pour la fin: "Ce problème a été perçu comme important dans les premiers siècles pour les chrétiens" ... ou alors il faudrait trés bien préciser ce que vous entendez par "chrétiens" à cette époque ... moi je n'y vois que les sectes apparentées au gnosticisme/ésotérique
Et alors ? Du point de vue extérieur, ces "sectes" étaient à l'époque perçues comme chrétiennes. Et c'est l'essentiel.